Brexit : le miroir brisé de l’intégration à l’européenne

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La déflagration a été terrible dans le ciel de moins en moins serein de l’Europe aux premières heures de la matinée de ce vendredi 24 juin 2016. Les Britanniques, du moins les Anglais, ont décidé à une relative majorité de débarquer du navire chancelant de l’Europe. Le Brexit (pour British exit) a donc enregistré un taux de participation de 72,2 %, avec 48,2 % pour et 51,9 %. Les électeurs ont ainsi donné leur quitus pour que le Royaume Uni sorte de l’Union européenne. Un processus qui, selon les spécialistes, prendra au moins deux ans avec des conséquences imprévisibles sur non seulement les Britanniques, mais aussi sur les autres pays de l’Union.

 

Même s’ils n’ont jamais entièrement été Européens (absents de la politique monétaire autour de l’Euro et de l’espace Schengen qui régit les frontières européennes), les Britanniques prennent leurs distances avec un espace dont les politiques prônées (agriculture, immigration…) étaient en déphasage avec leur nationalisme exacerbé. Curieusement, au moment où la crise financière pousse à l’ouverture et  à l’unification des espaces politico-économiques, le Royaume Uni se replie sur lui-même en devenant «plus isolationniste que jamais». Très curieux de la part des Anglais qui sont presque les seuls habitants du Royaume à avoir voté pour le Brexit. Surprenant d’autant plus que Londres, qui vient d’élire un maire issu de l’immigration, nous avait paru une ville très cosmopolite pendant notre séjour à l’occasion des Jeux olympiques de 2012. Nous avons vu une ville ouverte non seulement sur la vieille Europe, mais aussi sur le reste du monde, notamment les anciennes colonies britanniques à travers le monde. N’empêche qu’on pouvait aussi constater aisément que les «Anglais de souche» étaient jalousement barricadés derrière leurs traditions avec des craintes non exprimées.

 

Comme le disait récemment une jeune consœur, «le Royaume Uni compte un peuple fier, atypique, souverain, telle sa monarchie millénaire». La puissance économique du Royaume commençait sans doute à être fragilisée par les réformes européennes dont le bien-fondé divise toujours les économistes et les habitants de l’Union, les agriculteurs surtout. Même si la Livre Sterling n’a rien perdu de sa puissance, l’économie de la Grande Bretagne commençait à stagner, créant ainsi un chômage de plus en plus inquiétant. La politique d’émigration de l’Europe a ainsi vite été mise en cause au gré de la résurgence d’un nationalisme, un moment refoulé, pour tenter le mariage avec l’Europe.

 

Le «Oui» anglais au Brexit est en quelque sorte une expression des craintes liées à la perte de souveraineté et surtout à la peur d’être envahi par des flux migratoires que l’Europe ne cesse d’attitrer et dont la gestion est l’une des politiques les moins maîtrisées par l’Union européenne. La presse anglaise n’a pas laissé de la place au doute dans ce vote. Elle a balayé d’un revers de main, souvent par des chroniques souvent virulentes, le cataclysme brandi par les partisans au maintien au sein de l’UE. Elle a minimisé les conséquences évoquées (écroulement des places boursières, crise financière obligeant les banques centrales à injecter des liquidités, hypothèque de la croissance économique…) par de nombreuses personnalités occidentales et des institutions financières, comme le FMI, en cas de retrait du Royaume de l’Union. Fervents défenseurs de la souveraineté britannique, dont ils se sont toujours considérés comme les garants, les très influents tabloïdes anglais (The Sun, Daily Mirror, Daily Mail…) ont réussi à convaincre les plus indécis à se joindre aux eurosceptiques. Leur influence sur les électeurs a, en grande partie, déterminé l’issue de ce vote.

 

Un modèle désormais contesté

 

Même si l’enclenchement de la procédure juridique n’est pas systématique, la rupture est consommée entre la vieille Europe et l’Outre Manche. C’est comme si un miroir s’était brisé parce que le modèle européen a été longtemps brandi comme référence par les partisans de l’intégration des espaces économiques dans le monde. Au niveau sous-régional et régional, nous avons toujours poussé nos dirigeants à s’inspirer de l’Europe pour aller vers l’intégration avec des ensembles sous-régionaux et continentaux comme la Cédéao, la Cémac, l’Uémoa, la Sadec, l’Union africaine… Que reste-il aujourd’hui de cette référence, d’autant plus que le retrait britannique ne manquera pas de faire des vagues, apportant de l’eau au moulin des eurosceptiques ?

 

Même si l’UE ne se désintègre pas totalement, elle va devoir se reformer, revoir ses politiques souvent trop contraignantes, mais dont les retombées ont toujours été mitigées. Force est aussi de reconnaître que les conséquences du vote du 23 juin 2016 risquent de désintégrer le Royaume Uni. Et cela, d’autant plus que le «Oui» au Brexit est le fruit d’un chauvinisme anglais, à la limite de l’égoïsme. Les Ecossais et les Irlandais ont massivement opté pour le non au retrait de la Grande Bretagne de l’Union. Tout comme Gibraltar. Ils ont été mis en minorité par les Anglais, mais ne s’avouent pas vaincus.

 

Les conséquences politiques du Brexit commencent déjà à menacer le Royaume, puisque les Ecossais souhaitent majoritairement un second référendum sur leur indépendance, car ils ne sont pas disposés à tourner le dos à l’UE et à ses avantages économiques. Les Irlandais envisagent aussi de quitter le Royaume Uni pour la fusion des deux Irlande (Nord et Sud). Comme nous pouvons le constater, c’est le Royaume Uni qui risque aujourd’hui plus la désintégration que l’Europe unie. Le Trône d’Elizabeth II est donc menacé. God save the Queen !

 

Moussa BOLLY

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