Alors qu’elle entamait sa grande mue depuis 2008, voilà que la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD), outil d’intégration économique régionale, cache des signes majeurs de malaise, sources de grandes inquiétudes et de vives préoccupations quant à sa gouvernance qui ont fini d’installer l’Institution dans un désordre inquiétant et une crise larvée qui font jaser en coulisses bon nombre de ses cadres et de son personnel subalterne. Exclusif
Vent de tempête souffle sur la BOAD. Après la crise interne qui sévit à la Banque africaine de développement (BAD), du fait de contestations tous azimuts contre le Président Adesina Akinwumi, le syndrome plane sur la Tour de la BOAD. Selon des informations exclusives obtenues par Confidentiel Afrique, ça sent pas bon, dans les couloirs de cette institution, basée à Lomé (capitale de la République du TOGO). En clair, ça risque de clasher dans les jours à venir, a appris de sources bien introduites Confidentiel Afrique. Mauvaise gouvernance, complaisance flagrante dans le recrutement, mauvaises conditions de travail du personnel, mandature expirée depuis le 8 février 2020 du Président de l’institution, le Béninois, Christian Adovelande, sont le chapelet de griefs sur le prompteur des lanceurs d’alerte.
La BOAD, en dépit des résultats affichés çà et là, traine de profondes insuffisances, visibles, et, plombent, à petit feu, l’institution sous-régionale.
On évoque, qu’en 2018, en totale violation des textes et procédures en vigueur, le Président de la BOAD a procédé à une renonciation d’une garantie du FAGACE pour un prêt fait à une société de son pays d’origine, à savoir la Société des Ciments du Golfe), pour un montant de près de 12,7 milliards FCFA (réf. mémo DFC-2018N 014987 du 26 octobre 2018).
Des changements délibérés des conditions de passation des marchés pour la réalisation de projets sont effectués sans se référer au Conseil d’Administration de la Banque qui les avait adoptées, soupire notre interlocuteur.
Par de simples avenants, signés sans l’accord du CA, le Président de la BOAD, avec la complicité du Directeur du Département des Infrastructures, a octroyé des marchés de gré à gré à des entreprises. Cette pratique frauduleuse concerne plusieurs dizaines de projets. A titre d’exemple, soutiennent les lanceurs d’alerte; pour la réalisation du Programme d’Aménagement d’Infrastructures Routières Structurantes (PAIRS) au Mali, par lettre PRES-DDRI/DRIB-2015 N°003487 du 19 mars 2015, la Banque a accordé l’autorisation à l’Emprunteur de déroger aux modalités définies et approuvées par le CA sans s’en référer à cette instance. Le montant total des marchés de travaux attribués par appel d’offre restreint en lieu et place d’un appel d’offre ouvert international prévu, est de 143 milliards FCFA.
Mandat du Président arrivé à terme
Par ailleurs, il convient de noter que depuis le 8 février 2020, le mandat de M. Christian ADOVELANDE, Président de la BOAD est arrivé à son terme. Selon les informations, il a lui a été demandé d’expédier les affaires courantes en attendant la nomination du nouveau Président. Malgré tout, et malheureusement, il est à relever, qu’il continue de prendre des décisions. En référence de la Décision n°2020-051 du 30 juin 2020 et celle n°2020-055 du 9 juillet 2020, d’engager la signature de la Banque dans des opérations très risquées. Pour illustration, en dépit du rejet du projet Dakar City Sport par le Comité des Engagements (CE), le Président a instruit en toute illégalité la poursuite de l’instruction du dossier pour sa présentation au CA de mars 2020 ou à une prochaine session du CA (cf. compte-rendu du CE n°DCSG/2020N 1749 du 6 février 2020 et lettre-DDSC intérêt BOAD du 13 février 2020).
Veto du Bénin en violation
Depuis trente-huit (38) ans (1982-2020), la présidence de l’institution est restée inchangée pour le Bénin. Pourtant, les dispositions des Statuts de la BOAD stipulent que le Président et le Vice-Président doivent être choisis de manière à appeler successivement à ces fonctions un ressortissant de chacun des États membres de l’UEMOA.
Cette longue durée du Bénin à la tête de l’Institution a fini d’hypothéquer son avenir.
En effet, les décisions de nomination et de promotion de ces dernières années ont été au profit exclusif du Bénin et du Mali, au détriment de certaines nationalités. En 2020, les quatre (04) postes les plus importants de la Banque dits « conseillers du Président » qui, dans les faits déterminent les orientations stratégiques (finance, opérations, ressources humaines, réformes institutionnelles, mobilisation de ressources, affaires juridiques) sont exclusivement occupés par des ressortissants du Bénin dont un agent retraité.
En outre, le dispositif organisationnel de la BOAD repose sur deux piliers essentiels à savoir: le maintien d’un personnel motivé et disposant d’une expertise avérée et le respect de l’équilibre régional. Urbi orbi, force est de constater qu’aujourd’hui, dans beaucoup d’aspects, le fonctionnement de la BOAD ne reflète pas suffisamment l’équilibre régional.
Les décisions de gouvernance que M. Christian ADOVELANDE continue de prendre alors, qu’il est sur le départ, ont profondément affecté la motivation du personnel. Les dernières décisions prises par M. ADOVELANDE en juin et juillet 2020, donnant encore une fois de plus la part belle aux agents béninois et à ses proches, ont fini d’aggraver le déséquilibre régional, glisse une source autorisée à Confidentiel Afrique. A fin juillet 2020, sur 91 postes de managers que compte la BOAD, les 24 sont occupés par des ressortissants du Bénin, soit plus du quart du total des managers. Ils sont suivis par les togolais (15), les ivoiriens (14), les burkinabés (11), les maliens (10), les sénégalais (9), les nigériens (7). Le tableau de répartition des postes ci-joint montre de façon détaillée le déséquilibre.
En outre, des recrutements fantaisistes sont montrés du bout des doigts. On parle de recrutements de belles-filles, de nièces, de neveux du Président, de l’ancien Vice-Président, de l’actuel Conseiller Spécial du Président (ex-Conseiller Spécial de la Présidence) et de certaines autorités de l’UEMOA, se font de manière flagrante. Sans tenir compte des textes en vigueur.
Les recrutements ne se font plus par appel à candidatures comme l’exigent les textes de la Banque, afin de garantir la transparence et la même chance à tous les ressortissants des pays membres de l’UEMOA, mais plutôt par le fumeux projet de jeunes gradués, qui n’est qu’une passerelle. Le recrutement du Directeur de la DEFIC, un ressortissant du Bénin et fils d’un ancien DRH de la BOAD, qui dans un passé récent, a été stagiaire à la Banque illustre les manquements criards de la Banque qui se mesure également par la signature de contrat exclusivement à des béninois à la retraite. A titre d’illustration, 7 jours seulement après sa retraite officielle, le Conseiller Spécial de la Présidence sortant a été nommé Conseiller Spécial du Président avec les mêmes avantages et prérogatives au détriment de plusieurs agents méritants et compétents d’autres nationalités. Beaucoup vivent ce supplice à l’intérieur de cette bâtisse.
Au manque de transparence, on évoque aussi, en 2019, ce marché de près de 500 millions de FCFA, octroyé sans le moindre appel d’offre, au Consortium SOUTHBRIDGE / CENTENNIAL de Monsieur Donald Kaberuka, ancien président de la BAD pour l’élaboration du nouveau plan stratégique de la BOAD, que le premier nommé avait vivement recommandé au Président de la BOAD. Selon nos informations, le marché est passé à 700 millions de FCFA. Grosse interrogation ?
Pourtant, les dispositions du manuel de procédures de passation de marchés indiquent clairement que pour l’acquisition de services de consultants, tout marché de plus de 100 millions FCFA doit faire l’objet d’un appel d’offre.
Le même manque de transparence est noté en ce qui concerne le recrutement de consultants, de prestataires et de fournisseurs de biens. Des marchés sont octroyés à des proches du Président de la BOAD de gré à gré en violation des procédures internes.
S’y ajoute la totale opacité qui entoure le traitement des salaires des hauts responsables de la Banque. En totale violation des règles élémentaires de gestion des ressources humaines, les salaires des Directeurs de la Banque sont exclusivement gérés par le Conseiller Spécial de la Présidence et puis par le Conseiller Financier du Président. Aucun contrôle n’est fait sur la conformité des salaires et émoluments versés aux Directeurs. Selon des informations exclusives parvenues à Confidentiel Afrique, la bouteille est trop pleine et les jours à venir seront électriques dans les travées de l’institution, qui prend de l’eau de toutes parts, silencieusement. Le syndrome de la Banque africaine de développement guette à grands trots la BOAD, pour laquelle un audit externe indépendant sur les aspects de gouvernance, de gestion des ressources humaines, d’organisation, de finance est exigé.
Par Boubker BADRI (Confidentiel Afrique)
C’est ainsi qu’on fout ce qui est bon en l’air sur notre continent.
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