Au Kenya, le terrorisme en 140 caractères

0
Un officier de la police kényane dans le centre commercial Westgate, où l'attaque revendiquée par les shebabs somaliens a fait plusieurs dizaines de morts, le 21 septembre. REUTERS/
Un officier de la police kényane dans le centre commercial Westgate, où l’attaque revendiquée par les shebabs somaliens a fait plusieurs dizaines de morts, le 21 septembre.
REUTERS/

Les télés, les radios et les sites internet de presse écrite, ont largement couvert l’attaque des islamistes somaliens shebabs au Kenya. On a suivi l’assaut en direct, avec des images chocs, des informations fournies par les shebabs eux-mêmes, via leur compte Twitter. Les terroristes sont, semble-t-il, passés maîtres dans l’art du storytelling cynique et du communiqué de presse brutal sur le net et via les réseaux sociaux.

Depuis plus d’un an, les organisations jihadistes sont particulièrement actives sur Twitter et semblent en maîtriser tous les codes. Ces derniers jours, en marge des évènements dans le Westgate Mall, il y a eu une véritable guerre de communication en ligne. Le compte présenté comme celui des shebabs responsables de l’attaque a tout d’abord revendiqué l’attentat sanglant du centre commercial de Nairobi, puis informé régulièrement de l’évolution de leur coup de force. «Les moudjahidines ont pénétré vers midi dans le Westgate», signale un tweet. «Ils ont tué une centaine d’infidèles kenyans et la bataille se poursuit», indique un autre.

 

 

Les caméras de sécurité du centre commercial de Nairobi ont capté les premières heures de l’attaque du commando islamiste. Les images visionnées par le quotidien kényan The Standard confirment les premiers témoignages des otages sortis vivants du carnage du Westgate. Les assaillants armés de grenades, de fusils d’assaut et d’armes automatiques, sont entrés dans le centre par deux points d’accès et ont commencé à tirer sur tous les personnes présentes. Des images d’une rare violence où l’on voit les islamistes forcer les otages à réciter le début de la Shahada, la profession de foi des musulmans. Ceux qui en étaient incapables étaient immédiatement abattus, les autres ont été épargnés. The Standard n’a pas souhaité mettre en ligne ces vidéos insoutenables. Une autre vidéo des premiers instants de l’attaque captée à l’intérieur du centre commercial avec un smartphone, a circulé aussi sur YouTube.

 

 

Les internautes choqués

Juste après la revendication de l’attaque, les réactions ont été unanimes sur Twitter, toutes vont de la stupéfaction à l’horreur. Tous les messages qui remontent avec les mots clef#kenya#Nairobi, #Westgate vont dans ce sens, «Les cadavres que j’ai vus n’ont pas reçu une balle, mais plusieurs, ils ont été mitraillés», «l’intention des assaillants était clairement de tuer un maximum de personnes». Les internautes sont choqués aussi par la violence des images, d’autres s’interrogent : «Pourquoi le compte des shebabs est-il toujours en ligne ?»

 

 

Le terrorisme contemporain existe via les différents médias

Les réseaux sociaux font, semble-t-il, partis désormais de l’arsenal des organisations terroristes se réclamant d’al-Qaïda. Elles sont devenues de véritables «entreprises de communication massive», selon Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions militaires sur le site d’information Opinion, qui répondait aux questions de la chaîne i-Télé. «Ils se servent de nous, les médias, pour transmettre leurs messages. C’est inévitable. On est obligé de raconter ce qu’il s’est passé. Mais, en même temps, on est dans leur plan de communication. C’est la tragédie du terrorisme contemporain : il a besoin des médias pour exister», explique ce spécialiste.

 

 

Le terrorisme sur Twitter

Cette utilisation d’internet n’est pas une nouveauté pour le groupe islamiste somalien. On se souvient qu’ils avaient publié la photo d’un soldat français tué lors d’une opération commando en janvier dernier. Mais leur façon d’utiliser Twitter a changé depuis trois jours : ils distillent des messages selon la méthode du storytelling qui consiste, tweet après tweet, à raconter leurs exploits qu’ils décrivent de façon très cynique. Pourtant le compte @HSM Press des shebabs, ne respecte pas la charte d’utilisation de Twitter, qui interdit ce type de publication et de propagande.

 

 

Dès le début de l’attaque, le compte a été suspendu, puis un autre a immédiatement pris le relais, et aussitôt éliminé. Des suppressions en cascades, sans grand effet sur la publication, une simple réinscription sur Twitter permet de diffuser à nouveau ! Impossible de vérifier que ces messages proviennent bien de l’organisation terroriste mais le style de rédaction est similaire aux précédents comptes qui ne craignent pas de s’exposer en public sur Twitter au risque d’attirer l’attention des services de renseignements.

 

Par rfi.fr

Commentaires via Facebook :