BOUAKE (AFP) – mercredi 22 décembre 2010 – 17h02 – A Bouaké (centre), habitants et ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) qui contrôlent le nord de la Côte d’Ivoire, piaffent d’impatience de "marcher" sur Abidjan pour chasser de la présidence Laurent Gbagbo et installer son rival Alassane Ouattara.
"Même si nous ne supportons pas la situation actuelle" avec ces deux présidents proclamés, "nous ne savons pas quelles sont les cartes entre les mains des politiques. Donc, nous attendons", déclare à l’AFP le commandant Chérif Ousmane, tout-puissant commandant FN de la zone ("ComZone").
Ceux qui doivent donner l’ordre sont Ouattara, reconnu président par presque toute la communauté internationale, et son Premier ministre Guillaume Soro, secrétaire général des FN, qui contrôlent la moitié nord du pays depuis l’échec de leur tentative de coup d’Etat de 2002.
Soro a demandé mercredi à l’ONU, l’Union européenne, l’Union africaine et l’Afrique de l’Ouest, "d’envisager la force" pour faire partir Gbagbo.
A Bouaké, "capitale" des FN, toutes les unités sont déterminées à "marcher" sur Abidjan pour chasser Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, affirme le commandant Ousmane, regard vif, pistolet à la ceinture.
Mais ni cet officier ni les autres chefs militaires interrogés par l’AFP n’ont cependant souhaité révéler le nombre de soldats prêts à marcher sur la capitale économique ivoirienne. Il y a officiellement quelque 1.200 combattants FN à Bouaké, très visibles dans les rues de la ville.
La semaine dernière, des éléments des FN avaient affronté des membres des Forces de défense et de sécurité (FDS, loyales à Gbagbo) à Tiébissou, près de Bouaké, à la limite de l’ancienne zone tampon qui séparait les deux ex-belligérants de 2002. L’épreuve avait tourné à l’avantage des FDS.
"Aujourd’hui, nous sommes une force véritablement constituée, et nous attendons que les ordres soient donnés" pour une offensive sur Abidjan, affirme un autre responsable FN, Seydou Ouattara, assurant que ses hommes sont "en alerte maximum".
"On est prêt", renchérit le sergent Soumahoro Konaté après avoir fini l’appel de sa section au commandement de la Zone 3 (nord-est de Bouaké), un des trois camps militaires de la ville où le ton est plus guerrier.
Pour ce jeune sous-officier en treillis, béret noir rangé à l’épaule et chaussures poussiéreuses, ainsi que ses collègues, un seul objectif: "balayer" Gbagbo du pouvoir et installer Ouattara.
Même son de cloche parmi les habitants de Bouaké, qui ont massivement voté en faveur de Ouattara.
En demeurant sourd aux multiples appels à son départ, "Gbagbo s’est mis à dos tout le monde, donnant l’occasion à ses ennemis d’applaudir sa prochaine chute. Personne ne pleurera sa déchéance", estime un religieux chrétien, sous couvert d’anonymat.
Beaucoup déplorent ce qu’ils considèrent comme une passivité des Casques bleus et des forces françaises de Licorne en Côte d’Ivoire.
C’est le cas de Bintou Koné, pharmacienne de 42 ans qui s’interroge: "Si l’ONU ne veut pas enlever Gbagbo par la force et (qu’elle) empêche aussi les FN de le faire, qu’est-ce qu’elle propose aux populations qui se font massacrer jour et nuit?".
Pour le "ComZone" Chérif Ousmane, même si les choses traînent, Gbagbo ne sera bientôt plus au pouvoir. "Son pouvoir est fini. Je ne peux pas donner de date, mais ce n’est pas possible de (le) laisser au pouvoir" plus de "six semaines".
AFP