Au Gabon, interrogations et rumeurs en l’absence du président Ali Bongo

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Le président du Gabon, Ali Bongo en train de voter lors du scrutin du 6 octobre 2018 (photo d'illustration). © Steve JORDAN / AFP

Au lendemain de la tentative avortée de coup d’Etat, le pays s’inquiète face à une situation politique inédite.

« Il fallait s’y attendre. » Gaston a l’air sûr de lui, lundi 7 janvier à midi, quelques heures après une tentative de coup d’Etat à Libreville, capitale d’un pays dont le président est absent depuis plus de deux mois et où le gouvernement n’assure plus que les affaires courantes. Ali « Bongo [Ondimba] n’est plus là et le gouvernement a remis sa démission. Qui tient les manettes ? », demande-t-il, faisant écho à des dizaines de Librevillois circonspects devant une situation politique inédite dans ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale de 1,8 million d’habitants.

Lundi matin, un groupe d’une dizaine de militaires a appelé sur les ondes de la Radio-Télévision gabonaise (RTG) au soulèvement populaire, disant vouloir sauver le pays du « chaos ». Las, le putsch a échoué dans la journée. L’armée a été déployée dans Libreville, deux militaires ont été abattus par les forces de sécurité, leur chef arrêté et Internet a été coupé dans le pays.

Alimenter les ragots
Cette tentative de coup d’Etat intervient après plusieurs semaines d’interrogations et de rumeurs au Gabon, depuis l’hospitalisation en Arabie saoudite le 24 octobre 2018 du président Bongo, victime d’un AVC. Début novembre, un journal d’opposition – interdit depuis pour cette « une » – avait titré : « Le Gabon en (très dangereux) pilotage automatique ». Début décembre, un autre écrivait : « Les militaires vont-ils prendre le pouvoir ? »

Dans la presse, les commentaires sur des « tensions internes » entre proches du président – entre son directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga, et le chef des services de renseignement, Frédéric Bongo, – étaient nombreux. Au Gabon, royaume de la « kongossa » – rumeur, en argot –, la communication quasi mutique des autorités sur l’état de santé du président Bongo, au pouvoir depuis 2009, n’a fait qu’alimenter les ragots.

« Ils veulent nous cacher quoi encore ? », se demandait mi-décembre Sonia, Librevilloise de 26 ans, disant attendre les traditionnels vœux de la Saint-Sylvestre pour voir le président – enfin – prendre la parole. Lors de ces vœux, filmés au Maroc où il poursuit sa convalescence, M. Bongo, 59 ans, est apparu changé, avec un strabisme, dans un court discours dans lequel il a reconnu avoir « traversé une période difficile ». « Maintenant que chacun a vu Ali Bongo vivant (…), peut-on passer à autre chose ? », a martelé le ministre des sports, Alain-Claude Bilie-By-Nze, sur les réseaux sociaux.

Mais cette absence présidentielle inédite s’est accompagnée d’épisodes eux aussi sans précédent. Début décembre, alors qu’il devait être transféré de Ryad, où il a fait un AVC fin octobre, sa destination de convalescence a été au cœur des débats. Londres, avaient indiqué certaines sources, affirmant que c’était le choix de la première dame, Sylvia Bongo. Rabat, ont rapporté d’autres sources, affirmant que c’était le « choix de la famille » autour d’Ali. Libreville n’a jamais été évoquée. Il a finalement été transféré à Rabat, au Maroc, dont il est proche du roi Mohammed VI.

Vacance du pouvoir
Début janvier, La Lettre du continent, une publication spécialisée sur l’Afrique, a affirmé qu’une dizaine d’ex-militaires des troupes d’élite françaises était venue au Gabon, à la demande du porte-parole de la présidence, Ike Ngouoni, effectuer un « audit de sécurité » du pays. « Foutaise ! », répond l’entourage de ce dernier, qui indique qu’ils étaient là pour lancer une société de sécurité privée. La secrétaire de M. Ngouoni a été entendue par les services de sécurité gabonais sur cette affaire.

Le leader de ce groupe d’ex-militaires a bénéficié à Libreville d’une protection consulaire française, a indiqué à l’AFP le Quai d’Orsay sans plus de commentaires. « Des réunions du Parti démocratique gabonais [PDG, au pouvoir] ont eu lieu, des consultations des proches d’Ali avec les caciques du parti qui voulaient l’information véridique au cœur de toutes ces rumeurs », indique un homme d’affaires membre du PDG.

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Profitant du vide, les partis d’opposition ont plusieurs fois répété leur désapprobation quant à la gestion de l’absence du président, appelant la Cour constitutionnelle à constater une vacance du pouvoir. Il n’en a rien été. La présidente de la Cour, Marie-Madeleine Mborantsuo, a préféré annoncer l’ajout d’un alinéa de « précision » à la Loi fondamentale. L’opposition a estimé que c’était une « modification », qui aurait dû, de fait, être approuvée par un vote au Parlement.

Face à ces rumeurs et autres remous politiques, les autorités n’ont, elles, jamais changé de ligne de communication : Ali Bongo, en convalescence, « va bien » et « rentrera bientôt » à Libreville. Lundi, sur un média international, le ministre de la communication, Guy-Bertrand Mapangou, a indiqué que cela se ferait dans « quelques semaines ou quelques mois ».

Par lemonde.fr

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