Le président malien, Amadou Toumani Touré craint ce que tout le monde craint. Une intervention militaire en Côte d’Ivoire qui pourrait conduire à une « guerre civile » dont des exactions sur les populations civiles. Y compris les étrangers vivant en Côte d’Ivoire.
Autant des Maliens que des Burkinabé, des Français, des Guinéens, des Ghanéens, des Togolais, des Nigériens, des Nigérians, etc. La Côte d’Ivoire étant un pays d’accueil avant et pendant et après les indépendances, certains n’hésitent pas à dire que la moitié de la population de ce pays est étrangère. Mais de là à croire ou à craindre qu’une intervention militaire pourrait être dommageable aux intérêts du Mali en Côte d’Ivoire et se désolidariser ainsi des autres chefs d’Etat de la sous-région est un non sens. Autrement, Amadou Toumani Touré montre ici qu’il est partisan de Laurent Gbagbo d’autant plus qu’il ne propose pas une autre porte de sortie de la crise en Côte d’Ivoire. Alors qu’il reconnaît (puisque jusqu’à présent il n’a pas dit le contraire) la victoire d’Alassane Dramane Ouattara à l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. A quoi donc joue le président malien ? On lui reconnaîtrait ses craintes que s’il craignait pour l’ensemble des étrangers ouest-africains ou non résidents en Côte d’Ivoire.
Car, on s’inquiétant uniquement pour ses compatriotes en Côte d’Ivoire, il indexe les autres populations étrangères vivant en Côte d’Ivoire et qui véritablement n’ont rien à voir avec la crise qui secoue le pays. Aussi, le président malien que la rumeur a indiqué comme étant celui qui a payé les salaires des fonctionnaires ivoiriens en fin décembre doit bien expliquer sa position. Même si cette rumeur a déjà été démentie, elle demeure comme cette tâche noire qui ternit l’image d’Amadou dans cette crise ivoirienne. Que ce soit au Mali où la rue reconnaît Alassane Ouattara comme président élu, ou en Afrique et dans le reste du monde où la plupart des pays et leurs dirigeants demandent à Laurent Gbagbo de remettre le pouvoir qu’il est en train d’usurper en Côte d’Ivoire. L’un des arguments d’Amadou Touré met mal à l’aise des pays comme le Burkina, le Niger et même le Ghana.
La Côte d’Ivoire n’est pas plus un débouché maritime pour le Mali que le Burkina Faso. Quand on considère qu’il n’a pas non plus plus de ressortissants vivant en Côte d’Ivoire que le Burkina Faso. Il est vrai, comme le dit Gbagbo, le Mali est un Etat souverain ; il a le droit de prendre des positions par rapport à n’importe quel sujet. Surtout quand il touche à la sécurité de ses ressortissants. Mais dans le cas précis de la situation en Côte d’Ivoire, en craignant comme il le fait actuellement, Amadou Toumani Touré donne l’impression de se désolidariser des autres pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Et en même temps, ouvre une brèche à Laurent Gbagbo pour justifier le spectre de la guerre civile qu’il est en train de brandir. En d’autres termes, la position malienne, même si elle n’est pas très officielle, va légitimer d’éventuelles exactions sur les populations étrangères et ouest-africaines.
C’est pourquoi, au lieu de craindre, Amadou Touré devrait, comme ses pairs, mettre en garde Laurent Gbagbo contre toutes formes d’exactions sur les populations ouest-africaines et étrangères de façon générale. En cela, on pourrait mieux comprendre ses craintes. Car jusqu’à preuve du contraire, la position que sont allés défendre hier les trois émissaires de la Communauté ouest-africaine est commune. Il est donc temps de parler le même langage pour éviter d’embraser la sous-région. Par la voix du président de l’Assemblée nationale, le Burkina Faso a pris position : Alassane Dramane Ouattara est le président élu de la Côte d’Ivoire. Dans tous les cas, des Maliens ont été tués, mutilés, dépossédés de leurs biens en 2002 en Côte d’Ivoire. Amadou Toumani était au pouvoir.
Dabaoué Audrianne KANI
L’Express du Faso (via lefaso.net) – 29/12/2010