Le président élu Joe Biden a annoncé, lundi 23 novembre, une salve de nominations à son futur gouvernement, avec au poste crucial de secrétaire d’État Antony Blinken. Diplomate pragmatique et fin connaisseur de l’Europe, l’ancien secrétaire d’État adjoint américain dans l’administration Obama gravite dans les cercles diplomatiques démocrates depuis plusieurs décennies.
Membre du conseil de la sécurité nationale du président Bill Clinton (entre 1994 et 2001), il quitte l’administration pour rejoindre le Sénat, où il devient membre du personnel de la commission des relations étrangères présidée alors par un certain Joe Biden (2002 – 2008). Après la victoire de Barack Obama à la présidentielle de 2008, Joe Biden, alors vice-président, rappelle son homme de confiance et l’installe au poste de conseiller à la sécurité nationale à la vice-présidence.
C’est là où Barack Obama le remarque et le nomme à son tour conseiller adjoint à la sécurité nationale auprès de la présidence, puis, en 2015, secrétaire d’État adjoint, aux côtés de John Kerry, avec lequel il participe activement aux négociations de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015.
Présent à quasiment toutes les réunions sensibles, il apparaît notamment sur la célèbre photo de la “situation room” de la Maison Blanche, diffusée le 2 mai 2011, lorsque Barack Obama et les plus importants responsables américains suivaient la capture d’Oussama Ben Laden dans sa villa pakistanaise d’Abbottabad.
Une relation très spéciale avec la France
Antony Blinken est très attaché au multilatéralisme, en tant que spécialiste des relations transatlantiques, et aux valeurs américaines. Ainsi, il estime qu’il est du devoir de la diplomatie américaine de promouvoir la démocratie et de défendre les droits de l’Homme. Une question primordiale à ses yeux, et à ceux de feu son beau-père franco-américain Samuel Pisar, l’un des plus jeunes survivants de la Shoah, devenu écrivain, avocat international et conseiller spécial de John Kennedy.
Au nom de ces idéaux, Antony Blinken avait plaidé en faveur d’une action militaire contre la Syrie, en 2013, alors que le régime d’Assad avait été accusé d’avoir employé des armes chimiques. Une voie que le président Obama a finalement refusé de suivre, malgré le soutien de la France sur cette stratégie et les lignes rouges qu’il avait fixées à Damas.
“En tant que leaders de la communauté internationale, les États-Unis ont leur part de responsabilité dans le conflit syrien ; il y a des moments, on ne le saura jamais, il se peut que notre diplomatie, appuyée par l’utilisation très ciblée de la force, aurait pu faire la différence et mis la pression sur Bachar al-Assad pour venir à la table des négociations en vue d’une transition”, confiait-il à France 24, en mai 2017.
Né en 1962, fan inconditionnel des Beatles, Antony Blinken, lui-même fils et neveu de diplomates, entretient une relation très spéciale avec la France, et notamment avec Paris, où sa famille habitait dans un appartement situé avenue Foch. Après avoir passé son bac (scolarité à l’École Jeannine Manuel, école française bilingue et internationale) et fait ses études de droit dans la capitale française dans les années 1970, il retourne aux États-Unis et obtient des diplômes à Harvard et à Columbia, à New York.
Soutien de Joe Biden depuis l’annonce de sa candidature à la présidence américaine, sa probable nomination doit servir à restaurer la doctrine diplomatique traditionnelle des États-Unis à laquelle l’administration Trump avait tourné le dos. Au cours de plusieurs entretiens accordés ces dernières années à France 24 dans la langue de Molière, Antony Blinken n’a eu de cesse de déplorer la diplomatie “erratique et impulsive” du président Donald Trump, et d’appeler à la restauration du leadership américain.
“Nous avons une vision totalement différente du monde et du rôle des États-Unis dans le monde, confiait Antony Blinken à France 24, en juin 2017. Pour nous, sous l’administration Obama, nous avions la conviction qu’il y avait des solutions ‘gagnant-gagnant’, où tout le monde pouvait enregistrer un succès et un progrès. Pour le président Trump, il n’y a que des questions à somme nulle, où il faut un gagnant et un perdant (…), pour moi, le monde ne marche pas comme ça.”