Bâtonnier Pierre-Olivier Sur et Me Konaté sur TV5 Monde à propos de la justice dans la réconciliation : «L’Afrique sera probablement un jour la locomotive du monde…»

0

L’interview qui suit, Pierre Olivier Sur, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Paris et Mamadou Ismaïl Konaté, Avocat au Barreau du Mali, reviennent sur le rôle des avocats, du Campus du barreau des avocats tenu récemment à Bamako et sur l’affaire Michel Tomi dans laquelle le Quotidien Le Monde (France) écornait l’image du président IBK. Lisez !

Peut-il y avoir réconciliation sans justice ? Et quel rôle peuvent jouer les avocats pour faire revenir la réconciliation et reconstruire le Mali, Pierre-Olivier Sur ?

Les avocats sont le véhicule de l’accès au droit. Et l’accès au droit est la garantie de la réconciliation par la justice. Et, que voulez-vous trouver de mieux que la justice pour laisser les mauvais souvenirs en arrière et regarder de l’avant ? Je crois que, quand les pays, quand les gens ont été fracturés, eh bien, il faut ressouder les choses. Et la justice est là pour ça.

Mamadou Konaté êtes-vous d’accord avec cette analyse ?

Je partage amplement cette opinion et je pense qu’on a eu l’occasion de discuter tout au long du Campus du barreau à Bamako. C’est une évidence absolue qu’aujourd’hui, la justice, le droit, la loi sont des espaces qu’il faut de plus en plus occuper dans notre pays, pour qu’aujourd’hui l’Etat de droit puisse se construire. C’est une évidence absolue.

Alors, c’est la première fois que le Campus du barreau de Paris se tenait en Afrique ? Pourquoi ? Parce que c’est un continent en croissance, Pierre-Olivier Sur ?

Pour deux raisons. D’abord, évidemment parce que c’est un continent en croissance. On le sait, l’Afrique en 2050, ce sera deux 2 milliards et demi d’habitants. On le sait aussi, c’est probablement un jour la locomotive du monde et cette locomotive, elle tourne avec une essence qui est française ; c’est le droit continental. Et c’est bien le droit qui reconstruit, qui permet le développement. Et cela, on ne peut le mettre en place qu’ensemble entre Africains et Français, à partir d’une culture juridique commune. C’est cette œuvre que nous avons voulu faire et construire ensemble à Bamako, au Mali, avec les avocats français, les avocats maliens sans oublier les avocats de la sous-région. Je crois que c’était un franc succès et nous en sommes très heureux.

Mamadou Konaté, l’idée c’était aussi que les avocats français s’intéressent davantage aux questions de droit en Afrique, à l’Afrique tout court. Notamment, il était beaucoup question de droit des affaires pendant ce campus…

Bien évidemment. Il faut savoir qu’au-delà de la langue que nous parlons communément, même avec des tons différents, nous pratiquons aujourd’hui un droit qui a une substance française, qui est le droit continental. Et ce droit aujourd’hui est partagé entre dix-sept Etats-parties de l’Ohada (l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique). Ceci nous permet aujourd’hui justement d’être en jonction parfaite avec nos confrères de Paris sur les dossiers communs que nous partageons en Afrique et des dossiers qui peuvent avoir des prolongements aujourd’hui en terme de droit des affaires en France et en Europe. Je crois qu’aujourd’hui, la symbiose est parfaite.

Pourquoi avoir choisi le Mali, car ce n’est pas le pays qui connaît la plus grande croissance sur le continent africain, Pierre-Olivier Sur ?

C’était la deuxième raison. La première raison, l’Afrique, locomotive du monde de demain, est notre culture juridique commune. Le Mali sort de la guerre et aussi il y a le risque d’Ébola aux frontières. Nous avons considéré que c’était justement là qu’il fallait aller pour notre Campus, pour montrer d’abord que nous n’avons pas peur et pour encourager les autres à y venir. Et c’est peut-être la raison pour laquelle l’accueil a été si chaleureux.

Je ne peux pas terminer cette interview sans vous parler de la fameuse affaire Tomi qui secoue le Mali. Le Quotidien Le Monde a mis en  cause en mars le président malien IBK, qui aurait été financé par l’homme d’affaires qui est aujourd’hui aux arrêts, en France, pour blanchiment aggravé. Vous êtes les avocats d’Ibrahim Boubacar Keïta dans ce dossier. Fin mars, le porte-parole du gouvernement malien a annoncé que le président IBK allait porter plainte. Où en est-on ? Est-ce qu’une plainte a été déposée ou pas, Mamadou Konaté ?

Je ne sais pas. Je n’ai pas entendu le porte-parole du gouvernement sur ce sujet-là. Je sais que le président Ibrahim Boubacar Keita, à l’époque, m’avait demandé de constituer autour de moi un certain nombre de confrères dont le Bâtonnier de Paris. La première des choses qu’il m’avait demandée, c’était de réfléchir à une opinion à lui exprimer, de sorte qu’il puisse prendre une décision. Cette réflexion a été faite, cette opinion lui a été exprimée. Maintenant, c’est à lui de prendre la décision qu’il veut.

Il n’a pas déposé plainte manifestement donc, le président Ibrahim Boubacar Keïta ? C’est ce que vous lui avez conseillé également, Pierre-Olivier Sur ?

Ecoutez ! Moi, je ne veux pas rentrer dans les détails d’un dossier qui, pour l’instant, est totalement couvert par le secret dans cette affaire, tandis qu’il y a d’autres affaires, en Afrique, qui me paraissent beaucoup plus inquiétantes dans un pays voisin, à Dakar. Un dossier scandaleusement suivi par une justice d’exception, qui ne fait pas honneur à l’Afrique que j’aime et à cette grande capitale du droit qu’est Dakar. C’est cet exemple-là qui montre qu’il y a encore beaucoup de choses à faire en Afrique pour que l’Etat de droit triomphe définitivement.

Source : TV5 Monde

Commentaires via Facebook :