ATT en visite à Alger : De quoi a peur Abdelaziz Bouteflika?

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Jusqu’à ces dernières semaines, Alger traitait comme un ennemi son voisin du sud, accusé de pactiser avec le terrorisme.  Changement de style depuis l’arrivée des ex-combattants kadhafistes dans la zone de Ten Zawatten.

La visite qu’effectue, depuis lundi dernier, le président Amadou Toumani  Touré en Algérie, à l’invitation de son homologue Abdelaziz Bouteflika, est à mettre au compte de ce qu’on pourrait appeler "l’effet Soumeylou Boubèye Maïga". Jusqu’à la nomination de celui-ci, en mars 2011, au poste de ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, les relations entre les deux pays étaient au plus bas. En juillet précédant, elles avaient même frôlé la rupture lorsque Alger et Nouakchott, dans une parfaite synchronisation, ont rappelé leurs ambassadeurs à Bamako pour montrer leur indignation devant l’élargissement par le Mali de quatre activistes d’AQMI qu’il avait fait prisonniers (dont deux Algériens et un Mauritanien réclamés par leurs gouvernements) pour sauver la vie et faire remettre en liberté le Français Pierre Camatte aux mains de l’organisation terroriste.

Autant cet arrangement a fait le bonheur de Nicolas Sarkozy, qui a effectué une escale improvisée à Bamako pour féliciter le président malien pour cet "heureux dénouement" autant il a suscité l’ire d’Alger qui a réagi par une violente campagne de presse accusant ATT et son entourage d’être les porteurs de valise bourrée de millions d’euros pour AQMI et d’être de connivence avec les réseaux de trafic de drogue qui écument le Sahara. En septembre qui a suivi, Alger tentera même de faire condamner nommément le Mali par les Nations Unies pour "complicité avec le terrorisme, notamment dans le versement de rançons qui ne font que renforcer ses capacités opérationnelles et prolonger son existence".

Alger ne s’arrêtera pas là. Elle va tenter, dans les mois qui suivirent, de rallumer les cendres de la rébellion touareg, en regroupant une poignée de jeunes Kidalois soi-disant pour "une évaluation de la mise en œuvre de l’accord d’Alger du 5 juillet 2006" à l’insu du gouvernement malien. Cette initiative fourbe sera désavouée non seulement par l’Alliance du 23 mai pour la Démocratie et le Changement, l’autre signataire dudit "Accord d’Alger " (rejeté, soit-dit en passant, par une large partie de l’opinion malienne) mais même par l’irréductible chien de guerre qu’était Ibrahima Bahanga.

Parallèlement, pour provoquer "une guerre des frontières" entre le Mali et elle, l’Algérie s’était mise à distribuer sa carte d’identité nationale à de nombreuses fractions vivant dans la zone limitrophe.

Le gouvernement malien, aux prises avec d’autres préoccupations, n’a jamais réagi -officiellement du moins – à ces provocations algériennes.

Les représailles viendront plus tard sous une forme économique. Le gouvernement algérien qui, à travers SIPEX, la branche internationale de la société d’Etat SONATRACH, détient 33,33 % du capital du consortium formé avec la firme italienne ENI (66,66 %) pour l’exploration et l’exploitation du site pétrolifère de Taoudennit (bloc 2) a entrepris de saborder cette opération en empêchant le matériel de forage loué à prix d’or au Mexique de transiter par le port d’Alger. Toute chose qui a pour double conséquence de renchérir le coût des travaux – le matériel devant désormais passer par Dakar et traverser tout le territoire malien pour arriver sur le site de Taoudennit – et retarder de plusieurs mois le forage tant attendu. ATT rêvait de voir le premier baril malien avant son départ de Koulouba, le 8 juin 2012 à midi. Il faut craindre que ce ne soit pas le cas.

Réputé être en bonne intelligence avec la nomenklatura algérienne depuis l’époque où il dirigeait les services secrets maliens sous Alpha Oumar Konaré, Soumeylou Boubèye Maïga a été porté à la tête de la diplomatie malienne, en remplacement du placide Moctar Ouane, pour normaliser et relancer les relations maliano-algériens. Sa deuxième visite hors du pays a été pour Alger après Ouagadougou où il était allé remettre à Blaise Compaoré une lettre de solidarité d’ATT lors des chaudes émeutes que le Burkina Faso a vécues. D’autres visites ont suivi et le résultat final est le séjour qu’effectue actuellement ATT chez Boutéflika.

Même programmé de longue date, ce déplacement est arrivé au mauvais  moment pour le président malien : deux coopérants espagnols et une Italienne venaient d’être enlevés, près de Tindouf, en Algérie et le front Polisario, une fabrication algérienne dans le conflit géo-stratégique qui l’oppose au Maroc voisin – à cause de cette même localité de Tindouf qui a fait l’objet de "la guerre des sables" entre les deux pays en 1963 – n’a rien trouvé de mieux que d’alléguer que le rapt a été commis par AQMI à partir du territoire malien. Qu’elle a rapidement rallié son forfait accompli.    D’où l’accueil à la canonnade réservée à la visite du président ATT par des journaux algériens.

Celle-ci peut-elle aboutir à la mise en place d’une coopération militaire et sécuritaire efficace comme les deux pays l’ont proclamé à maintes reprises lors de réunions d’états-majors auxquelles le Niger et la Mauritanie ont été partie prenante ?

Force est de constater que les bonnes résolutions couchées sur le papier n’ont jusqu’ici abouti à aucun résultat tangible. Au nombre de ces résolutions figure la création de patrouilles mixtes algéro-maliennes pour sécuriser l’espace frontalier commun. Rien n’a été fait. L’échange de renseignements, qui est le préalable à tout, laisse à désirer.

Pour prouver sa bonne foi à coopérer dans la lutte contre le terrorisme, le Mali a autorisé ses voisins à user du droit de suite sur son territoire. Le Niger en a usé deux fois au moins. La Mauritanie en use plus fréquemment, avec l’appui – on en fait peu cas – des forces armées maliennes. Seule l’Algérie, dans le quatuor constitué, s’abstient de traquer AQMI en territoire malien. Se contentant de psalmodier son vieux refrain d’un Mali terre d’asile pour les terroristes et trafiquants de tous bords.

L’arrivée,  ces dernières semaines, d’ex-combattants kadhafistes dans la région de Ten Zawatten que se partagent l’Algérie, le Mali et le Niger, est-elle pour quelque chose dans l’invitation adressée à ATT par Bouteflika à le rencontrer chez lui après une longue bouderie? Il n’est pas interdit de le penser. Car la présence de ces hommes est plus inquiétante pour notre grand voisin du Nord que pour nous. Ils l’ont assez répété pour qu’on puisse les croire : ils n’ont aucune intention belliqueuse pour leur pays d’origine.

En revanche, laissés à eux-mêmes dans le désœuvrement et le manque, ils peuvent renforcer les capacités de AQMI et rendre cette organisation plus périlleuse pour la stabilité déjà très mal en point de l’Algérie.

Saouti Labass HAIDARA

 

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