Afrique: la grande affaire du quinquennat de François Hollande

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Alors qu’il sera ce vendredi à Dakar, au Sénégal, et ce week-end au sommet de la Francophonie à Kinshasa, François Hollande est très attendu sur l’Afrique. Le président français soutient notamment une intervention au Nord-Mali.

La France est désormais mise en concurrence en Afrique avec des pays comme les Etats-Unis ou la Chine. Ici, François Hollande et Abdou Diouf, défenseur de la francophonie.

On attend François Hollande en Afrique, on l’attend sur l’Afrique; et on a raison. Ce continent, au fort potentiel de croissance, est de nouveau le territoire révélateur de l’empreinte personnelle laissée par un président dans les sables des relations internationales. L’ancien élu de Corrèze l’a bien compris, qui mise fortement sur le Zambèze pour élargir son horizon et étendre son renom. L’Afrique, à vrai dire, a tout pour servir de cadre idéal à un chef d’Etat socialiste soucieux d’incarner un renouveau et d’inaugurer une percée hors de la mêlée qui attire invariablement la France sur son ancien terrain de jeu.

D’abord, parce que le dépositaire d’une Françafrique largement démonétisée ne cesse d’être courtisé et se trouve sollicité de toute part, si ce n’est “convoqué”; il doit donc élaborer un positionnement équilibré, qui lui épargne les partis pris et les liaisons dangereuses héritées du passé. Dès le lendemain de son élection, François Hollande a dû ainsi recevoir une cohorte de leaders africains venus se placer, faire valoir leur point de vue et leurs intérêts, dans un ballet qui n’a plus rien à voir avec des courbettes: la France est désormais mise en concurrence avec des puissances diverses -les Etats-Unis, la Chine, mais aussi d’autres pays d’Asie ou du Golfe-, ce qui complique la donne. Il existe un consensus pour en finir avec les comportements postcoloniaux de la Françafrique, comme l’avait déjà proclamé Nicolas Sarkozy dans son discours du Cap, en février 2008, qui se nourrit de bonnes intentions et de Francophonie. L’Elysée entend “normaliser” les liens et confie entièrement l’action diplomatique au Quai d’Orsay pour clore définitivement le chapitre du “domaine réservé” en matière africaine ; le ministère de la Coopération a été symboliquement rebaptisé ministère du Développement; et l’on ne connaît pas, en Afrique, de connexions particulières à François Hollande -qui a, en tout et pour tout, effectué un stage en Algérie.

Le Nord-Mali, tâche d’huile au Sahel

Puis il y a les réalités. C’est le deuxième facteur qui exerce une attraction, bien plus complexe. L’Afrique comporte une série de pièges, parmi lesquels figure en priorité le contrecoup del’intervention des pays occidentaux en Libye, largement souhaitée par Paris. Au Nord-Mali, l’enkystement des extrémistes liés à Al-Qaeda au Maghreb islamiste (Aqmi), favorisé par le retour des Touareg enrôlés par Kadhafi et revenus armés jusqu’aux dents, fait tache d’huile menaçant toute la région sahélienne et engendrant un basculement guerrier auquel Hollande a déclaré, à la tribune de l’ONU, vouloir apporter une réponse énergique. Derrière le risque, très sérieux, de partition de facto du Mali, cette guerre totalement asymétrique contient une sorte d’obligation morale -et stratégique- pour la France, tenue de contribuer au rétablissement de l’ordre, au Sud, après avoir notablement aidé au renversement de Kadhafi, au Nord. D’autant plus que Paris a utilisé ses troupes, en Côte d’Ivoire, pour y restaurer la démocratie.

Face à toutes les querelles et aux nombreux blocages qui apparaissent dans la mise sur pied d’une opération militaire d’envergure, laquelle devra nécessairement porter l’estampille Cedeao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) et éviter absolument que le drapeau tricolore claque au vent, on retrouve la forte objection de l’Algérie, qui déploie tous ses efforts pour éviter une intervention armée et joue la carte américaine contre Paris. Le temps est largement venu, si François Hollande entend innover de manière significative, de reconstruire une relation franco-algérienne sur le modèle de ce qui a pu être refondé entre la France et l’Allemagne. Plutôt que de beaux discours, c’est l’Algérie, acteur décisif dans toute l’Afrique, qui devrait être la grande affaire du quinquennat.

lexpress.fr/  / Par Christian Makarian, publié le 12/10/2012 à 10:12

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