La justice angolaise a placé en détention lundi un des fils de l’ancien président Jose Eduardo dos Santos accusé dans une vaste affaire de détournement de fonds, nouvelle étape du grand nettoyage engagé contre l’ancien régime par le nouveau chef de l’Etat, Joao Lourenço.
Inculpé en mars mais jusque-là laissé sous contrôle judiciaire, Jose Filomeno dos Santos, ancien patron du fonds souverain angolais, est le premier membre de la famille de l’ancien maître du pays incarcéré.
“En raison de la complexité et de la gravité des faits et afin de garantir l’efficacité de l’enquête (…), le ministère public a décidé d’appliquer aux accusés une mesure de détention préventive”, a annoncé le procureur général, Alvaro Da Silva Joao.
“Les éléments de preuve rassemblés dans le dossier constituent des preuves suffisantes que les accusés se sont engagés dans des activités de corruption”, a ajouté le magistrat.
L’homme d’affaire angolo-suisse Jean-Claude Bastos de Morais, un des proches du fils dos Santos qui a géré une partie du fonds souverain, a lui aussi été placé en détention provisoire.
Surnommé Zenu, Jose Filomeno dos Santos est poursuivi pour “fraude, détournement de fonds, trafic d’influence, blanchiment d’argent et association criminelle” avec d’autres personnalités, dont l’ex-gouverneur de la Banque centrale (BNA), Valter Filipe da Silva.
Selon le ministère angolais des Finances, le fils dos Santos est soupçonné d’avoir mis au point, alors qu’il dirigeait le fonds souverain, une gigantesque fraude qui aurait pu lui permettre de détourner, avec ses complices, jusqu’à 1,5 milliard de dollars.
– Virement suspect –
Cette escroquerie avait été maquillée en un plan qui devait permettre à l’Angola de bénéficier de 35 milliards de dollars de financements, avec une fausse garantie de la banque Credit suisse.
La fraude avait été découverte à la faveur d’un transfert suspect de 500 millions de dollars vers le compte londonien du Crédit suisse, bloqué par les autorités britanniques.
Le ministère public suisse a de son côté annoncé en mai avoir ouvert une enquête pour “blanchiment d’argent” dans cette affaire et mené plusieurs perquisitions.
José Filomeno dos Santos avait été nommé en 2013 par son père à la tête d’un fonds souverain créé un an plus tôt et doté d’un capital de 5 milliards de dollars puisés dans la manne pétrolière du pays.
Il a été limogé de son poste en janvier dernier par le nouveau président de l’Angola, Joao Lourenço.
Jose Eduardo dos Santos a quitté la tête du pays en septembre 2017 après trente-huit ans d’un règne sans partage pendant lequel il a mis l’économie du pays en coupe réglée au profit d’une poignée de proches.
Au nom de la lutte contre la corruption, son successeur a depuis un an limogé de nombreux barons du clan dos Santos, fonctionnaires, patrons d’entreprises publiques ou hauts responsables de l’armée et de la police.
– ‘Enrichissement injustifiable’ –
Il a ainsi écarté de la présidence de la compagnie pétrolière publique Sonangol la fille de M. dos Santos, Isabel, considérée comme la femme la plus riche d’Afrique.
Ce grand ménage a suscité de vives tensions entre les partisans de l’ancien et du nouveau chef de l’Etat.
Joao Lourenço a pris au début du mois à Jose Eduardo dos Santos les rênes du parti au pouvoir, le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA).
Devant son prédécesseur, M. Lourenço avait à cette occasion confirmé sa volonté de purger le pays de “la corruption, le népotisme, la flatterie et l’impunité qui ont régné ces dernières années dans notre pays et fait tant de mal à notre économie”.
- Lourenço avait ensuite longuement fustigé, sans les nommer, “ceux qui se sont enrichis facilement, illicitement et donc de façon injustifiable aux dépens (…) de tous les Angolais”.
L’incarcération de M. dos Santos a été saluée par le principal parti d’opposition.
“Le président tient ses promesses”, s’est félicité auprès de l’AFP le député et porte-parole du parti Unita, Alcides Sakala, “l’Angola doit devenir un pays normal (…) un Etat de droit et démocratique”.
“Nous respectons la séparation des pouvoirs”, a réagi à l’AFP son collègue du MPLA (au pouvoir) Joao Pinto. “Si des fautes ont été commises, il appartient aux tribunaux de les juger et le cas échéant de les réprimer”
Slate Afrique avec AFP