Burundi : le renoncement de l’Union africaine

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Présidents et responsables africains posent pour une photo de famille le 30 janvier 2016 lors du sommet de l'UA à Addis Abeba. © AFP/TONY KARUMBA

Rien ne se fera sans l’aval de Bujumbura. C’est le principal message envoyé par les chefs d’État africains réunis au sommet de l’Union africaine ce week-end.

C’est un renoncement, une reculade. Non pour l’Union africaine : il s’agit de donner une chance au dialogue inter-burundais. L’Union africaine renonce finalement à envoyer une force armée de 5 000 hommes au Burundi pour protéger les populations. Face au refus catégorique du président burundais Nkurunziza, les chefs d’État africains refusent de créer un précédent.

Pourquoi un tel retournement de situation ?

Pour le Burundi, une des priorités de ce 26e sommet de l’UA clos dimanche, les chefs d’État ont choisi de privilégier la discussion avec Bujumbura et de surseoir à l’envoi d’une « mission de stabilisation » de 5 000 hommes dont le principe avait pourtant été acté mi-décembre par l’organisation panafricaine. Cette force devait permettre d’enrayer le cycle des violences au Burundi faisant craindre des massacres à grande échelle, voire un génocide, dans ce petit pays d’Afrique des Grands Lacs marqué par une guerre civile meurtrière (300 000 morts) entre 1993 et 2006. En revanche, l’Union africaine (UA) a approuvé une mission de stabilisation pour protéger les civils, les travailleurs humanitaires et désarmer les milices au Burundi, mais ce pays frappé par la crise a immédiatement rejeté une déclaration du sommet de l’UA sur l’envoi d’une délégation de haut niveau pour négocier le consentement de Bujumbura.

Pas le feu vert des chefs d’État africains

Une partie de la Constitution de l’UA n’autorise pas le déploiement de troupes dans un État membre sans son approbation, car cela constituerait une violation de ses droits souverains, ce qui explique qu’une majorité des présidents africains présents a voté contre. Certains, plus soucieux de ne pas créer un précédent, à savoir l’envoi d’une force militaire dans un pays sans son aval, sont donc convenus de dépêcher une « délégation de très haut niveau » pour en discuter avec le gouvernement burundais. On ignore la composition de cette délégation. « Si le Burundi l’accepte, ce sera une force pour le désarmement des milices, la protection des civils en coopération avec les forces de police locales, la facilitation du travail des observateurs des droits de l’homme », a plaidé le commissaire de l’UA à la Paix et la Sécurité, Smaïl Chergui. « Il n’y a pas de volonté ni d’occuper ni d’agresser », a tenté de rassurer M. Chergui, ajoutant que la mission de l’UA visait à « donner un peu de quiétude à tout le monde ».

La diplomatie burundaise triomphe

Mais le ministre des Affaires étrangères du Burundi, Alain Aimé Nyamitwe, qui s’est dit satisfait de la décision de l’UA, a quelque peu douché les espoirs. « Je n’ai pas l’impression que les chefs d’État et de gouvernement feront le déplacement jusqu’à Bujumbura juste pour avoir un avis sur une question. Tout le monde est au courant de la position du Burundi », a-t-il affirmé à Addis Abeba. Le président Nkurunziza, absent au sommet, avait promis de « combattre » la Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu) comme « une force d’invasion et d’occupation ». Plus de 400 personnes ont été tuées depuis le début de la crise au Burundi, qui a poussé 230 000 personnes à l’exil. La capitale est désormais le théâtre de nombreuses exécutions extrajudiciaires, d’accrochages nocturnes réguliers, tandis que les auteurs d’un coup d’État avorté en mai ont promis de renverser le gouvernement par les armes si nécessaire.

Quelles suites après le sommet de l’Union africaine?

Désigné samedi nouveau président en exercice de l’organisation continentale, le président tchadien Idriss Déby avait égratigné son auditoire : « Nous nous réunissons trop souvent, nous parlons toujours trop, nous écrivons toujours beaucoup, mais nous n’agissons pas assez et parfois pas du tout. » La montée en puissance des violences après la réélection de M. Nkurunziza à un troisième mandat en juillet, l’apparition d’embryons de mouvements rebelles et la crainte des répercussions de la crise dans une région des Grands Lacs très instable avaient conduit l’UA, et notamment la présidente de la commission Nkosazana Dlamini-Zuma, à envisager des mesures plus fermes. En vain pour le moment, et en dépit du soutien du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon qui appelait samedi l’UA à « l’engagement le plus sérieux et le plus urgent ». Le prochain sommet de l’UA se tiendra mi-2016 au Rwanda, dont les relations avec le voisin burundais sont actuellement délétères, Bujumbura accusant Kigali d’entraîner militairement des réfugiés burundais sur son sol.

Le Point Afrique – Publié le 01/02/2016 à 10:17

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