En jugeant l’article 50 de la loi sur la fonction publique votée par les députés en fin décembre, contraire à la Constitution, la Cour Constitutionnelle du Bénin tranche sur le principe du droit de grève. Cet acquis démocratique, garanti en 1991 par les décisions de la Conférence Nationale Souveraine du Bénin, ne sera donc plus spolié par quelques députés de l’Assemblée Nationale, quand bien même les sages, dans leur arrêt, reconnaissent qu’ils peuvent néanmoins définir les conditions d’exercice du droit de grève. Ils estiment clairement que le droit de grève, bien que fondamental, n’est pas absolu. Ce, pour obliger les grévistes à assurer au moins la continuité du service public, la satisfaction de l’intérêt général et de la sécurité publique.
Dès son accession à la tête de l’Etat en avril 2016, Patrice Talon s’est engagé à faire de nombreuses réformes pour transformer le Benin. Il prend ainsi des décisions qui multiplient les confrontations du pouvoir public avec les forces de l’opposition, les forces sociales et les syndicats qui lui reprochent son manque de dialogue et ses passages en force. Comme si cela ne suffisait pas, le 19 janvier, la majorité parlementaire vote une loi controversée qui interdit à une certaine catégorie de fonctionnaires, notamment des magistrats et médecins de grever.
Ce qui provoque un débrayage des travailleurs et une plainte des syndicats auprès de la Cour Constitutionnelle qui tranche que la loi votée est anticonstitutionnelle. Pourtant sous d’autres cieux, la Cour Constitutionnelle n’étant qu’une chambre d’enregistrement des décisions des pouvoirs publics, aurait agi en leur faveur. Pourquoi la Cour Constitutionnelle béninoise a donc pris la décision de rétorquer le passage en force de cette loi de la Fonction publique controversée qui voulait interdire le droit de grève pour certaines catégories de fonctionnaires béninois ?
La Cour Constitutionnelle explique qu’elle s’est basée d’abord sur la Constitution, « qui dit en son article 31 que l’Etat reconnaît et garantit le droit de grève dans les conditions définies par la loi ». Les sages disent se baser aussi sur les précédentes décisions de la Cour sur ce même sujet et sur des textes supranationaux. Pour en conclure que « seul le constituant peut retirer ce droit, le législateur n’étant habilité qu’à l’encadrer ». Des dispositions constitutionnelles et jurisprudences assez suffisantes et simples, dont les sages se sont servis comme arguments pour empêcher l’Assemblée nationale de légaliser le déni de grève au Benin, constituent une véritable leçon de droit pour les parlementaires.
Ainsi dorénavant au Benin, par ce signal fort, les législateurs sauront savoir raison garder et comprendront, une fois pour toutes, qu’ils ne pourront plus se substituer au constituant pour modifier, comme bon leur semble, des dispositions stipulées par la Loi Fondamentale du pays. Un état d’esprit qui permettrait du coup à la démocratie d’avancer dans ce pays. Ce, par l’existence de garde-fous constitutionnels infranchissables.
Gaoussou Madani Traoré