Le 6 mars prochain, au terme de ses deux mandats constitutionnels, le président Thomas Boni Yayi laissera la place à son successeur. Après dix ans au pouvoir, quel bilan socio-économique peut-on faire de sa présidence ? Un bilan en demi-teinte, selon les Béninois.
« Les 30 000 francs CFA aux femmes, c’est ce que je retiens », s’exclame John, économiste. Le microcrédit aux plus pauvres a effectivement été une mesure phare lancée en 2006-2007 : plus de 60 milliards de FCFA ont été injectés, plus de 900 000 personnes en ont bénéficié, surtout des femmes avec peu de ressources.
Roukayath, commerçante dans un marché de Cotonou, les a reçus : « C’était bien d’avoir cet argent, mais avec 30 000 FCFA, on ne peut finalement pas faire grand-chose. » Un expert-comptable, qui souhaite rester anonyme, regrette : « C’est un bon principe, mais il a été utilisé comme un instrument politique au lieu de servir au développement. Donc les objectifs de réduction de la pauvreté n’ont pas été atteints. »
De fait, de nombreux Béninois ont l’impression que les inégalités sociales se sont accrues. Une impression confirmée par Soulé Bio Goura, chercheur au laboratoire d’analyse régionale et d’expertise sociale : « Le taux de pauvreté a stagné à 34% en dix ans. C’est vrai qu’on a eu une croissance autour de 5% mais elle a été en partie absorbée par le fort accroissement de la population, plus de 3,5% par an. »
Des avancées sociales
Beaucoup reconnaissent qu’il y a eu des avancées sociales sous Boni Yayi : gratuité de la césarienne, de l’école primaire publique pour tous, de l’enseignement secondaire seulement pour les filles, et le RAMU, régime d’assurance maladie universel.
« Ma fille est en sixième, j’ai payé seulement 3 000 FCFA à la rentrée, et c’était pour le balai et le chiffon », raconte Marius, 36 ans, qui a travaillé dans les ressources humaines avant de faire taxi-moto à Cotonou. Même appréciation de Nicolas, 32 ans : « Ma fille est née par césarienne, j’ai seulement payé 21 000 FCFA pour les trois jours à l’hôpital. Le kit était gratuit. »
Tanguy, couturier, ne partage pas cet enthousiasme. « Il n’y a pas eu de mesures d’accompagnement. Aujourd’hui, tout le monde envoie ses enfants à l’école mais il n’y a pas assez de classes et pas assez d’enseignants. Quel est le niveau de nos élèves ? », s’interroge-t-il.
« Trop de saupoudrages, trop de chantiers, ça a été le frein de ces mesures sociales, analyse Soulé Bio Goura. Le président a voulu trop en faire au lieu de poser des bases solides. » Pour Soura, 50 ans, commerçante, Boni Yayi est un bâtisseur qui a modernisé le pays : « Grâce à lui, il y a pleins d’infrastructures, de bonnes routes. Regardez comment Cotonou a évolué avec les échangeurs ! »