Brésil : Dilma Rousseff dénonce un “coup d’État parlementaire”

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VIDÉO. La première femme à la tête du Brésil a été destituée par le Sénat mercredi. Le nouveau président Michel Temer a promis “une nouvelle ère” au pays.

Quelques heures après la destitution de Dilma Rousseff, le nouveau président du Brésil Michel Temer a promis mercredi “une nouvelle ère” à la première économie d’Amérique latine. Ancien vice-président de Mme Rousseff dont il a précipité sa chute, l’homme fort du PMDB (centre droit) a prêté serment au Sénat. “Aujourd’hui nous inaugurons une nouvelle ère de deux ans et quatre mois pour remettre le Brésil sur les rails”, jusqu’aux prochaines élections présidentielle et législatives fin 2018, a-t-il déclaré lors de sa première réunion de cabinet, retransmise en direct à la télévision.

“Il faudra en sortir sous les applaudissements des Brésiliens”, a ajouté le nouveau président, de centre droit, qui devait ensuite partir pour la Chine pour un sommet du G20 où il tentera de redorer le blason terni du Brésil. “Cela va être difficile”, a-t-il poursuivi rappelant les 11,8 millions de chômeurs dans le pays, un record.

Tout aussi impopulaire que sa rivale, Michel Temer exerçait déjà la présidence à titre intérimaire depuis la suspension, le 12 mai par le Sénat, de la première femme élue à la tête du cinquième pays le plus peuplé de la planète. Il a annoncé sa priorité : “la création d’emplois”. “Quand les gens sont amers, et cela se voit dans les rues, c’est à cause du chômage”, a-t-il souligné en demandant à ses ministres de “créer des groupes pour débureaucratiser les mesures” à prendre. Parmi les autres décisions économiques les plus urgentes, le dirigeant a cité un plafond pour les dépenses publiques et des réformes de la prévoyance sociale et du travail.

La promesse d’une opposition féroce

La présidente du Brésil Dilma Rousseff a été destituée mercredi par le Sénat pour maquillage des comptes publics au terme d’une procédure hautement controversée, qui met fin à 13 ans de gouvernements de gauche dans le plus grand pays d’Amérique latine. Une majorité de plus des deux tiers requis des sénateurs a voté pour la destitution de la dirigeante de gauche, élue en 2010, et qui a été remplacée plus tard dans la journée par son ancien vice-président et rival Michel Temer (PMDB, centre droit). Sur les 81 parlementaires, 61 ont voté pour sa destitution et seulement 20 ont voté contre.

La présidente destituée a dénoncé “un coup d’État parlementaire”. “Le Sénat a pris une décision qui entre dans l’histoire des grandes injustices”, a déclaré l’ancienne guérillera de 68 ans devant la presse. Les sénateurs “ont décidé d’interrompre le mandat d’une présidente qui n’a pas commis de crime de responsabilité. Ils ont condamné une innocente et commis un coup d’État parlementaire”. Elle a ensuite prévenu : “Nous reviendrons”, avant d’ajouter : “Il ne s’agit pas d’un adieu mais d’un à bientôt“.

L’ex-dirigeante a lancé une sévère mise en garde à son successeur, son ancien vice-président de centre droit Michel Temer, qui a précipité sa chute en claquant la porte de sa coalition, et à ses nouveaux alliés conservateurs. “Écoutez bien : ils pensent qu’ils nous ont battus, mais ils se trompent. Je sais que nous allons tous lutter. Ils vont être confrontés à l’opposition la plus ferme, infatigable et énergique que puisse subir un gouvernement putschiste”, a-t-elle martelé, répétant cette phrase en insistant sur chaque mot.

“Pendant 13 ans, nous avons mené avec succès un projet d’inclusion sociale et de réduction des inégalités au Brésil”, a-t-elle ajouté en référence aux 13 années ininterrompues de pouvoir du Parti des travailleurs (PT, gauche), sous sa présidence et celle de son mentor Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010). “Mais je suis persuadée que l’interruption de ce projet n’est pas définitive. Nous reviendrons, non pas par vanité et ambition personnelle, mais pour continuer à lutter pour un Brésil meilleur et plus juste”, a-t-elle ajouté, dans une allusion aux prochaines élections législatives et présidentielle de 2018.

Un jugement politique

Dilma Rousseff garde ses droits civiques, ce qui lui permettra d’exercer une fonction publique. Dans le cadre d’un second vote où une majorité des deux tiers (54) était également requise, 42 sénateurs ont voté pour qu’elle conserve ses droits, 30 contre et trois se sont abstenus, a indiqué le président du Tribunal suprême fédéral (STF) Ricardo Lewandowski.

L’ex-dirigeante, qui a suivi le vote depuis sa résidence du palais de l’Alvorada en compagnie de son mentor, l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, devrait désormais quitter Brasilia pour rejoindre son domicile de Porto Alegre (sud) où vivent sa fille et ses deux petits-fils. « Elle va bien, elle est tranquille », avait assuré avant le vote un de ses conseillers à l’Agence France-Presse.

Englué depuis la réélection de Dilma Rousseff fin 2014 dans une crise politique et économique de magnitudes historiques, sur fond de méga scandale de corruption, le Brésil rompt ainsi avec 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT) initié en 2003 par Lula. Une longue page d’histoire marquée par le « miracle » socio-économique des années 2000 qui a vu sortir 29 millions de Brésiliens de la misère, avant les affaires de corruption et un brutal retournement économique qui ont précipité le Brésil et Dilma Rousseff dans l’abîme. Les chiffres officiels publiés mercredi matin ont d’ailleurs montré que la récession s’installe au Brésil, avec un sixième trimestre consécutif de baisse du PIB.

Le verdict est tombé au sixième jour d’un procès marathon, de dizaines d’heures de débats techniques et passionnés où le droit de la défense et la Constitution auront été scrupuleusement respectés sur la forme, sans forcément convaincre de la culpabilité de Dilma Rousseff au plan strictement juridique. La dernière session s’est conclue sur les discours enflammés de sénateurs de chaque camp : « Temer n’a pas la légitimité pour gouverner ce pays », a lancé la sénatrice Vanessa Grazziotin (PCdoB, parti allié du PT). Le sénateur Ronaldo Caiado (DEM, droite) a rétorqué que « les vraies canailles sont ceux qui pillent les coffres de Petrobras et s’enrichissent avec l’argent public, les vraies canailles sont ceux qui laissent des millions de Brésiliens sans emploi ».

Quatorze heures de questions

« La démocratie n’est pas le meilleur régime parce qu’elle est infaillible, mais parce qu’elle corrige ses imperfections. Si nous nous trompons, la démocratie se corrigera et le peuple nous corrigera », avait déclaré le président du Sénat Renan Calheiros (PMDB) avant le vote final. Le motif de cette destitution ? Le maquillage des comptes publics pour camoufler l’ampleur du déficit, via un tour de passe-passe faisant incomber certains frais à des banques publiques, et l’approbation de trois décrets engageant des dépenses sans le feu vert du Parlement.

Pour la défense de Dilma Rousseff, tous ses prédécesseurs ont eu recours aux manœuvres budgétaires incriminées sans avoir été inquiétés. Il s’agit donc d’un « coup d’État » institutionnel orchestré par l’opposition de droite et Michel Temer. Le vice-président avait porté un coup fatal à cette ex-guérillera de 68 ans torturée et emprisonnée sous la dictature (1964-1985) en poussant en mars son grand parti centriste, le PMDB, à claquer la porte de sa coalition.

La démonstration de combativité administrée lundi par Dilma Rousseff, répondant pendant plus de quatorze heures au feu roulant de questions des sénateurs avec calme et fermeté, n’était donc qu’un baroud d’honneur pour la postérité. « Votez contre la destitution, votez pour la démocratie », avait-elle lancé aux sénateurs, dont plus de la moitié sont soupçonnés de corruption ou visés par une enquête. Dilma Rousseff avait martelé avec force avoir la « conscience tranquille de n’avoir commis aucun crime de responsabilité ».

Le Venezuela gèle ses relations avec le pays

Le gouvernement vénézuélien du président socialiste Nicolas Maduro a annoncé mercredi le gel des relations diplomatiques avec le Brésil et le rappel de son ambassadeur, condamnant « énergiquement » la destitution de la présidente brésilienne. Il a été « décidé de retirer définitivement (notre) ambassadeur dans la République fédérale du Brésil et de geler nos relations politiques et diplomatiques avec le gouvernement issu de ce coup parlementaire », a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Publié le 31/08/2016 à 19:09 | Le Point.fr

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