Le nouveau président intérimaire a promis de s’investir dans la lutte contre la corruption et l’injustice. Il a annoncé des investigations pour l’identification du corps de l’ancien président Thomas Sankara
Le peuple burkinabè a vécu une journée historique vendredi dernier. Ce jour-là, l’armée a respecté la charte de la transition, en cédant le fauteuil présidentiel à un civil, Michel Kafando. Le nouveau chef de l’Etat burkinabè a aussi reçu le drapeau des mains de son prédécesseur, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Kafando, sur fond de musique militaire. Ce drapeau lui confère le statut de chef suprême des armées de son pays.
La cérémonie officielle de passation de charges entre le chef de l’Etat sortant, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, et son successeur, Michel Kafando, a eu lieu vendredi au Palais des Sports de Ouagadougou, situé à Ouaga 2000. La cérémonie qui était prévue à 17 heures n’a finalement débuté que vers 18 heures 30. L’événement qui s’est déroulé dans la simplicité.
Le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta et ses homologues Mahamadou Issoufou (Niger), Macky Sall (Sénégal), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), John Dramani Mahama (Ghana) et Mathias Boni Yayi (Bénin), le Premier ministre du Togo, ainsi que le représentant du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Ibrahima Fall, étaient les témoins privilégiés de ce grand événement. La Côte d’Ivoire était représentée par son ministre des Affaires étrangères.
Il faut rappeler que le nouveau président intérimaire a été désigné en début de semaine dernière par un collège d’électeurs qui était composé de civils et de militaires. Ensuite, le Conseil constitutionnel a validé cette décision.
L’attention de l’assistance a surtout été attirée par le discours à l’accent révolutionnaire du nouveau chef de l’Etat burkinabè. Michel Kafando a tenu d’abord à faire observer une minute de silence à la mémoire des Martyrs de la révolution. C’est ainsi qu’il a décidé de donner le nom du Panthéon des martyrs de la révolution au Mausolée des héros nationaux. Le président de la transition burkinabè a aussi pris l’engagement de mener des investigations pour identifier le corps du grand panafricaniste et révolutionnaire, Thomas Sankara, qui a été tué en 1987 lors d’un coup d’Etat qui a porté le capitaine Blaise Compaoré au pouvoir. Il a précisé que ces enquêtes ne seront plus assorties de décisions judiciaires, mais du gouvernement. Des propos qui ont suscité un tonnerre d’applaudissements dans la salle, surtout chez les partisans du défunt président.
« Nous revenons de loin. Il y a seulement trois semaines, ce lieu a servi de cadre à une insurrection populaire sans précédent qui aurait, sans l’aide de Dieu, conduit au cataclysme », a souligné Michel Kafando.
Le président de la transition a dénoncé les maux dont souffrait la société la démission forcée du régime de Blaise Compaoré. Une démission qui est intervenue après plusieurs vagues de manifestations populaires. Les manifestants se plaignaient de « l’injustice, du népotisme et de la corruption », parmi tant d’autres. Il a promis de régler les comptes à « ceux qui ont méprisé cette justice et qui pensent qu’ils peuvent dilapider impunément le denier public ».
« Plus jamais d’injustice ! Plus jamais de corruption ! Tout nous oblige à prendre nos responsabilités », a-t-il assuré, tout en s’engageant de « ramener la morale à la première place de l’exercice du pouvoir public ».
Avant ce discours, certains chefs d’Etat ont pris la parole pour féliciter l’armée, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, la classe politique et la société civile pour leur sens patriotique et leur sagesse.
Visiblement satisfait de cet événement qu’il considère comme une victoire supplémentaire du Burkina Faso, le chef de l’Etat mauritanien et président en exerce de l’UA a exhorté les nouvelles autorités et les populations de ce pays à œuvrer davantage pour ne pas remettre en cause ces acquis.
Le Ghanéen Dramani Mahama, également président en exercice de la CEDEAO, a évoqué le rôle significatif de notre organisation sous-régionale dans la résolution des crises. Il a mis en exergue « la médiation menée avec succès par la CEDEAO (allusion à la visite de Macky Sall) au Burkina Faso », avant d’inviter les Burkinabè à s’investir pour le développement et la démocratisation de leur pays. Même son de cloche pour Ibrahima Fall, représentant du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’ouest qui s’est réjoui de la solidarité entre la CEDEAO et son institution pour la gestion de la crise. Il a insisté sur la consolidation de l’unité nationale, la sécurité dans le Sahel et l’organisation des élections en novembre 2015 pour mettre fin à la transition.
Le chef de l’Etat a confié à la presse son encouragement au nouveau président de la transition et exprimé le soutien de notre pays au peuple frère du Burkina Faso.
Envoyé spécial
B. M. SISSOKO