Ali Bongo: «J’espère un dialogue avec tous ceux qui saisiront la main que je tends»

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Notre invité ce matin est le président Ali Bongo Ondimba. Un entretien réalisé alors que la Cour Constitutionnelle vient de confirmer sa réélection. Ali Bongo propose un dialogue national et dévoile l’état d’esprit dans lequel il se trouve au lendemain de sa réélection – qui reste controversée. Il était au micro de nos envoyés spéciaux à Libreville, Carine Frenk et Richard Riffonneau.

Votre victoire vient d’être confirmée par la Cour constitutionnelle. Il n’y a aucune fête en ville ni de klaxons pour saluer votre réélection. C’est le silence. Comment l’expliquez-vous ?

Ali Bongo: Tout simplement par les recommandations qui ont été faites par le ministère de l’Intérieur. Nous avons d’abord un souci qui était donc celui de la sécurité de tous les citoyens. Par rapport à ce qui s’est passé, il y a maintenant 15 jours, nous avons préféré d’abord être sûrs que l’ordre puisse régner. Rassurez-vous, mes partisans avaient envie effectivement de descendre dans la rue pour célébrer. Nous leur avons dit que nous allons reporter la chose et que nous ferons cela dans quelques jours.

Pourquoi un tel dispositif sécuritaire ?

Vous savez quand même ce qui s’est passé dans ce pays. Vous préférez que l’on laisse brûler, que l’on laisse casser et que l’on laisse piller ? C’est ce que vous êtes en train de me dire ? Il fallait laisser faire ?

Comment expliquez-vous les arrestations de ces derniers jours, comme celle de Léon-Paul Ngoulakia ?

Je pense que les autorités font leur travail et que nous avions des consignes bien précises pour faire en sorte que la paix puisse être de mise dans notre pays et que tous ceux qui pouvaient avoir un comportement qui allait dans l’autre sens puissent répondre de leurs actes.

Mais vous me parlez de monsieur Ngoulakia. La semaine dernière, j’étais à une cérémonie pour les obsèques d’un policier sur qui on a tiré dessus. Aujourd’hui, j’ai des officiers et des policiers sur qui on a tiré dessus et des Gabonais qui ont été blessés.

Il y a plusieurs cas d’arrestations. Il y a le colonel Makita, plusieurs personnalités…

Encore une fois, je voudrais que l’on se penche aussi sur ceux qui ont souffert et les victimes. Chaque fois que je vous rencontre – vous et vos confrères – c’est pour me parler uniquement de certaines arrestations. On ne me parle jamais des victimes. Or, il y a des responsables, il y a des gens qui ont décidé d’envoyer des gens dans la rue pour casser, pour piller, pour aller attaquer des prisons, pour libérer des prisonniers. Il y a des gens qui ont décidé de faire cela.

Mais vous parlez de Jean Ping, aussi ?

Je parle de tous ceux qui sont responsables et qui sont aujourd’hui déférés devant la justice.

Il y a ce climat-là et, dans le même temps, vous proposez un dialogue. Un dialogue avec qui ? Un dialogue pourquoi ?

L’élection est maintenant derrière nous. Il s’agit de regarder le futur. Je ne peux pas ignorer qu’il y a une grande partie de la population qui n’a pas voté pour moi et donc, je ne suis pas sourd. Pour tous ces Gabonais et Gabonaises qui n’ont pas voté pour moi, je leur dis que je les ai quand même entendus et que je souhaite qu’ils puissent participer à la construction de ce pays.

Un dialogue avec qui ?

Mais avec tous ceux qui voudront bien et qui saisiront la main que je tends. Nous avons déjà un certain nombre de contacts. Je veux dire que nous avons déjà connu des situations de crise.

Mais que proposez-vous au juste ? C’est un gouvernement d’ouverture, un gouvernement d’union nationale ?

Le gouvernement n’est pas une fin en soi. Il s’agit seulement d’inviter des personnes à s’asseoir pour mettre en place une politique, pour mettre en place quelque chose, comme je me suis engagé à le faire pendant la campagne. J’avais alors indiqué que, après l’élection, je voulais ouvrir un débat, un dialogue national pour que nous puissions discuter des problèmes et voir comment nous pouvons faire évoluer notre système politique, par rapport par exemple au code électoral, vu que nous sortons d’une élection. S’il faut le modifier, il faut qu’on se retrouve, qu’on en discute.

Comme la question du mandat présidentiel ?

Oui, la question du mandat présidentiel. Tout est sur la table et nous allons discuter de tout.

Pour vos opposants, accepter un dialogue, aujourd’hui, c’est accepter le fait accompli, votre victoire. Pour eux, ce n’est pas le moment de ce dialogue.

Mais alors quand sera le moment ?

D’autres disent que ce n’est pas à vous d’organiser ce dialogue et qu’il faudrait, dans ce cas-là, faire appel à un médiateur extérieur.

Je vous ai déjà dit que ce n’est pas la première fois que nous nous retrouvons entre Gabonais pour régler ces problèmes-là et que nous n’avons besoin de personne pour parler du problème du Gabon. Chacun se mêle de ce qui se passe dans son pays.

Est-ce qu’on ne risque pas d’aller vers une impasse ?

Il n’y aura pas d’impasse. Nous allons discuter entre nous. L’ingérence n’est pas une bonne chose et lorsqu’on est des personnes de bonne volonté, avec un petit brun de patriotisme, on met de côté un peu son égo, on met de côté un certain nombre de choses pour parler du futur de son pays. Et c’est ce que je vais faire.

On a l’impression de deux positions irréconciliables. Comment vous allez sortir de…

Encore une fois, je crois que ce qui est important, c’est que nous avons voulu qu’il y ait des lois dans ce pays et des institutions. Il faut donc les respecter. Lorsque l’on aspire à vouloir diriger un pays, eh bien on commence par dire qu’on accepte d’appliquer les lois et de respecter les institutions. Donc voilà ce que j’ai à dire.

Est-ce que vous êtes confiant pour l’avenir, pour le proche avenir ?

Très. Je suis très confiant. Je suis optimiste. Ce n’est pas la première fois que nous sommes dans une situation post-électorale et nous allons, ensemble, trouver les voies et moyens pour sortir de cette situation-là.

Par Carine Frenk, Richard Riffonneau RFI.FR

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