La liste des ministres de transition devrait être dévoilée ce dimanche au Burkina Faso. Les échanges entre le président de la transition et son Premier ministre se sont poursuivis jusque tard dans la soirée, hier. Selon un proche des deux hommes, la situation actuelle du pays demande une attention particulière sur le choix des membres du futur gouvernement.
« Les consultations sont finies. Le président et le Premier ministre accordent leurs violons. Ce dimanche après-midi vous aurez le gouvernement », a confié à RFI un officier proche du lieutenant-colonel Isaac Zida samedi dans la soirée.
Cet officier affirme que si la liste du gouvernement tarde à être publiée, c’est dû à la tâche qui attend cette future équipe. « Il faut prendre du temps pour trouver les hommes qu’il faut. Face à la situation actuelle du pays, il faut des hommes opérationnels et capables de faire face aux différentes situations », ajoute cette source.
Samedi en début d’après-midi, une liste était déjà disponible, mais il fallait encore s’accorder sur le choix des hommes. Le Premier ministre a rencontré le président de la transition et les échanges se sont poursuivis une bonne partie de la soirée. Sur la question des quotas, l’officier prévient que le choix des ministres est laissé au pouvoir discrétionnaire du président et du Premier ministre.
Selon certaines sources, ce retard est la conséquence d’une mésentente entre les différents groupes censés faire des propositions. Au niveau des partis politiques de l’opposition, il y a des conflits entre les différents chefs de partis. Les ténors de la classe politique et les partis considérés comme de seconde zone sont à couteaux tirés sur les personnes proposées pour occuper des postes ministériels. De même, la société civile n’aurait pas proposé de candidatures assez consistantes, capables de faire face aux défis qui se présentent au gouvernement de transition pour les douze mois à venir.
Par RFI
La junte militaire au Burkina Faso installe un régime potiche
Le 15 novembre, l’armée du Burkina Faso, en consultation avec « l’opposition » bourgeoise a choisi Michel Kafando comme Président de transition de l’ancienne colonie française en attendant des élections dans 12 mois.
Ensuite, le 19 novembre, Kafando a nommé le chef de la junte colonel Isaac Zida au poste de Premier Ministre. Zida avait menacé que toute opposition au « processus de transition sera réprimée avec vigueur et fermeté. »
Un diplomate a dit au Figaro: « Le premier ministre est le nouvel homme fort du pays, d’autant que c’est lui qui va nommer le gouvernement ». Le journal a aussi cité Guy Hervé Kam, un dirigeant du mouvement d’opposition Balai Citoyen qui avait participé aux appels à manifester contre le Président Blaise Comparé à la fin du mois d’octobre.
Kam a dit: «On savait que Michel Kafando était le candidat des militaires. Puis l’armée obtient le poste de premier ministre. On peut penser que tout avait été prévu. C’est une déception»,
A présent, Zida consolide sa position dans les élites dirigeante, lançant en même temps des appels populistes contre le président déchu. Il a annulé les passeports diplomatiques de 20 soutiens de Compaoré et a limogé plusieurs personnalités pro-Compaoré qui dirigeaient des sociétés nationales burkinabées des hydrocarbures et d’électricité.
La nomination de Zida témoigne de la banqueroute des forces petites bourgeoises qui avaient appelé aux manifestations contre Compaoré le mois dernier. Elles voulaient bloquer sa tentative de modifier la constitution qui lui aurait permis de briguer un cinquième mandat présidentiel, et ainsi augmenter leur influence dans l’Etat. Cependant, elles ont été consternées par l’éruption de manifestations de masse le 28 octobre qui menaçaient le régime entier où elles voulaient trouver une place. Maintenant, elles se rangent derrière l’installation d’un nouveau régime militaire à Ougadougou.
L’armée burkinabée a longtemps été un truchement aidant l’impérialisme français à dominer la région ; elle opère à présent à côté des troupes françaises au Mali. Elle a destitué Compaoré pour détourner la contestation populaire, permettant à l’armée française de transporter Compaoré en Côte d’Ivoire. Il est à présent l’invité du Roi Mohammed VI du Maroc, allié fidèle de Paris.
Paris a applaudi l’installation de la nouvelle junte à Ouagadougou. L’ambassadeur de France Gilles Thibault a félicité Zida de la part du Président François Hollande, déclarant: « La France va rester aux côtés du Burkina comme elle l’est depuis très longtemps. »
Etant donnée l’histoire sanglante de la France au Burkina Faso, ceci est une menace glaçante. Selon un portrait de 2011 dans la Dépêche Diplomatique, Kafando a soutenu le coup d’état du 17 mai 1983, soutenu par François Mitterrand à l’époque président de la France, lui aussi du PS. Kafando a soutenu aussi le coup d’état de Compaoré de 1987, l’assassinat du Président castriste Thomas Sankara et l’adoption de politiques exigées par le Fonds Monétaire International (FMI). Kafando a ensuite servi comme ambassadeur de Compaoré à l’ONU de 1998 à 2011.
« L’opposition » bourgeoise a été complice dans la restauration par Zida d’un régime militaire à Ougadougou. Ses partis ont tous participé au Collège de Désignation qui a choisi Kafando, lequel comprenait 23 représentants de l’armée, des partis de « l’opposition » officielle, des institutions religieuses et tribales, et de différentes organisations non-gouvernementales (ONG).
Ces événements démontrent le caractère réactionnaire non seulement du gouvernement PS français, mais aussi des partis de la pseudo-gauche, qui ont salué la chute de Compaoré comme la « victoire populaire » de « l’opposition » bourgeoise. Dissimulant leur position avec des louanges cyniques du soulèvement, ils ont aidé l’opposition à stabiliser la junte de Ouagadougou. (Voir: Le NPA soutient le rétablissement de l’ordre au Burkina Faso)
Toutes ces forces ont ainsi signalé leur rôle d’outils de l’impérialisme français et d’ennemis acharnés de la classe ouvrière et d’une lutte pour le socialisme.
Zéphirin Diabré, ancien cadre supérieur de la multinationale française du secteur de l’énergie Areva et porte-parole de la coalition « Chef de file de l’Opposition », a agi de concert avec l’appel de Hollande à Compaoré à ne pas prolonger sa présidence. Quand le soulèvement de masse a éclaté le 28 octobre, il a applaudi l’armée comme « allié du peuple », et a lui fourni une couverture politique pendant qu’elle faisait son coup et établissait une dictature.
Les forces qui se réclamaient de Thomas Sankara n’ont représenté aucune alternative pour les travailleurs et les masses opprimées du Burkina Faso. Le général « sankariste » Kwamé Longué, qui jouissait d’un certain soutien parmi les manifestants, insistait sur le fait qu’il restait pleinement dans le camp de l’armée. Après avoir semblé briguer le poste de président intérimaire, s’attirant ainsi les menaces de Zida, l’armée l’a évacué en France dans un fauteuil roulant avec une jambe cassée.
L’Observateur Paalga demande: « Mais dans quelles circonstances le général, tant réclamé par la foule lors de la révolution, a-t-il eu la jambe fracturée ? L’Observateur Paalga n’est pas en mesure de l’expliquer à ses lecteurs, car les militaires qui accompagnaient la presse au domicile du général Lougué ne lui ont guère laissé le loisir de faire son travail. »
Le Balai Citoyen petit bourgeois, en apparence dirigé par deux chanteurs Smockey et Sams’ K Le Jah, s’est présenté comme une opposition indépendante et démocratique à Compaoré, mais a collaboré étroitement avec Zida. Dans un entretien avec lefaso.net, Smockey a lavé le rôle de l’armée et l’assassinat de plusieurs manifestants: « l’armée a su bien jouer un rôle de protection du citoyen…une bonne partie de l’armée avait pris fait et cause pour le peuple ».
Il a défendu la collaboration de Balai Citoyen avec l’armée: « Nous étions en train de négocier avec tous les officiers et non uniquement avec Zida » a-t-il dit, ajoutant que la situation exigeait de « négocier et passer le pouvoir à l’armée momentanément afin que la situation sécuritaire soit stabilisée. »
Smockey a avoué que quand la nouvelle de la démission de Compaoré était arrivée, « nous avions dit que c’est à l’Armée de dire ça au peuple étant donné qu’elle se disait être pour le peuple. …nous sommes restés à leurs côtés et c’est cette position qui nous a valu d’être taxés d’avoir vendu la lutte ».
Comments are closed.