Algérie : le régime politique est-il en train de se régénérer ?

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Alors que de nombreuses initiatives de sortie de  crise se multiplient, le mouvement populaire entre dans son cinquième mois. Ces manifestations interviennent dans le contexte de la poursuite du jugement et de la mise en détention provisoire d’anciens hauts fonctionnaires de l’Etat impliqués dans des affaires de corruption, de dilapidation des deniers publics  et d’abus de fonctions. Cependant, des questions demeurent en suspens.

Comment opérer la transition démocratique revendiquée par le soulèvement populaire du 22 Février ? La saison estivale sera-t-elle la meilleure alliée du régime politique algérien ? Une solution consensuelle entre les revendications populaires et les dispositions de la Constitution est-elle réalisable ? La démission du ‘’chef ‘’de l’Etat, le 2 avril, est-elle le seul acquis politique réalisé par le peuple ? Qui juge qui ? Pourquoi le conseil constitutionnel n’a-t-il pas été dissous ? Quel sera le rôle de la présidence égyptienne de l’Union Africaine ?

De l’avis de nombreux observateurs de la scène politique, le pays se trouve devant une impasse : d’un coté, le haut commandement de l’Armée  Nationale Populaire (ANP) refuse de satisfaire les aspirations politiques du soulèvement populaire ; de l’autre, le peuple est déterminé à poursuivre les manifestations dans le cadre de la dynamique lancée le  22 février dernier.

La confirmation, le 2 Juin 2019, par le Conseil Constitutionnel, de l’impossibilité de tenir l’élection du Président de la République, le 4 juillet 2019, et la réorganisation de celle-ci de nouveau après le rejet des deux dossiers de candidature déposés auprès de lui, constitue un gain de temps pour  tenter de  régénérer  le régime politique en place. En effet, plus de trois mois et demi se sont écoulés depuis l’annonce le 11 Mars,  du report de l’élection présidentielle du 18 Avril. Le maintien du ’’ chef’’ de l’Etat par intérim,  dans ses fonctions jusqu’au lancement de la transition démocratique est gage d’une instabilité potentielle : une tentative de faire basculer le pays dans le désordre.

Force est de noter que le régime   politique algérien maintient ses activités diplomatiques et  ses capacités de nuisance extrême envers le peuple.  Les développements  de la situation des droits de l’homme en Algérie ont été évoqués par  la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADPH ) de l’Union Africaine ,lors de sa 64 ième session ordinaire qui s’est tenue en Egypte, du 24 Avril au 14 Mai .Le Communiqué final de  cette session souligne que ‘’La situation en Algérie et au Soudan’’ n’ont pas échappé à la  présidence  de la  (CADHP)  ‘’qui a appelé les parties prenantes à préserver les droits fondamentaux des populations en toutes circonstances.’’.

Si tant est qu’une comparaison puisse être établie entre l’Algérie et le Soudan, ce sont deux cas qui ne sont pas semblables à tous points de vue, cependant ce qu’elles ont de point  commun, c’est  l’éviction des deux ‘’chefs’’ d’Etat : Abdelaziz Bouteflika et Omar El-Béchir .De mon point de vue, la suspension de la Constitution marque une nouvelle étape  pour tenter de parvenir à une transition consensuelle au Soudan ,alors que le régime politique algérien s’avise de déclarer qu’il est impensable de recourir à la destruction de la constitution.

En outre, lors de cette session, une résolution sur la situation des droits de l’homme en République d’Algérie a été élaborée le 14 Mai. La résolution mentionne que la CADPH garde à l’esprit ‘’ l’appel de la haute hiérarchie de l’armée algérienne à un dialogue entre les manifestants et les institutions de l’Etat ’’. De plus, la CADPH invite  le gouvernement à    ‘’assurer que les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont respectés et protégés pendant la période de transition’’ ; et à   ‘’accélérer les processus en vue de la tenue d’élections présidentielles libres, équitables et transparentes.’’

Or ,contrairement à ce que démontrent  certains spécialistes du monde arabe, la crise politique que traverse le pays ne peut se décliner en deux scénarios, tunisien et égyptien ,  et ce pour deux raisons principales,  dont la première est que  chaque pays développe son propre modèle de transition démocratique en fonction de son histoire et  de sa situation économique notamment  .Il ne peut y avoir de modèle universel de transition démocratique ;la seconde c’est que l’analyse politique est dynamique, c’est-à-dire qu’elle est à la fois rétrospective et prospective.

La structure  chargée de la coordination des services de sécurité, placée sous la tutelle du Ministère de la Défense Nationale,   depuis le mois d’Avril dernier, et le placement de l’organe de lutte contre les infractions liées aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)  sous l’autorité du ministère de la Défense,  font  l’objet d’interrogations, dans la mesure où l’institution militaire sera un des acteurs clés de la transition démocratique :

Quelles seront les missions de ces structures dans le cadre du processus de transition démocratique ? Quelles seront les personnalités militaires ou civiles qui seront nommées à la tête  des services de renseignements et de la sécurité extérieure ? Des défis en apparence secondaires, mais qui révéleront la caractéristique de la transition démocratique.

Alors que la situation régionale  est tendue, la persistance des divergences sur le lancement d’un dialogue direct entre le haut commandement de l’ANP et les forces d’opposition politique  doivent être aplanies, au plus vite afin de gérer la période de transition. La transition démocratique ne se donne pas, elle se conquiert.

Benteboula Mohamed-Salah .Géographe

beyusek@hotmail.fr

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