Afrique : la violence est-elle devenue un moyen de reconnaissance de la « souveraineté populaire » ?

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Au Sénégal, après quelques jours de violentes manifestations, le président de la République, Macky Sall, pour calmer les tensions, a fait une allocution télévisée, lundi 8 mars 2021. Le chef de l’État appelle au calme et donne quelques autres assurances.

Depuis la semaine dernière, la démocratie sénégalaise tremblait devant une horde humaine qui s’était emparée des rues. Des manifestations survenuesà la suite del’affaire Ousmane Sonko, le principal opposant du président sénégalais Macky Sall, pour « troubles à l’ordre public et participation à une manifestation non-autorisée » le 3 mars, alors qu’il se rendait au palais de justice de Dakar à la suite d’une accusation de viol sur la masseuse Adji Sarr.

Près d’une semaine après le début de ces manifestations, le président sénégalais décide de prendre la parole, le lundi 8 mars 2021, alors quede nombreux dégâts matériels, des blessés et des morts ont été enregistrés.

« Se donner à tous sans se donner à personne »

« Nous sommes dans une barque dont nous descendrons pour laisser la place à d’autres. Notre salut personnel et collectif nous commande de voyager ensemble en consolidant les fondements de la barque et non en les détruisant », a déclaré le président sénégalais dans son message à la nation, pour appeler les citoyens sénégalais non seulement à la cohésion sociale, à la préservation des biens publics, mais aussi au respect des lois du pays qui font également partie intégrante des fondements de la barque auxquels chaque associé (autorités politiques, militaires, religieuses, les leaders de la société civile, etc.) doit du respect..

Les fondements de la barque sont l’œuvre de la « volonté générale » de chaque associé, composant cette multitude de citoyens sénégalais, de se « donner à tous sans se donner à personne » en renonçant à une partie de sa liberté afin que le vivre-ensemble, tant prôner par Macky Sall, soit une réalité.

Mais si la confiance, qui a conduit chaque associé de la barque à s’aliéner volontairement, est brisée, alors les fondements sont compromis, le vivre-ensemble devient problématique, la violence se substitue au règlement pacifique des affaires de la nation. Voilà toute la difficulté à laquelle la plupart des démocraties africaines sont de plus en plus confrontées dans leur exercice.

« L’entêtement à imposer une démocratie de confrontation et du gagnant qui prend tout, présentée comme modèle universel, est source de crises en Afrique », souligne l’ancien ministre malien de l’Administration territoriale, Ousmane Sy, sur son compte Twitteren parlant de ces violences au Sénégal.

Réclamer par la violence

Àécouter son discours du lundi dernier, on a l’impression que Macky Sall s’est rendu compte de certaines évidences, dont le principe selon lequel la souveraineté appartient au peuple. Mais fallait-il attendre toutes ces expressions violentes de la colère pour se rendre compte de cette évidence ? Une sacrée habitude des chefs d’État africains de n’agir qu’après des expressions violentes de colère. Ils apprennent ainsi aux peuples à faire recours à la violence comme moyen de réclamation pour ensuite jouer au pompier pyromane. En démocratie, si chaque contractant accomplissait correctement sa part du contrat, il y aurait moins de violence.

Dans les démocraties du continent, les constats montrent que les citoyens n’obtiennent généralement leurs droits qu’à travers l’engagement d’un bras de fer avec les autorités politiques. Au Mali, la paralysie de l’école malienne, l’année dernière, en raison de la grève de la synergie syndicale de l’éducation signataires du 15 octobre 2016 demandant l’application de l’article 39 de leur statut en est un exemple du type.

Au Sénégal, ces violences de quelques jours semblent faire découvrir à Macky Sall les difficultés que traverse le peuple sénégalais, notamment la jeunesse qu’il reconnait être frappée par le chômage, le mal vivre ainsi que les effets des restrictions liées à la pandémie de la covid-19.

« Macky Sall et ses sbires en sont les seuls et uniques responsables »

Cette situation au Sénégal, bien que les causes soient différentes, rappelle également les violences ayant conduit au départ du président Ibrahim Boubacar Kéïta à travers un coup d’État militaire, le 18 août 2020. Il a fallu plusieurs manifestations violentes pour que le locataire de Koulouba se soit rendu compte de la porosité de la situation et accepter de prendre en compte certaines revendications des manifestants.

« Sur le dialogue et la concertation, ma main reste tendue et mes portes ouvertes », a fait savoir Macky Sall au cours de son message à la nation. Mais comme répondaient des leaders du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) au président IBK, la « main tendue doit être sincère, visible ».

Sans véritable justice pour les dégâts et les pertes en vies humaines, la main tendue de Macky Sall risque de rester orpheline. Il doit joindre l’acte à la parole en rendant justice aux victimes de ces manifestations. D’ores et déjà, Ousmane Sonko a dégagé toute sa responsabilité : « Macky Sall et ses sbires en sont les seuls et uniques responsables ».

Fousseni Togola

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