Burkina Faso – Blaise Compaoré peut-il s`en sortir ?

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INTER d’ABIDJAN – Blaise Compaoré est sur des braises, c`est le moins qu`on puisse affirmer, vu les nombreux mouvements d`humeur auxquels il fait face depuis deux mois. Le président burkinabé est aux manœuvres pour desserrer l`étau des revendications sociales, politiques et surtout militaires. Mais comment peut-il s`en sortir? Les dernières cartes qu`il pourrait abattre.

Depuis le 20 février 2011, date où un étudiant a trouvé la mort à Koudougou, à une centaine de kilomètres de la capitale, la relative quiétude sociale observée depuis plusieurs mois voire des années au Burkina Faso semble sérieusement perturbée. Les agitations sociales qui ont fait six morts, ne semblent pas s`estomper. Bien au contraire, après les élèves et étudiants appuyés par les syndicats et ONG, c`est l`armée burkinabé, celle- là même qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir, il y a 24 ans, qui s`est jetée dans la danse. C`est la deuxième fois en moins de deux mois que les militaires se rebellent contre leur chef.

Le cas le plus significatif de ce malaise, est sans doute le soulèvement ce week-end des éléments de la garnison de Pô à 143 Km de Ouagadougou. Pour celui qui connaît l`histoire de l`arrivée au pouvoir du natif de Ziniaré, ce camp qui forme la crème de l`armée burkinabé, a servi de rampe de lancement au sommet du pouvoir, pour le jeune capitaine. En effet, c`est pendant qu`il dirigeait ce célèbre centre de formation, qu`il a évincé en 1983, le commandant Jean- Baptiste Ouédraogo, éphémère dirigeant d`une junte qui a renversé le général Sangoulé Lamizana deuxième président de l`ex- Haute Volta.

C`est encore à ses mêmes « gars » de Pô, que Compaoré fera appel quatre ans plus tard, pour descendre sur le Conseil de l`Entente qui faisait office de présidence, pour détrôner Thomas Sankara. La révolte de la garnison de Pô, le samedi 16 avril, après celle de la garde présidentielle et des deux grandes casernes de Ouagadougou que sont les camps Guillaume Ouédraogo et Sangoulé Lamizana, est symptomatique d`un sérieux malaise au sein de l`armée, véritable pilier du régime.

Officiellement, ce sont des revendications d`ordre corporatiste, en l`occurrence le problèmes de primes qui sont mises en avant par les militaires. Ces problèmes rejoignent ceux de tous les Burkinabé qui réclament de meilleures conditions de vie. D`ailleurs, début avril, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté à cet effet dans la capitale et dans plusieurs villes du pays contre le régime.

Etroite marge de manœuvre pour Blaise Compaoré

Les sautes d`humeur constatées aussi bien dans les casernes que dans le reste de la population, expliquent un véritable désir de changement. A travers des revendications sociales, les compatriotes de Blaise Compaoré lui lancent surtout un appel à passer enfin la main. Lorsqu`on jette un regard sur les cinq pays voisins du Burkina que sont le Niger de Mahamadou Issoufou, le Mali de Amadou Toumani Touré, le Ghana de John Atta Mills, le Bénin de Yayi Boni, le Togo de Faure Gnassingbé et la Côte d`Ivoire d`Alassane Ouattara, Blaise Compaoré apparaît bien comme celui qui jouit de la plus grande longévité au pouvoir. A 60 ans, il fait aussi partie des doyens des chefs d`Etat de la sous -région.

Pour faire face au réveil subit du front social, Compaoré a entre ses mains deux principales cartes. La première c`est bien sûr celle de l`apaisement. Le président a pris une série de mesures pour rendre plus supportable le coût de la vie. Les militaires eux ont vu leurs primes revues à la hausse. Au plan politique, le gouvernement, bouc-émissaire tout trouvé au marasme économique, est vite dissous. Une mesure qui apparaît plutôt comme un cautère sur une jambe de bois, un vrai coup de bluff en fait, car Compaoré connaît mieux que quiconque les attentes au plan politique de ses compatriotes. Il s`agit tout simplement de l`alternance au pouvoir.

Nombre de ses concitoyens avaient pensé à tort que la présidentielle de novembre 2010 que venait de remporter leur président, serait la dernière qu`il brigue. Ils ont vite déchanté, car l`homme serait bien tenté par une modification de la Constitution qui lui ouvrirait la voie à d`autres mandats. C`est justement cette boulimie du pouvoir qui révolte les Burkinabé, qui à l`instar de tous leurs voisins, souhaitent vivement l`alternance. La deuxième carte que pourrait abattre Blaise Compaoré est la répression. Au cas où son régime serait sérieusement menacé, il pourrait être tenté d`utiliser la manière forte pour décourager toute velléité de prise du pouvoir par la rue ou par l`armée. Mais il risque de se heurter d`abord à son armée qui apparemment ne lui est plus totalement vouée. La grogne de sa propre garde est un sérieux avertissement.

L`autre obstacle susceptible de refroidir l`ardeur répressive du président, est l`activisme des nombreuses organisations des droits de l`homme qui peuvent saisir à tout moment les tribunaux internationaux. Le TPI est aujourd`hui un véritable épouvantail qu`agitent à tout vent ces ONG contre les dictateurs. Autre décision et peut- être la plus sage que pourrait prendre Compaoré, c`est d`annoncer clairement son départ au terme de son actuel mandat. Or, il vient à peine de débuter celui- ci qui ne prendra fin qu`en 2016. Un délai qui pourrait paraître bien trop long pour son peuple impatient d`expérimenter une autre gouvernance.

Charles d`Almeida – Publié le lundi 18 avril 2011 | L’Inter (via abidjan.net)

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