Presque cinq ans après les évènements douloureux que la Côte d’Ivoire a vécus suite à la présidentielle de 2010, le procès de l’ex-président s’est enfin ouvert le jeudi 28 janvier devant la Cour Pénale Internationale (CPI) à la Haye. Accusés de crime contre l’humanité, Laurent Gbagbo et son ex-bras droit Charles Blé Goudé, ont choisi de plaider non coupable. Alors que la Procureure Fatou Bensouda dispose contre eux de quatre chefs d’accusation contenus dans cinq mille pages.
Si ce procès très attendu divise visiblement la classe politique et les ivoiriens, la société civile, quant à elle, estime qu’il va au moins permettre de comprendre les causes et le mobile des atrocités perpétrées en Côte d’Ivoire par l’intransigeance politique post-électorale de 2010. Contre laquelle, la Procureure Bensouda, à l’audience, a été on ne peut plus claire pour indiquer que le procès Gbagbo permettra « d’envoyer un message fort à tous ceux qui complotent pour se hisser au pouvoir ou s’y maintenir en ayant recours à la force et à la brutalité ». Afin qu’ils sachent qu’ils « répondront de leurs actes ».
A cet effet l’accusation, qui s’est essentiellement penchée sur les cinq mois de crise de 2010 et ses racines, estime que l’ancien Chef d’Etat ivoirien, pour garder son pouvoir, avait délibérément posé les fondations nécessaires pour perpétrer les crimes d’atrocités que son pays a connus. Ce, d’autant qu’il s’était préparé à l’éventualité d’une défaite électorale lors de la présidentielle de 2010. A travers cette logique, décrit la procureure, Laurent Gbagbo s’est attaqué aux partisans de son rival Ouattara et à tous ceux qui étaient considérés comme acquis à sa cause, notamment en se basant sur des critères religieux, ethniques et de nationalité. Des accusations gravissimes que les défenseurs de l’ex-dirigeant ivoirien doivent, au cours du procès, aider à démonter pour l’innocenter.
Mais d’ores et déjà, les commentaires vont bon train selon que l’on soit pour ou contre le procès de Gbagbo. Le camp de ce dernier ayant même choisi de jouer à l’offensive pour dénoncer et caricaturer la CPI. Ainsi par le biais du journal La Tribune ivoirienne, il « dénonce un procès de l’Afrique libre contre un système néo-colonialiste qui s’ouvre à La Haye » et admet que « dans cette parodie juridique dictée par l’occident, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont face à l’histoire ». Alors que le camp Ouattara, incarné par le journal Le Patriote, estime que « c’est le début de la fin pour Laurent Gbagbo qui s’engage dans un marathon judiciaire où il risque au bas mot 30 ans de prison ». Et un autre journal, l’Expression, d’indiquer que « Charles Blé Goudé l’agitateur, va payer le prix fort puisque Fatou Bensouda affirme qu’elle détient des preuves de viol, vol, pillage et tuerie du camp Gbagbo.
De toute façon, l’issue de ce procès très inédit et plein d’intrigues, pouvant durer jusqu’à quatre ans, déterminera la crédibilité ou non de la CPI. Dans l’attente donc de son verdict, souhaitons que le droit soit enfin dit afin que les milliers de victimes et parents de victimes innocents puissent croire à la fin de l’impunité en Afrique. Notamment en Côte d’Ivoire.
Gaoussou M. Traoré