Il y a une semaine, le cabinet de l’avocat français William Bourdon a porté plainte à Paris au nom de l’Etat centrafricain dans l’affaire des biens mal acquis du clan Bozizé. Les autorités de Bangui demandent l’ouverture d’une enquête sur le patrimoine en France d’anciens responsables du régime : propriétés immobilières, avoirs financiers, voitures de luxe. Un patrimoine qui, selon le pouvoir de transition, n’a pas pu être acquis par des voies légales.
D’où vient la fortune amassée par le clan Bozizé ? D’où viennent ces propriétés immobilières, ces avoirs financiers, ces voitures de luxe détenus par les anciens dignitaires centrafricains ? De revenus légaux obtenus au service de l’Etat ? Pour la présidence de transition centrafricaine, c’est impossible. L’équipe de Catherine Samba-Panza est persuadée qu’il faut regarder ailleurs.
Activités minières
Du côté de l’argent lié aux activités minières tout d’abord. Et par exemple, du côté du pétrole. Sous Bozizé, des intérêts chinois ont reçu un permis précédemment accordé sous Ange-Félix Patassé à l’Américain Jack Grynberg pour travailler sur les réserves du nord-est du pays. L’actuelle équipe au pouvoir a recensé quelques acteurs clés de cette opération : le président Bozizé, son neveu, une société appartenant à Mme Bozizé, un intermédiaire au Qatar. La présidence de transition soupçonne des versements de pots-de-vin : elle évoque la promesse d’une enveloppe de 10 millions de dollars américains payables en deux temps, un compte aux Iles vierges britanniques, un engagement de surfacturations.
Autre ressource naturelle qui s’est transformée, selon Bangui, en source de devises : l’uranium. Avec notamment les transactions qui ont entouré l’affaire Uramin, cette société revendue au géant français du nucléaire Areva pour l’exploitation du gisement de Bakouma dans le sud-est. Les autorités de transition disent détenir des informations sur plusieurs dizaines de millions de dollars américains qu’auraient obtenus deux acteurs clés du dossier au sommet de l’Etat centrafricain. Elles parlent aussi de commissions mises à l’abri en Afrique du Sud.
Troisième ressource, enfin : l’or. Bangui regarde avec suspicion les relations entre la société Aurafrique et les dirigeants de l’ancien régime, et notamment des fonds qui ont été versés entre 2010 et 2011.
Faux passeports diplomatiques
Les richesses du clan Bozizé peuvent aussi, selon les autorités de transition, avoir été obtenues grâce au commerce de faux passeports diplomatiques. Ce volet des biens mal acquis centrafricains voit l’épouse d’un opposant kazakh, mais aussi une proche de l’ancien guide libyen Mouammar Kadhafi, ou encore différents hommes d’affaires obtenir des papiers centrafricains. Et pas des moindres, puisqu’ils sont assortis du titre de « conseiller diplomatique à la présidence ». Ces documents officiels ont été obtenus, selon les nouvelles autorités de transition, après paiement de sommes d’argent.
L’équipe de Catherine Samba-Panza évoque un intermédiaire d’origine togolaise actif en France, en lien avec un Français. Elle voit ce système de faux passeports comme « une entreprise criminelle organisée ». Il est également question d’une société de droit centrafricain, Africard, ainsi que de commissions de 10% sur le prix de chaque passeport versées à des personnes haut placées.
Le pouvoir de transition s’interroge par ailleurs sur les transactions qui sont liées à l’acquisition, fin 2012, de deux hélicoptères Mi-24 auprès de la société ukrainienne Ukrinmash. Et sur la possible existence de commissions occultes autour de ce contrat.
Par Laurent Correau/ rfi.fr