Sidération en France, parce que des kamikazes harnachés de ceintures d’explosifs se sont faits sauter aux abords du Stade de France, en toute proche banlieue de Paris. Sidération en France, parce que la vie de gens tranquillement attablés en terrasse de restaurants a été fauchée par des tueurs armés de kalachnikovs. Sidération en France, parce que des personnes venues écouter un concert au Bataclan ont été froidement abattues. Sidération en France, parce que l’organisation Daech a frappé de façon massive sur le territoire français.
Depuis 2006, il ne se passe pas un jour sans que les médias ne relatent les horreurs commises principalement au Moyen Orient par l’organisation Etat Islamique, aussi appelée Daech. Les Français savent ce que Daech fait là-bas. Occupation de territoires après de violents combats, quartier après quartier, massacres de populations, quasi anéantissement du peuple Yézidi, décapitations de civils et militaires locaux, décapitations d’Occidentaux, lapidations, utilisation des femmes en esclaves sexuelles, destruction de monuments, œuvres d’art, ouvrages et manuscrits classés au patrimoine de l’Humanité. Et tout ça, au nom d’une certaine charia, s’appuyant sur une propagande médiatisée quasiment sans faille.
Les Français savent que Daech n’étend pas son emprise que sur le Moyen Orient. Ils savent que l’organisation est un monstre aux longs tentacules qui enlacent d’autres organisations sous d’autres latitudes. Ils savent que Boko Haram qui terrorise les populations au Nord du Nigéria depuis longtemps, au Nord du Cameroun et ailleurs, lui a fait allégeance en mars 2015, quelques jours avant l’attentat contre le musée du Bardo (Tunisie), lui aussi revendiqué par l’Etat islamique. Ils ont entendu parler des très récentes actions commises au nom de Daech, attentats kamikazes à Ankara (Turquie) le 10 octobre, crash d’un avion russe au décollage d’un aéroport égyptien le 31 octobre, attentat à Beyrouth (Liban) le 12 novembre. Mais ils ne s’attendaient pas aux massacres du 13 novembre dernier.
Frapper partout, multiplier les attaques et les revendiquer. Instaurer la terreur à travers des «actes de violence préméditée, contre des cibles non combattantes», Daech sait faire, car Daech est une organisation qui tue à l’aveugle pour terroriser, que ce soit sur un marché, dans une rue passante, à bord d’un avion, dans un stade, un restaurant ou une salle de concert, où que ce soit dans le monde, là où il y a un maximum de monde. Enfants, femmes, hommes, enfants, jeunes, vieux, quelle que soit l’origine culturelle ou religieuse des gens. Daech tue pour terroriser les gens et déstabiliser les Nations.
Le citoyen lambda en France, comme ailleurs, s’interroge sur la montée en puissance de toutes les organisations terroristes et l’incapacité des Nations à les anéantir.
Pour faire assez court, il faut remonter à la guerre qui a ravagé l’Afghanistan entre décembre 1979 et février 1989. C’était la dernière décennie de la guerre froide entre le monde soviétique et le monde capitaliste, au cours de laquelle le nom d’Oussama Ben Laden commença à émerger. Une dizaine d’années plus tard, aux USA, des avions percutèrent les Tours du World Trade Center de New York. Quelques jours plus tard, le 20 septembre 2001, George W. Bush, alors président des USA, déclara devant le Congrès : «Notre guerre contre le terrorisme commence avec Al-Qaïda, mais elle ne s’arrêtera pas là. Elle ne prendra fin qu’une fois que tous les groupes terroristes de portée mondiale auront été trouvés, arrêtés et vaincus». Il lançait la guerre globale «contre l’axe du Mal», que l’Occident, dans son ensemble, localisait principalement au Proche et au Moyen Orient, régions du monde plus que géostratégiques et géopolitiques, puisque le sous-sol y regorge de pétrole et de gaz.
Quels que soient les prétextes fallacieux avancés, les interventions de la Coalition internationale en Irak et en Libye et leurs répercussions sur les pays frontaliers ont laissé les régions à la merci des organisations terroristes, peu importe leur nom. Daech a pris possession des puits de pétrole en Irak. Depuis des mois, les populations irakiennes et syriennes préfèrent risquer la mort sur des embarcations de fortune que de la risquer sous les bombes et devant l’avancée de Daech.
En août 2014, la France a transformé Serval en Barkhane pour lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. En janvier 2015, par la voix de son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, la France a demandé à la communauté internationale de ne pas commettre l’erreur de laisser se développer un “sanctuaire terroriste” en Libye. En février 2015, peu après les attentats contre Charlie Hebdo, Daech menaçait la France de nouvelles attaques. En septembre, la France décidait de participer aux frappes sur la Syrie, «principal repaire de Daech», selon Jean-Yves Le Drian.
Résultat de tout ça : le Procureur de la République de Paris, François Molins, a annoncé le 14 novembre 2015, au lendemain des attentats à Paris et au Stade de France à St Denis, revendiqués par Daech, «un bilan provisoire d’au moins 129 morts et 352 blessés, dont beaucoup dans un état grave, bilan qui risque de s’alourdir». Soutien de la communauté internationale qui a largement contribué au chaos, qui a permis à toutes les organisations terroristes de se développer.
Sidération en France, car voir tous les jours à la télévision les images des exactions commises par les organisations terroristes dans d’autres pays est une chose, on y est presque «habitué», mais le vivre sous ses fenêtres, et perdre un être cher, en est une autre. On ne comprend pas pourquoi on a été visé. On occulte les dessous et les non-dits de la géopolitique et de la géostratégie menées par nos gouvernements successifs. On ne sait pas toujours que la France est le 4ème pays vendeur d’armes dans le monde, après les USA, la Russie et la Chine. On préfère oublier les relations commerciales que la France entretient avec le Qatar et l’Arabie Saoudite qui tirent certaines ficelles du chaos. On est sidéré par l’horreur des attentats. On est rassuré par la présence accrue de militaires dans les rues. On comprend et soutient la décision d’instaurer l’état d’urgence. On est en état de choc.
Françoise WASSERVOGEL