Arrestations arbitraires, torture : selon Amnesty International, la répression se durcit au Tchad

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Le président tchadien, Idriss Déby Itno, lors d’un sommet UE-Afrique sur les migrants, le 28 août 2017, à Paris. CRÉDITS : LUDOVIC MARIN/AFP

L’ONG déplore une dégradation des droits humains depuis la réélection contestée d’Idriss Déby Itno, en 2016, et demande aux Occidentaux de ne pas fermer les yeux.

Alors qu’Idriss Déby Itno vient de se voir conforté par les promesses d’aide des bailleurs de fonds étrangers, Amnesty International dresse un nouveau bilan sévère de la situation des droits humains au Tchad.

Dans le rapport d’une cinquantaine de pages, présenté jeudi 14 septembre à N’Djamena, l’ONG déplore une dégradation notable à partir de 2015 puis avec la réélection contestée de M. Déby pour un cinquième mandat, en avril 2016. Les entraves aux libertés d’expression, de manifestation et de réunion sont, selon elle, devenues le lot commun de tous ceux qui veulent critiquer un régime fragilisé par la grave crise économique que traverse le pays depuis l’effondrement des cours du pétrole. En février, les élections législatives ont été reportées sine die. Le gouvernement a invoqué le manque d’argent pour les organiser.

Le rapport, intitulé « Entre récession et répression, le coût élevé de la dissidence au Tchad », s’appuie sur des témoignages d’opposants, de syndicalistes et de journalistes qui ont bien souvent eu à faire à l’Agence nationale de sécurité (ANS) qui a remplacé la sinistre Direction de la documentation et de la sécurité (DRS) de Hissène Habré, le prédécesseur de M. Déby, condamné à la prison à vie par les Chambres extraordinaires africaines en avril pour « crimes contre l’humanité ».

« L’ANS possède finalement un mandat et des pouvoirs du même ordre [que la DRS] et a reproduit certaines pratiques obscures du passé, notamment les arrestations arbitraires, la détention au secret dans des lieux non officiels et la torture », écrit Amnesty International, qui rappelle qu’en arrivant au pouvoir en 1990 M. Déby s’était pourtant engagé à mettre en place « une démocratie réelle, pluraliste, garantissant toutes les libertés individuelles ».

Maintenus au secret et torturés

Les auteurs du rapport listent les principaux moyens dont use le pouvoir pour étouffer la contestation. Premièrement, l’interdiction des manifestations. « Les autorités ont eu recours à un arsenal archaïque de textes législatifs et réglementaires datant des années 1960 pour exiger une autorisation avant tout rassemblement public, puis pour refuser de l’accorder. » En deux ans, 65 associations se sont vu refuser l’autorisation d’organiser des manifestations, selon le rapport.

Deuxièmement, l’arrestation de leaders militants et leur traduction devant la justice pour « trouble à l’ordre public » ou « atteinte à l’autorité de l’Etat ». Parmi les exemples cités, celui des responsables du mouvement Lyina (« Nous sommes fatigués », en arabe) arrêtés pour avoir appelé à observer une « journée Lyina » le 10 avril, date anniversaire de la réélection de M. Déby. Le port d’un vêtement rouge devait être l’expression du mécontentement.

Nadjo Kaïna Palmer et Bertrand Solloh Gandere ont été maintenus au secret dans les locaux de l’ANS respectivement durant seize et huit jours sans pouvoir contacter leur famille ni leur avocat, rapporte l’ONG. Les deux hommes, qui ont finalement été condamnés à six mois de prison avec sursis pour « tentative de complot et d’organisation d’un rassemblement non autorisé », affirment avoir été torturés.

Enfin, Amnesty International mentionne la restriction du droit de grève, la fermeture de l’accès à certains réseaux sociaux et le refus d’accorder à certaines associations un statut juridique qui leur permette d’avoir une existence légale. Le Mouvement d’éveil citoyen (MECI), qui vise à rassembler des syndicats, des organisations de la société civile et des partis politiques, se voit jusqu’à présent dénier le droit d’exister. Les autorités « ont dit que le MECI est un regroupement dangereux et contre-nature », explique Dobian Assingar, le porte-parole du mouvement : « Depuis l’élection présidentielle, mainmise est faite sur la société civile et même sur les partis d’opposition. »

Amnesty International n’ignore pas que le contexte régional, marqué par la menace de Boko Haram, conduit les alliés occidentaux du Tchad à faire « moins pression au sujet des droits humains ». Dans ses conclusions, elle leur demande cependant de « condamner publiquement » les restrictions imposées par le régime. Elle attend en particulier plus de fermeté de l’Union européenne, qui a accordé une aide de 15 millions d’euros à N’Djamena pour réformer le système judiciaire.

Le rapport, comme c’est la règle, a été adressé au gouvernement. Sa réponse est attendue.

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