‘’Arrogance’’, ‘’paternalisme’’, ‘’double standard’’ : un rapport du Sénat fustige la politique africaine de Macron

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– Trois sénateurs de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, soulignent dans un rapport d’information intitulé ‘’Voir l’Afrique dans tous ses états’’, une ‘’dégradation’’ générale de l’image de la France en Afrique

Ni les déplacements à répétition du président français Emmanuel Macron en Afrique, ni ses initiatives, comme ce sommet Afrique-France au format inédit à Montpellier, ni sa volonté de renouveler les rapports historiques pour tourner la page du colonialisme, en Algérie, au Rwanda et plus récemment au Cameroun, n’ont pu passer sous silence l’échec de la politique africaine du locataire de l’Elysée.

L’ère des Jacques Foccart, des Robert Bourgi, grands ordonnateurs de la Françafrique, semble révolu. ‘’Il n’y a plus de politique africaine de la France’’, dixit Emmanuel Macron dans un amphithéâtre rempli d’étudiants à Ouagadougou lors de son premier déplacement au Burkina Faso en 2017. ‘’Je suis d’une génération où l’on ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire’’, disait-il. Depuis c’est l’ordre du discours des anciennes colonies françaises qui s’impose à Paris.

Le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso – ont enjoint à Paris de retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée. L’armée française a quitté également le Tchad et a rétrocédé sa dernière base militaire au Sahel. Elle devrait faire de même au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

Autant d’’’échecs’’, de ‘’déconvenues’’, et de ‘’faux pas’’, estime le Sénat français, qui dans un rapport de sa Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, publié fin janvier et intitulé ‘’Voir l’Afrique dans tous ses états’’, fustige la politique africaine durant les deux quinquennats d’Emmanuel Macron.

Dans ce document d’une centaine de pages, trois sénateurs de ladite commission, Ronan Le Gleut (LR), Marie-Arlette Carlotti (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) et François Bonneau (Union Centriste), constatent le retrait spectaculaire de la quasi-totalité du contingent militaire français en Afrique de l’Ouest, assorti d’une rupture politique radicale avec les autorités de plusieurs capitales africaines, le tout sur fond de ‘’maladresses’’ accumulées.

Les sénateurs pointent une ‘’dégradation’’ générale de l’image de la France lors d’une période pourtant ‘’commencée sous de bons auspices’’. L’arrivée d’un président ‘’jeune’’ (en allusion à Emmanuel Macron) en France et n’ayant pas connu l’époque coloniale, ‘’aurait pu être l’occasion d’un regard neuf’’. Cependant, ‘’la perception d’une forme d’arrogance et de paternalisme’’, à travers ‘’des maladresses’’, a conforté l’image d’une ‘’pratique verticale et condescendante’’ des relations de Paris avec les pays africains, et a mené à ‘’une perte considérable d’influence’’, déplorent-ils.

‘’Plusieurs décisions et déclarations officielles ont été considérées comme arrogantes et condescendantes envers les dirigeants ou les peuples africains’’, soulignent les sénateurs.

Et le rapport de citer en exemple la convocation des chefs d’État sahéliens à Pau en janvier 2020, lorsque le dirigeant français, sans en informer au préalable les ambassadeurs des pays concernés, adressa une missive injonctive aux présidents du G5 Sahel exigeant des ‘’clarifications’’ sur l’engagement souhaité de l’armée française. Autre signe d’arrogance de l’homme Blanc, l’organisation du sommet Afrique-France à Montpellier en octobre 2021 où l’Élysée convia des personnalités de la société civile… mais aucun chef d’État.

Autre épisode mémorable selon le sénateur François Bonneau, l’un des co-auteurs du rapport : La condamnation ferme de la France des coups d’État militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger, et son soutien à la transition tchadienne. ‘’Pour les Africains, la France d’Emmanuel Macron est celle d’un deux poids, deux mesures’’, fait observer le sénateur.

Un autre point de discorde réside dans la politique des visas, qui font l’objet de ‘’mesures de restriction parfois erratiques’’. Avec ‘’des conséquences majeures sur la relation franco-marocaine en 2021’’, note notamment le rapport.

‘’Partout où nous sommes allés, on nous a reproché des réponses trop longues, vécues comme une forme d’humiliation’’, déplore François Bonneau.

‘’Les liens que nous créons avec les pays africains sont liés aux jeunes qui ont fait des études chez nous, des militaires formés dans nos écoles, qui y nouent des relations’’, souligne le sénateur.

Sur ces divers théâtres, Paris a fait preuve de naïveté et d’une certaine ‘’verticalité’’ dans ses décisions. Tandis que Moscou menait une guerre hybride pour discréditer la présence française à coup de fake news, la France a tardé à réagir. Même la contre-offensive sur le plan de la communication occasionnellement mise en place pour faire face aux fake news a pu être perçue comme une communication opérée ‘’par le haut’’, la rendant contre-productive, relèvent les auteurs du rapport. ‘’Le fait que la communication et les décisions sur l’Afrique soient toujours très ‘’verticales’’ et centralisées à l’Élysée rend les faux pas plus retentissants’’, fustigent-ils.

Paris a persisté dans ses bévues. Après les coups d’État en série en Guinée, au Mali, au Burkina et au Gabon, Emmanuel Macron avait décidé en février 2023 une diminution des contingents militaires français en Afrique de l’Ouest.

L’objectif était de passer de 900 à moins de 400 hommes en Côte d’Ivoire, et de 350 ou 400 à moins de 100 au Sénégal et au Gabon.

Mais cette décision a été prise ‘’sans concertation avec les pays concernés’’, souligne le rapport. Aux autorités de ces pays, il était ‘’affirmé en même temps, de manière contradictoire, que la France répondrait désormais mieux à leurs demandes en matière de coopération militaire’’. Une erreur tactique au niveau de la communication qui a son coût au niveau stratégique : En novembre 2024, le président du Sénégal Bassirou Diomaye Faye, annonce vouloir mettre fin à la présence militaire française dans son pays. Deux mois plus tard, le président Ivoirien Alassane Ouattara annonce la rétrocession de la base militaire française d’Abidjan et le ‘’retrait concerté et organisé’’ des forces de l’ancienne puissance coloniale de son pays.

En novembre également, c’est à l’issue d’un déplacement du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, que le Tchad décide d’acter le départ de l’armée française et la fin de l’accord de coopération en matière de défense signé avec la République française. N’Djamena préparait ‘’en réalité depuis plusieurs mois’’ son ‘’rapprochement avec la Russie et avec les Émirats arabes unis’’, qui a été ‘’mal anticipé par la France’’, estime le rapport sénatorial.

‘’De nombreux pays choisissent aujourd’hui d’approfondir leurs relations avec les pays africains, y compris sur le plan de la coopération de défense et de la coopération militaire. C’est notamment le cas de la Russie, de la Türkiye, de la Chine, mais aussi de plusieurs pays du Moyen-Orient comme les Émirats arabes unis ou Israël. Les coopérations sont essentiellement d’ordre économique comme avec la Chine, ou militaires avec la présence de mercenaires qui soutiennent les régimes en place tout en diffusant une désinformation massive, comme le groupe Wagner – devenu Africa Corps – au Mali ou en République centrafricaine’’, explique le rapport.

‘’Cette diversification des partenaires est ambigüe. D’un côté, elle reflète une volonté de ‘’faire jouer la concurrence’’ en sortant de relations exclusives parfois jugées déséquilibrées. De l’autre, elle traduit aussi une dépendance multiple. Notamment, les pays émergents ont tendance à considérer l’Afrique comme le « terrain de jeu » de leur nouvelle puissance : c’est ainsi que la Chine et la Russie, mais aussi le Brésil, la Türkiye, l’Inde ou la Corée du Sud organisent des sommets africains pour nouer des relations profitables avec le continent. Or la Chine est en partie responsable de l’endettement excessif de nombreux pays tandis que l’aide militaire fournie par les mercenaires russes constitue pour leur ‘’clients’’ une forme évidente de dépendance. La perte d’influence de la France sur le continent apparaît ainsi en partie comme l’envers de la montée en puissance des pays émergents, qu’il convient de mesurer sans naïveté’’, ajoute le document de la commission du Sénat.

Autant de fautes qui coûtent entre autres pertes le bénéfice de la formation militaire (les officiers français formaient 10 000 militaires africains par an au Gabon, dont 40% venus d’autres pays d’Afrique centrale, et environ 7000 au Sénégal), la capacité d’évacuation des ressortissants (plus de 100 000 Français sont inscrits dans les consulats africains) et, surtout, un déclassement sur la scène géopolitique.

Pour les sénateurs, Paris a un statut de ‘’puissance moyenne de rang mondial’’. Cependant, la France a d’autres atouts en Afrique. En premier lieu la francophonie, avec sa structure l’Alliance française, outils du soft power français.

Source: https://www.aa.com.tr/fr/

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