Algérie – Bouteflika : pourquoi le constat de son empêchement est pratiquement impossible

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Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

ANALYSE. La maladie et l’absence du chef de l’État préoccupent d’autant plus que le fameux article 102 n’est pas si évident que cela à appliquer. Explications.

Il a suffi d’une tribune dans le quotidien El Watan pour relancer le débat autour de sa destitution et la nécessité d’organiser une élection présidentielle anticipée face à la maladie et à l’absence du président qui apparaissent pour nombre d’observateurs comme la manifestation d’une certaine forme de vacance du pouvoir. À moins de deux ans de la fin du quatrième mandat du chef de l’État algérien, un parti politique, puis des personnalités et enfin des intellectuels ont donc émis des propositions pour apporter une solution au problème de la vacance du pouvoir, notamment l’application de l’article 102 de la Constitution. Au-delà, les appels à la destitution du président Abdelaziz Bouteflika et à l’organisation d’une élection présidentielle anticipée se multiplient en Algérie quatre ans après son hospitalisation à la suite d’un AVC.

L’article 102 de la Constitution au cœur du débat

En août, c’est un petit parti de l’opposition, Jil Jadid (Nouvelle Génération), qui lance une campagne pour l’application de l’article 102 portant sur l’état d’empêchement du président. Jeudi dernier, ce sont des universitaires et des intellectuels qui ont publié une tribune pour l’organisation d’une élection présidentielle anticipée.

Est-il vraiment possible de mettre en œuvre l’article 102 avant d’aller vers une élection présidentielle anticipée ? Que dit cette disposition constitutionnelle ? « Lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement. »

« Le Parlement siégeant en chambres réunies déclare l’état d’empêchement du président de la République, à la majorité des deux tiers de ses membres et charge de l’intérim du chef de l’État, pour une période maximale de quarante-cinq jours, le président du Conseil de la nation, qui exerce ses prérogatives dans le respect des dispositions de l’article 104 de la Constitution  », selon le texte.

L’indispensable autosaisine du Conseil constitutionnel

C’est donc au Conseil constitutionnel de s’autosaisir pour constater ou non l’état de vacance du pouvoir. En d’autres termes, cette institution ne peut être saisie pour constater l’état d’empêchement. « Le Conseil constitutionnel doit absolument s’autosaisir d’une manière ou d’une autre, sans qu’aucune institution ne le convoque pour dire s’il y a oui ou non un état d’empêchement », souligné Fatiha Benabou, constitutionnaliste.

Si le Conseil constitutionnel s’autosaisit, le constat de l’état d’empêchement du président n’est pas acquis, même dans le cas où il est bien réel. « C’est une disposition normative qui est verrouillée par un consensus politique puisqu’elle exige l’unanimité. [Une notion] qui n’existe pas en droit », poursuit Fatiha Benabou, qui rappelle que trois membres du Conseil constitutionnel sont nommés directement par le président de la République. Il suffit donc qu’un seul membre refuse de constater l’état d’empêchement pour que le processus s’arrête immédiatement. La constitutionnaliste rappelle également le fait que les membres du Conseil constitutionnel jouissent, depuis février 2016, de l’immunité. « Dans le cadre de la dernière révision constitutionnelle, une disposition accordant l’immunité aux membres du Conseil a été introduite », précise la juriste. Il s’agit de l’article 185 selon lequel « le président, le vice-président et les membres du Conseil constitutionnel jouissent », durant leur mandat, « de l’immunité juridictionnelle en matière pénale ». « Ils ne peuvent faire l’objet de poursuites, d’arrestations pour crime ou délit, que sur renonciation expresse de l’intéressé à son immunité ou sur autorisation du Conseil constitutionnel », d’après le texte. « Cela veut dire qu’ils n’ont à avoir peur de personne », note la constitutionnaliste.

Cependant, la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution pour la destitution du président ne fait plus l’unanimité, même au sein de l’opposition. Certains partis, à l’image du RCD qui prônait l’application de cette disposition dès la fin 2012, ont abandonné cette option l’estimant « très insuffisante ». «  Circonscrire une sortie de crise à la demande de la mise en œuvre de l’empêchement par voie légale de Bouteflika [article 102] équivaut à parrainer une alternance clanique, a fortiori dans le moment présent  », a récemment estimé le parti.

 Publié le 11/09/2017 à 10:49 | Le Point Afrique

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