Les plaignantes souhaitent des éclaircissements sur les lois texanes qui prévoient jusqu’à 99 ans de prison pour les médecins pratiquant des IVG, sauf « en cas de danger de mort ou de grave handicap pour la mère ».
Cinq femmes ont saisi la justice du Texas pour demander à cet Etat américain conservateur de clarifier les « exceptions médicales » aux lois qui interdisent aux médecins locaux, sous peine de lourdes amendes et de prison, de pratiquer des interruptions de grossesse.
Selon l’organisation Center for Reproductive Rights, qui les représente, il s’agit de la première plainte déposée par des Américaines ayant essuyé des refus d’IVG depuis que la Cour suprême des Etats-Unis a dynamité, en juin 2022, le droit à l’avortement.
Dans cette plainte inédite, et lors d’une rare prise de parole publique, ces cinq Texanes ont raconté, mardi 7 mars, comment elles s’étaient vu refuser un avortement malgré de graves complications. Au-delà de l’aspect juridique, il s’agit aussi pour elles de montrer aux Américains « les implications concrètes » des lois restrictives adoptées par une quinzaine d’Etats après cet arrêt historique.
Les lois texanes, qui prévoient jusqu’à 99 ans de prison pour les médecins pratiquant des avortements, admettent des exceptions, mais uniquement « en cas de danger de mort ou de grave handicap pour la mère ».
Une loi considérée comme vague et confuse
« Personne ne devrait avoir à attendre d’être à l’article de la mort pour recevoir des soins de santé », a déclaré Nancy Northup, présidente du Center for Reproductive Rights. Les plaignantes considèrent que la loi est rédigée de manière vague et crée de la confusion pour les professionnels de santé, qui craignent des répercussions s’ils pratiquent une IVG.
Lors d’une conférence de presse à Austin, devant le parlement de leur Etat, elles ont ainsi expliqué avoir vécu un premier traumatisme en découvrant, après quelques semaines de grossesse désirée, que leur fœtus n’était pas viable.
Quand la poche des eaux s’est rompue, des mois avant le terme, « mon cœur s’est brisé en millions de morceaux », a confié, très émue, Anna Zargarian, 33 ans. « J’aurais voulu me mettre en boule et pleurer », a ajouté Lauren Miller, qui, enceinte de jumeaux, a appris au second trimestre que l’un des fœtus avait des malformations létales. « Mais je n’ai pas pu parce que je devais m’organiser pour avorter en dehors de mon Etat, afin de laisser une chance de survivre à l’autre bébé », a expliqué cette femme de 35 ans.
Toutes les deux ont pris un vol pour le Colorado, où il est possible d’avorter tard dans une grossesse. C’était « l’expérience la plus effrayante de ma vie, a assuré Anna Zargarian. C’était comme jouer à la roulette russe : je pouvais faire une hémorragie, une infection ou entamer le travail à tout moment ». Elles ont pu recevoir les soins désirés et Lauren Miller, qui s’est présentée devant les médias avec un ventre très rebondi, doit accoucher à la fin du mois.
Des « témoignages effrayants », selon Kamala Harris
A dix-huit semaines de grossesse, Lauren Hall avait, elle, découvert que son fœtus n’avait pas de crâne et ne pourrait pas survivre. Elle s’est rendue à Seattle pour avorter dans une clinique où elle a été accueillie par « des manifestants qui m’ont traitée de tueuse en brandissant des posters de bébés morts ». De nouveau enceinte, elle a dit « avoir peur de tout », « surveiller chaque petite douleur par crainte de se retrouver à nouveau dans cette situation insupportable ».
Pour sa part Amanda Zurawski, 35 ans, a réussi à interrompre sa grossesse au Texas, mais a dû attendre trois jours après avoir perdu les eaux parce que son hôpital refusait d’intervenir tant qu’elle ne montrait pas de signes d’infection.
« Mon médecin ne pouvait pas intervenir tant que son cœur battait ou jusqu’à ce que je sois suffisamment malade pour que le comité d’éthique de l’hôpital considère ma vie en danger et permette les soins de santé normaux dont j’avais besoin à ce moment-là », a-t-elle expliqué. A cause de ce délai, elle a fait une septicémie, a passé plusieurs jours en soins intensifs et a perdu une de ses trompes. Pour elle, « il n’y a pas de mots pour décrire le traumatisme et le désespoir de devoir attendre de mourir, ou de devoir attendre la mort de son enfant, ou les deux ».
La plainte « contient des témoignages effrayants, directs, de femmes qui ont failli perdre la vie après un refus de soins », s’est émue la vice-présidente démocrate, Kamala Harris, dans un communiqué. « En 2023, aux Etats-Unis, ces histoires sont honteuses et inacceptables », a renchéri la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, en dénonçant « les efforts extrémistes des républicains pour retirer aux femmes leur libre choix ».
Par: Le Monde
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