Deux ans après son élection, Macky Sall face à l’impatience des Sénégalais (lemonde.fr)

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Le président sénégalais Macky Sall
Le président sénégalais Macky Sall, (AFP/Archives, Seyllou)

Dans les rues de Grand Yoff, ce dimanche, le marché bat son plein. Le quartier, et ses 150 000 habitants (officiellement), est l’un des plus populaires de Dakar. A quelques mètres de la menuiserie où il est employé, Boubacar Biaye, 21 ans, n’est pourtant pas débordé. Voilà six mois qu’il n’a pas travaillé, faute de clients. En 2011, lors des manifestations contre l’ancien président Abdoulaye Wade, ce jeune Dakarois était chaque jour dans la rue. « Il y a eu des morts ici », rappelle-t-il. Aujourd’hui, il ne cache pas une certaine déception. « Le président Macky Sall est venu pour mettre de l’ordre, on lui laisse du temps, mais il faut que ça change », prévient-il. Près de son étal de poissons, Safietou Mbengue, une jeune mère de famille, se veut plus confiante. « La vie a commencé à changer, dit-elle. Le riz est moins cher, notre loyer a baissé de 6 000 francs CFA . »

 

Deux ans après le départ d’Abdoulaye Wade, le Sénégal a renoué avec la paix sociale. Les dernières années de présidence de M. Wade avaient été marquées par une violente agitation, rare dans ce pays d’Afrique de l’Ouest connu pour sa stabilité politique. Excédés par les tentatives de M. Wade de se maintenir au pouvoir et par les difficultés quotidiennes, les électeurs avaient, en mars 2012, triomphalement élu Macky Sall à la présidence de la République.

 

Deux ans après, une partie des Sénégalais ne cache pourtant pas son impatience alors que les changements restent lents dans un pays où la moitié de la population vit avec moins de deux dollars (1,44 euro) par jour. Conscient du défi social, le gouvernement de Macky Sall a adopté dès son arrivée d’importantes mesures pour accroître le pouvoir d’achat : baisse des prix de certaines denrées comme le riz, réduction d’impôts pour les fonctionnaires et, en février, baisse des loyers, particulièrement attendue dans une ville aussi chère que Dakar. S’y ajoute le lancement d’une couverture-maladie universelle.

 
« CHANGEMENTS PROFONDS DANS LA FAÇON DE FAIRE DE LA POLITIQUE »

Le pouvoir s’est aussi lancé dans un assainissement sans précédent de la vie politique après les scandales politico-financiers qui ont marqué la présidence Wade. Un Office national contre la fraude et la corruption a été créé ; des procédures ont été lancées contre d’anciens hauts responsables – dont le fils de l’ancien président, Karim Wade – pour détournement de biens publics. Les hommes politiques doivent désormais remplir une déclaration de patrimoine.

 

« Des mesures importantes ont été prises, confirme Boubacar Gueye, professeur de droit à l’université Cheikh-Anta-Diop, même si elles n’ont pas forcément eu, pour le moment, les effets escomptés dans l’opinion. » Certains voient dans les procédures contre Karim Wade un règlement de comptes politique. Surtout, beaucoup ont le sentiment que l’économie tourne au ralenti. « Sous l’ancien régime, le système clientéliste, fortement développé, assurait une forme de redistribution, explique M. Gueye. On sentait un peu moins la pauvreté et ça donnait l’impression que l’économie fonctionnait. »

 

A Grand Yoff, les coupures d’électricité, cauchemar des Sénégalais sous la présidence Wade, ont presque disparu ; la vie est moins chère, mais elle reste difficile. La saison des pluies et son cortège d’inondations sont attendus chaque année avec inquiétude. Surtout, la jeunesse reste confrontée à un chômage endémique.

 
Dans le quartier de Parcelles assainies où il a ses locaux, le mouvement Y’en a marre en sait quelque chose. Ce groupe de rappeurs a été à l’avant-garde de la contestation de 2011. Sa mobilisation avait donné un visage à une jeunesse soucieuse de préserver ses acquis démocratiques et excédée par le manque de perspectives d’avenir. Resté actif, le mouvement interpelle régulièrement le pouvoir : « Ce pays a besoin de changements profonds, notamment dans la façon de faire de la politique », souligne Fadel Barro, l’un des fondateurs.

 

« NOUS AVONS HÉRITÉ D’UN PAYS DANS UN ÉTAT CALAMITEUX »

Dépourvu de ressources naturelles importantes, le Sénégal a du mal à trouver les clés de son décollage économique. De sa stabilité politique à sa position géographique, il ne manque pourtant pas d’atouts.

 

Pour sortir le pays de l’impasse, le président Macky Sall a lancé le Plan Sénégal émergent (PSE) : estimé à 20 milliards de dollars, il est censé faire du Sénégal un pays émergent d’ici à 2035, en misant sur l’agriculture, les infrastructures ou encore le tourisme. Les autorités veulent doubler le taux de croissance, aujourd’hui d’à peine 3,5 %, d’ici à 2017.

 

Le chef de l’Etat a obtenu 5,6 milliards d’euros de promesses de financement, à Paris, en février, lors d’une réunion de bailleurs. La mise en œuvre de ce plan promet toutefois d’être longue. « Il demande des réformes préalables importantes, souligne Matthias Cinyabuguma, économiste au bureau de la Banque mondiale à Dakar. Prenez l’exemple de l’agriculture : c’est l’un des piliers de la croissance dans le PSE, mais avant de relancer ce secteur, il faut mener toute une réforme du foncier. Le plan PSE est un plan réalisable, mais ambitieux. »

 

Ces dernières semaines, l’opposition s’est engouffrée dans la brèche que constitue l’impatience de la population. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) compte notamment sur le retour au pays de l’ancien président Wade, resté secrétaire général du parti, pour améliorer ses résultats aux élections locales de juin.

 

Si l’opposition, y compris le PDS, reste en réalité très affaiblie, ce scrutin local sera un premier test pour la coalition au pouvoir. « Les réformes vont s’accélérer dans les prochaines années, avance Ousmane Tanor Dieng, dirigeant du Parti socialiste, l’un des piliers de la coalition. Nous avons hérité d’un pays dans un état calamiteux. »

 

Source: lemonde.fr

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