Le favori de la présidentielle d’octobre n’avait plus guère de choix, deux jours après l’émission d’un mandat de dépôt par le juge anticorruption Sergio Moro, suite à sa condamnation en appel à 12 ans et un mois de prison pour corruption et blanchiment d’argent.
“Je vais me conformer au mandat de dépôt”, a dit la figure emblématique de la gauche latino-américaine de 72 ans, mais “je suis un citoyen outré parce que je ne pardonne pas que l’idée ait été donnée à la société que je suis un voleur”.
“Je veux les regarder dans les yeux”, a-t-il ajouté au sujet de ses accusateurs, promettant de prouver un jour son innocence.
“Moro a menti”, a ajouté l’ex-chef d’Etat au sujet de son ennemi intime, le juge à la barre de l’enquête tentaculaire “Lavage express” autour du groupe public Petrobras. Sergio Moro a déjà fait tomber de hauts responsables mais Lula est sa plus grosse prise.
Lula s’exprimait devant des milliers de sympathisants de gauche très émus lui criant “ne te livre pas”, en marge d’une messe à la mémoire de son épouse, devant le siège du syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo, où il était retranché depuis deux jours, défiant les autorités et son ordre d’arrestation.
Hissé sur la plateforme d’un camion, le poing levé, toujours pugnace, Lula s’est montré aussi très ému à la mention du nom de sa femme.
Une foule de sympathisants de gauche criait également : “Lula je t’aime”, en formant un coeur avec leurs mains. Beaucoup pleuraient.
Luiz Inacio Lula da Silva et ses avocats avaient négocié vendredi avec les autorités les conditions de l’arrestation de l’ancien ouvrier métallurgiste ayant accédé au sommet de l’Etat. Il ne s’était pas rendu à la police fédérale de Curitiba (sud), comme le lui avait demandé la justice.
Après son arrestation, Lula devait être conduit à 400 km de Sao Bernardo do Campo, situé dans la ceinture industrielle de Sao Paulo, à Curitiba, ville du sud où est basé le juge Moro, pour y être incarcéré.
Les autorités étaient visiblement soucieuses que l’incarcération de celui qui fut deux fois le président (2003-2010) d’un Brésil conquérant et reconnu sur la scène internationale se fasse à la fois sans violence et le plus dignement possible.
– “Persécution politique” –
“Ce sont les funérailles du pays. Ils ont mis en lambeaux la démocratie, il s’agit d’une persécution politique”, a déclaré à l’AFP Suzet Santos, créatrice d’une micro-entreprise et dont les trois enfants ont pu faire des études supérieures grâce aux programmes de bourses instaurés sous la présidence Lula.
Lula avait négocié de pouvoir assister à la messe en mémoire son épouse, Marisa Leticia, décédée en février 2017, et qui aurait eu 68 ans ce samedi.
Elle a été mise en cause pour l’octroi du triplex en bord de mer de la part d’une entreprise de construction qui a valu à Lula sa lourde condamnation. Cet appartement aurait été donné en échange de faveurs dans l’obtention de marchés publics.
La messe s’est déroulée devant le siège du syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo, que Lula a dirigé dans les années 70, sous la dictature militaire. C’est là qu’a démarré la formidable ascension de ce leader autant adoré que détesté des Brésiliens, et dont la politique a été toute la vie.
– “A l’écart des autres prisonniers” –
Après son arrestation, Lula se retrouvera dans une cellule d’à peine quinze mètres carrés avec toilettes et douche privatives, au siège de la Police fédérale de Curitiba, a priori avant un transfèrement.
Le juge Moro a expliqué que la cellule avait été spécialement prévue en raison du statut d’ex-chef d’Etat de Lula, “à l’écart des autres prisonniers, sans aucun risque pour son intégrité morale ou physique”, dans un pays tristement célèbre pour les violences liées à sa surpopulation carcérale.
A Curitiba, des anti-Lula se trouvaient déjà devant le siège de la police fédérale, anticipant une arrivée de Lula.
Luciano Aparecido Gimenes, enseignant, a indiqué à l’AFP “espérer qu’il soit prisonnier”. “C’est une honte, pas seulement lui, mais tous ceux qui sont corrompus et restent impunis doivent être incarcérés”, a-t-il dénoncé.
Même en prison, Lula pourrait toutefois techniquement s’enregistrer comme candidat à la présidentielle d’octobre, même s’il semble désormais hors course.
C’est la justice électorale qui trancherait in fine sur l’éligibilité de celui qui, ironie du sort, a près de 20 points d’avance dans les intentions de vote sur son suivant immédiat.
(©AFP / 07 avril 2018 18h44)