Les radios britannique BBC et américaine VOA “sont suspendues de diffusion (…) pendant six mois à partir du 7 mai 2018”, a déclaré à la presse à Bujumbura le président du Conseil National de la Communication (CNC) Karenga Ramadhani, qui a invoqué des “manquements à la loi régissant la presse et à la déontologie”.
Les Burundais sont appelés à se prononcer le 17 mai par référendum sur une réforme de la constitution qui permettrait au président Pierre Nkurunziza, 54 ans et au pouvoir depuis 2005, de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034.
La BBC est sanctionnée “pour avoir fait fi” d’une précédente mise en garde et pour des propos “portant même atteinte à la réputation du chef de l’Etat” tenus par un invité dans l’une de ses émissions.
Lundi, le gouvernement burundais avait demandé au CNC “de prendre ses responsabilités” contre la BBC, qu’il accusait de propager “des déclarations incendiaires appelant les Burundais à la haine et la subversion”.
Le CNC reproche à VOA d’avoir diffusé des informations “très tendancieuses” et avoir engagé un journaliste “recherché par la justice burundaise”.
La radio française RFI a reçu de son côté “une mise en garde” pour “un traitement jugé tendancieux et mensonger” d’informations sur le Burundi, à deux reprises.
Deux stations locales, Isanganiro et la CCIB FM+ sont également mises en garde à propos d’un manque de “vérification rigoureuse des sources d’information”.
La BBC n’a pas réagi dans l’immédiat mais VOA a condamné cette décision dans un communiqué.
“Nous sommes consternés par les mesures prises aujourd’hui (vendredi) par le Conseil National de la Communication (CNC) du Burundi pour interdire à VOA de diffuser ses programmes d’actualités et d’information”, déclare sa directrice Amanda Bennett.
La suspension des radios BBC et VOA va frapper essentiellement leurs émissions quotidiennes en kirundi (langue nationale du pays) sur la FM. Ces émissions sont très suivies depuis des décennies, notamment dans le monde rural où la population ne parle en grande majorité que la seule langue nationale.
“C’est un symbole car même les anciens régimes n’avaient jamais osé fermer la BBC, même durant la guerre civile alors qu’elle donnait la parole aux rebelles, aujourd’hui au pouvoir dans notre pays”, a réagi à l’AFP un responsable de média local, sous couvert d’anonymat.
“Le gouvernement burundais vient de décider de les (BBC et VOA) faire taire alors qu’on est en pleine campagne électorale, probablement pour que les Burundais n’entendent pas ceux qui prônent le non ou le boycott lors du referendum”, a-t-il accusé.
L’organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) a également dénoncé vendredi après-midi une “volonté de bâillonner un plus la presse” au Burundi à l’approche du référendum.
“Suspendre deux grandes chaînes internationales à quelques jours du référendum constitutionnel manifeste clairement la volonté des autorités burundaises de censurer le débat public et de piétiner le droit à l’information”, a déclaré Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF.
Le Burundi occupe la 159e place sur 180 dans le classement 2018 de la liberté de la presse établi par RSF.
L’annonce en avril 2015 de la candidature controversée de M. Nkurunziza à un troisième mandat a plongé le Burundi dans une crise politique qui a fait au moins 1.200 morts et plus de 400.000 réfugiés, et sur laquelle la Cour pénale internationale a ouvert une enquête. L’écrasante majorité des journalistes indépendants a fui le pays.
(©AFP / 04 mai 2018 16h52)