Burkina Faso: le président et son gouvernement destitués

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Burkina: arrivée officielle du président Kafando au palais de Kossyam
Le président burkinabè, Michel Kafando, lors de sa prestation de serment à Ouagadougou, le 18 novembre 2014.
AFP PHOTO / ROMARIC HIEN

Des militaires de la garde présidentielle au Burkina Faso, qui retiennent toujours en otages le président et le gouvernement, ont annoncé jeudi avoir dissous les institutions du pays. Ils ont tiré en l’air à Ouagadougou pour disperser des manifestants.

En octobre 2014, c’est par centaines de milliers que les Burkinabés étaient descendus dans la rue et avaient chassé du pouvoir le président Blaise Compaoré, après 27 ans à la tête du pays. Jeudi matin, moins d’un an plus tard, ils ont assisté impuissants à la proclamation d’un coup d’Etat militaire à la télévision nationale.

Les soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), corps d’élite de l’armée et garde prétorienne de l’ancien président Compaoré, ont annoncé avoir “dissous” les institutions de la transition et promis d’organiser des “élections inclusives”.

Un “Conseil national de la Démocratie” affirme avoir mis “fin au régime déviant de la transition. (…) Le président de la Transition (Michel Kafando) est démi de ses fonctions. Le gouvernement de transition” et “le Conseil national de la Transition”, l’assemblée intérimaire, sont “dissous”, a affirmé à la télévision publique un militaire, le lieutenant-colonel Mamadou Bamba.

Les militaires putschistes ont annoncé ensuite la nomination du général de la garde présidentielle Gilbert Diendéré à la tête du “conseil national pour la démocratie” qu’ils ont mis en place. Ils ont aussi annoncé la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu nocturne.

Compaoré à la manoeuvre?
Le RSP dénonce notamment la loi qui interdit aux partisans de l’ancien président Compaoré de se présenter à l’élection présidentielle qui devait avoir lieu le 11 octobre et clore la période de la transition.

Cette loi électorale très controversée rendait “inéligibles” tous ceux qui avaient soutenu un “changement inconstitutionnel”, soit la tentative de M. Compaoré de modifier la Constitution pour supprimer la limitation des mandats présidentiels et qui avait déclenché la colère de la rue.

De fait, nombre de commentaires de Burkinabés sur les réseaux sociaux se demandaient si l’ancien président Compaoré, actuellement exilé en Côte d’Ivoire voisine, était à la manoeuvre, en sous-main, dans ce coup d’Etat. Le président de l’assemblée intérimaire (CNT) Cheriff Sy a appelé jeudi sur RFI “le peuple à se mobiliser immédiatement contre cette forfaiture”. “C’est une question de rapport de force” a-t-il lancé, dénonçant un “coup d’Etat”.

Mais jeudi matin, des tirs de sommation sporadiques résonnaient dans Ouagadougou, quadrillée par des soldats du RSP qui ont notamment mis en place des barrages tout autour de Ouaga2000, le quartier où se trouve le Palais présidentiel. Les rues de la capitale étaient quasi désertes, les magasins et administrations étaient fermés tandis que le grand marché de Ouagadougou était vide.

Condamnations unanimes
La crise s’était nouée mercredi après-midi, avec l’irruption au Palais présidentiel, en plein Conseil des ministres, de militaires du RSP, le corps d’élite de 1300 hommes de l’armée burkinabè. Ces derniers retiennent depuis en otages le président intérimaire Michel Kafando, le premier ministre et numéro 2 du régiment Isaac Zida et de nombreux membres du gouvernement. De sources concordantes, les militaires ont laissé partir les femmes membres du gouvernement.

Le coup d’Etat a suscité des condamnations unanimes de la communauté internationale: le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest ont réclamé à l’unisson la libération du président Kafando et de son gouvernement. Le président français François Hollande a de son côté condamné un “coup d’Etat”. Il a appelé à la “remise en place” des institutions.

(ats / 17.09.2015 13h22)

 

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2 COMMENTAIRES

  1. En mettant brusquement une fin à la transition en cours, le RSP dirigé par celui que l’on appelle couramment homme de l’ombre, le Grl Gilbert Diendéré, le BFaso vient de renouer une fois de plus avec ses vieux démons de « putschisme ». Tour de prestidigitation métaphysique sans pareil ! Quand le treillis se mêle de la politique, la rue, la masse populaire, le peuple voire sa démocratie renoncent à leur prétention. Or le destin du BFaso se joue désormais dans cette pitoyable comédie de bonneteau ontologique dont le RSP joue le jeu et le vit à un haut niveau! En effet, pour comprendre le phénomène, il faut remonter dans l’histoire des coups d’Etats dans ce pays, qui, sans l’air de rien, devient le pays de la sous région, avec la Mauritanie, ayant opéré le plus grand nombre de coup de force civile (2) et simplement militaire (4) :

    1- Janvier 1966 : Maurice Yaméogo est renversé par une manifestation pacifique organisée par les forces vives de la nation, elles même dirigées par les syndicats, la chefferie dite traditionnelle et le clergé…

    2- 25 Nov. 1980: Le Col. Saye, Ministre des Affaires Etrangères, renverse par un coup d’État militaire son Président Aboubacar Sangoulé Lamizana…

    3- Août 1983 : Cpt. Thomas Sankara, Premier ministre, et accompagné de B. Compaoré, J. Baptiste B. Lingani et H. Zongo, G. Diendéré, renverse par un coup d’Etat militaire le Président Saye Zerbo…

    4- 15 Nov.1987: Cpt. Blaise Compaoré renverse à son tour par un coup d’Etat militaire T. Sankara, coup dirigé par G. Diendéré…

    5- Déc.2014 : Manifestations organisées par les forces vives de la nation dirigées par les syndicats et partis politiques chassent B. Compaoré du pouvoir…

    6- Sept.2015 : Grl. Gilbert Diendéré destitue par un coup militaire les autorités de la transition…

    Ce récent coup, qui nous intéresse, est loin d’être anodin tant par son acteur et le rôle de celui-ci, parce qu’ayant participé directement ou indirectement dans trois coups d’Etat dans ce pays. Le paradoxe qu’il a conjugué, celui de militariser le régime tout en tenant l’armée en laisse. Le RSP, sous la direction de G. Diendéré, est demeuré longtemps une armée entièrement à part, avec des règles de fonctionnement et de hiérarchie inconnues dans une armée ordinaire. La confiance du boss primait le grade, et l’appartenance au RSP donnait tous les droits, y compris celui de tancer des gradés. Les implications du Régiment dans bien de d’assassinats, du journaliste N. Zongo par ex, de séquestrations comme Norbert Tiendrébeogo (Pdt. Front des Forces Sociales) ou d’autres disparitions comme celles de J-B. Lingani, Henri Zongo, Sergent Moussa Kaboré (suicide en prison), démontrent sans aucune ambigüité une certaine preuve du caractère d’impunité et froid inné à ce corps, qui brutalise toujours les consciences populaires!

    La brutalité qu’elle confirme avec cette nouvelle rupture brusque de l’ordre institutionnel a-t-elle cette fois ci dépassée le Rubicon ? Jusqu’à quand le peuple du Faso se relèvera de ce coup de massue sur la tête ? Rien n’est moins sûr au vu et au su de la détermination des nouveaux acteurs, de leur chasse poursuite et intimidation contre de la population.

    Tout compte fait, les évènements actuels au Pays des Hommes Intègres rappellent un déjà-vu dans l’histoire de ce pays, lorsque toute l’Afrique et en particulier le BFaso assistaient, comme au Mali de 1991-2012, à la jetée de l’enfant avec l’eau du bain puisée dans la référence Sankariste de 1983.

  2. Les militaires de la garde présidentielle qui destituent le président; où sommes-nous? Au Burkina Fasso, en Afrique! Ban Ki-moon, dépêchez-vous à envoyer des casques bleus de la MUNISBUFA pour troubler davantage la situation. L’Afrique est à la merci des occidentaux. Peuple d’Afrique, réveillons-nous pour chasser nos ennemis. Les éléments du RSP pensent qu’ils sont intouchables et au dessus de la loi. Il faut purement et simplement dissoudre le RSP pour que le Burkina survive.

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