Afrik’Actu* : Réduction du mandat présidentiel : Macky Sall avait-il bluffé ?

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Macky Sall:
L'Express.fr - Elu à la tête du Sénégal en 2012, le "libéral social" Macky Sall veut réduire de deux ans son mandat. Par calcul? Sans doute: les déchirements de l'opposition dégagent l'horizon d'un second bail. Il n'empêche, ce cas d'école mérite un détour par son palais dakarois, où flotte encore l'ombre de Senghor.

L’actuel mandat présidentiel de sept ans au Sénégal ne connaîtra aucune modification. Le Président Macky Sall  l’a solennellement  déclaré le mardi 16 février lors d’une allocution radiotélévisée. Il argumente que, « sur l’application de la réduction du mandat en cours du Président de la République, le Conseil Constitutionnel considère  que cette disposition doit être  supprimée, au motif qu’elle n’est conforme ni à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle ».  En conséquence,  son mandat ira bien à son terme jusqu’en 2019  pour se conformer  à « la décision du Conseil Constitutionnel ».  Laquelle  lui ordonne le respect strict des dispositions de l’article 92 de la Loi Fondamentale de son pays qui s’imposent  à toute autorité.

Or, cette réduction  de mandat  était une des promesses  de campagne électorale de 2012 du candidat, devenu Chef de l’Etat Sénégalais. Que s’est-il alors passé pour que celui-ci n’ait pas été capable d’honorer une promesse  de campagne  qui lui était  pourtant chère et dont bon nombre de démocrates avaient salué la sagesse ? Etait-il sincère ou avait-il, comme c’est le cas chez  la majorité des candidats, sciemment placé un coup de bluff pour simplement  attirer l’électorat ? Des caciques de son parti APR, dès le départ, n’étaient pas favorables  à l’idée de réduction du mandat présidentiel. Comme le Président de l’Assemblée Nationale, mais surtout le porte-parole du Gouvernement qui trouve que l’idée est « injustifiable ».

Ainsi Macky, n’ayant pas pu convaincre sa famille politique, n’a certainement pas eu d’autres choix que de saisir le Conseil Constitutionnel pour trancher. Question pour lui de s’en sortir. Mais le Chef de l’Etat sénégalais, ce grand intellectuel ayant occupé le fauteuil de Premier ministre et  présidé le perchoir, n’était-il pas censé savoir qu’il n’était pas constitutionnellement possible de réduire un mandat, de surcroît présidentiel, en cours ?

Une partie de la Société civile  admet que la soumission du projet d’amendement constitutionnel, notamment la réduction du mandat présidentiel,  n’était simplement qu’une manœuvre du Chef de l’Exécutif sénégalais lui permettant de se rétracter.  Le  politologue Babacar Justin N’Diaye, incarnant  ce courant, de rappeler que Macky Sall  élu pour sept ans, ne peut ni allonger ce mandat, encore moins le réduire. Quand l’opposition sénégalaise, qui était majoritairement favorable au projet, clame à travers “La tribune”  que « le Président a violé son engagement et sa parole donnée ».

Mais  quoique les uns et les autres puissent penser, il est évident qu’en proposant de réduire son  mandat présidentiel en cours,  Macky Sall a implicitement  fait  preuve d’humilité  pour véhiculer une leçon de démocratie à ses nombreux pairs  africains  qui, au contraire, s’attèlent  à  tripatouiller  leur Constitution afin de se maintenir au pouvoir.

Ses détracteurs devront admettre que, malgré son échec à réduire l’actuel mandat, il aura au moins permis de jeter les bases de la réduction du futur mandat présidentiel à cinq ans, surtout  lorsque l’on est habitué en Afrique à voir le Président sortant réélu,  pour enchaîner sur un deuxième mandat consécutif.

 Gaoussou M. Traoré

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