Depuis 2012, la Côte d’Ivoire a renoué avec la croissance économique, notamment par la construction d’infrastructures, telles que les autoroutes, ponts et chaussées, campus universitaires et la reconstruction d’hôpitaux. De même les investisseurs étrangers, désormais confiants, reviennent de plus en plus dans le pays. Les PMI et PME redémarrent de plus belle. La Banque Africaine de Développement (BAD), transférée à Tunis pour raison d’insécurité retrouvera incessamment son siège à Abidjan. De bonnes perspectives en somme !
Cependant, l’arbre ne saurait cacher la forêt : le niveau de corruption, estime –on, reste au beau fixe. Ainsi, la population ivoirienne a de la peine à ressentir sur le panier de la ménagère les retombées de cette croissance, engendrée par les efforts macroéconomiques. D’ailleurs, l’expression, désormais devenue populaire, « on ne mange pas la route », ne traduit-elle pas l’angoisse de nombre d’Ivoiriens qui ne veulent rien d’autre qu’un emploi pour subvenir à leurs besoins quotidiens ?
Parce que trois ans après la crise post-électorale et l’arrestation de Gbagbo, il y a des quartiers entiers qui manquent d’eau et d’électricité. Des hôpitaux publics sont engorgés de malades qui n’arrivent pas à accéder aux soins les plus élémentaires (faute de ressources financières). L’éducation et l’enseignement supérieur laissent de plus en plus à désirer etc. A telle enseigne qu’une bonne frange de la population du pays, se sentant abandonnée par les puissances publiques, s’interrogent sur l’utilité de ces grands chantiers. Lesquels ne leur procurent pas de l’emploi, dont ils ont le plus ardemment besoin.
Sur le plan politique et sécuritaire, rien de concret n’est jusque-là joué. S’il est évident que les violences post- électorales ont radicalement diminué, des poches d’insécurité persistent dans l’ensemble du pays, notamment à l’ouest. Les forces loyalistes sont même souvent la cible d’hommes lourdement armés, qui attaquent commissariats de police et camps de gendarmerie. Même si le pouvoir actuel tente par tous les moyens de calmer le jeu, par la mise en liberté provisoire de dizaines de détenus proches de l’ancien président Gbagbo, dont le président du Front Populaire Ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan.
Sur le plan de la justice, il reste également beaucoup à faire pour qu’elle devienne indépendante et crédible. Ainsi, l’opposition pense et jubile pour faire savoir qu’il existe une justice à deux vitesses pour la Côte d’Ivoire : une pour innocenter les partisans du pouvoir et l’autre pour charger les proches du FPI. Alors que sans la justice, point de réconciliation nationale, estiment bon nombre d’observateurs de la scène politique ivoirienne. Alors qu’il existe aux côtés de cette justice une Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), qui tarde à marquer ses pas. Du fait du manque de collaboration de l’opposition, se défend le pouvoir, qui tend à donner une dimension politique à toutes les actions menées.
C’est pourquoi, estiment la majorité des analystes, si rien n’est fait dans les mois à venir pour réellement enclencher le dialogue et la réconciliation entre les protagonistes, la Côte d’Ivoire pourrait retomber dans l’anarchie qu’elle a connue avant la chute de Gbagbo. Tous les ingrédients ne sont-ils pas déjà là ? Attaques et représailles sont légion dans le pays, où l’opposition n’arrive pas à attraper la main tendue du pouvoir.
Tout compte fait, ce sont aux descendants de Félix Houphouët Boigny, rien qu’à eux, de savoir raison garder afin de solder à jamais cette douloureuse crise, dont leur pays n’a plus besoin. Et, de faire désormais face au seul défi du développement économique et social. C’est à cela seulement qu’ils pourront se rendre utiles pour la génération future. Laquelle voudra certainement bien hériter d’un pays où tous les enfants se parlent et ont la même chance.
Par Gaoussou M. Traoré
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