En rejetant en début de semaine, la nouvelle demande de mise en liberté de Hama Amadou, emprisonné depuis deux mois dans le cadre d’un trafic présumé de bébés, une affaire non encore jugée, la Cour d’Appel de Niamey contribue à bipolariser le jeu politique. De même qu’elle permet de donner du poids à l’argumentaire des détracteurs de la justice nigérienne qui ne cessent de suspecter son inféodation au pouvoir afin d’empêcher les candidats sérieux de mener sereinement leur campagne électorale. En effet, depuis le retour volontaire de Hama Amadou au bercail, le pouvoir nigérien est quasiment privé de sommeil. Non satisfait d’arrêter et d’emprisonner l’ancien Président de l’Assemblée Nationale, Mahamadou Issoufou a délibérément choisi de multiplier ses entreprises d’intimidations contre un nombre d’opposants parmi les plus irréductibles.
Ce faisant, plusieurs d’entre eux avaient été mis en état d’arrestation par la DSGE pour divers chefs d’accusations, notamment pour tentative de coup d’Etat, sans que leurs avocats ne puissent facilement les voir ou accéder à leurs dossiers. Sous le prétexte fallacieux de tentative de coup d’Etat présumé, le pouvoir a entrepris d’instrumentaliser l’appareil judiciaire pour sévir contre ses opposants. Ainsi en une longueur d’ondes de l’échéance présidentielle, même si actuellement tous les autres prévenus sont désormais mis en liberté provisoire, le pouvoir a décidé de maintenir en prison celui qui le dérange le plus. Mais fort heureusement, la Cour Constitutionnelle ne semble pas épouser la stratégie gouvernementale.
C’est pourquoi visiblement, celle-ci a de façon irréversible, courageusement validé 15 candidatures à l’élection présidentielle du 21 février, dont celle de Hama Amadou. Ainsi en un mois de l’élection présidentielle, Mamadou Issoufou, le Président sortant du Niger, malgré le rejet de mise en liberté provisoire de son principal opposant par la Cour d’appel, ne pourra plus avoir tous les leviers nécessaires pour s’ériger en véritable autocrate afin d’empêcher le candidat le plus sérieux d’accéder à la magistrature suprême. D’ailleurs pour démonter cela, au cas où son candidat n’obtiendrait pas la liberté provisoire, l’Etat-major du principal challenger emprisonné a décidé de mener une active campagne présidentielle pour celui-ci.
Quelle stratégie vont-ils mener, notamment dans l’optique d’un maintien en détention de leur candidat ? L’électorat nigérien va-t-il considérer, malgré son absence physique de la campagne, Hama comme une victime du pouvoir pour le soutenir massivement ou va-t-il le bouder ? Ce sont, entre autres, des équations difficiles à plusieurs inconnues que la direction de campagne de l’ancien président de l’Assemblée nationale devra résoudre afin que, comme certains de ses partisans le prévoient, Hama aille tout droit de la prison à la magistrature suprême.
Ce scénario très atypique pour un homme politique, est désormais possible au Niger. Un pays habitué aux soubresauts politiques. Pour rappel, cet Etat sahélien est la seule démocratie naissante, hormis l’expérience béninoise sous la Transition, en Afrique Francophone à connaître la cohabitation au pouvoir. Même si ce difficile exercice de partage du pouvoir, entre un Président élu et le Chef de son opposition, devenu majoritaire au Parlement, n’avait pas pu atteindre les limites constitutionnelles du mandat. Car, faute de bien fonctionner, un coup d’Etat militaire avait mis fin à cette pratique de bicéphalisme au pouvoir entre 1995 et 1996. Depuis cette époque, les deux challengers de l’élection présidentielle nigérienne que sont Mahamadou Issoufou et Hama Amadou sont demeurés des adversaires politiques inconciliables.
Wait and see !
Gaoussou M. Traoré