Afric’ actu : Quand la médiation devient plus efficace que les menaces militaires en Gambie

1
Yahya Jammeh salue pour la dernière fois ses partisans avant de rentrer dans l'avion du président Alpha Condé, à l'aéroport de Banjul le 21 janvier 2017.
Yahya Jammeh salue pour la dernière fois ses partisans avant de rentrer dans l'avion du président Alpha Condé, à l'aéroport de Banjul le 21 janvier 2017. © STRINGER / AFP

En déclarant personnellement,  lors d’une allocution télévisée dans la nuit du 20 au 21 janvier, sa décision de renoncer  en « âme et conscience »  à la direction de son pays, « pour l’intérêt supérieur de son peuple et de son pays », Yahya Jammeh qui affirme croire « en l’importance du dialogue et en la capacité des Africains à résoudre eux-mêmes les défis de la démocratie », contribue à la conclusion en beauté de la grande crise postélectorale de la Gambie. Mais, cette victoire de la médiation africaine prouve clairement  que   l’usage  de la résolution diplomatique   dans les crises africaines  est plus bénéfique  que celui  de la menace militaire  que   promet toujours la  Communauté Internationale.

La multiple et ultime médiation marocaine, mauritanienne  et guinéenne, conduite par les présidents Mohamed Ould Abdel Aziz  et Alpha Condé,  est  finalement parvenue à convaincre le Président Yahya Jammeh à céder volontairement le pouvoir à son successeur élu, Adama Barrow. La solution extrême d’intervention militaire  préconisée  pour  mettre fin au pouvoir de  Jammeh  a  été évitée de justesse en Gambie. Une  preuve  qu’en matière de contentieux interne, mieux vaut suffisamment user de  la persuasion  dans la discrétion que de procéder à des menaces  militaires intempestives  extérieures qui ne font  très souvent qu’envenimer une situation déjà complexe.

Les Chefs d’Etat de ces trois pays entretiennent de très bonnes relations avec le président Jammeh, dont une épouse est guinéenne et une autre marocaine.  Un royaume  notamment avec lequel son régime  aura  entretenu d’excellentes relations diplomatiques durant  les deux décennies écoulées. Des relations qui se sont  surtout  renforcées, lorsque la Gambie s’est engagée dans l’Union Africaine pour l’annulation de l’adhésion de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD).

Par cette prouesse  diplomatique, les trois pays  évitent à  la minuscule Gambie d’être plongée  dans une  aventure militaire aux conséquences incalculables. Elle  préserve incontestablement des vies humaines et évite la destruction du modeste tissu social et économique  que l’enclave sénégalaise possède. Mais aussi et surtout, elle évite  incontestablement au Sénégal (qui demeure en guerre  depuis des décennies contre  sa rébellion casamançaise)  d’intervenir militairement en Gambie. Un pays  dont  la population dans sa majorité demeure, quelle que soit la cause, hostile à une intervention militaire de son puissant voisin. Ce, bien qu’il soit une réalité que  les deux peuples ne constituent qu’un seul et même,  que les puissances coloniales ont politiquement séparés.

Cela n’est pas une première, la médiation interafricaine est d’usage en République Démocratique du Congo (RDC). Un pays dont le Président en fin de mandat constitutionnel,  refuse  catégoriquement  de  céder le pouvoir. Pour autant,  les mêmes dirigeants  africains et la Communauté internationale  n’ont jamais menacé son régime d’une  quelconque intervention militaire  pour le déloger. Au contraire, ils n’ont  de cesse encouragé les  nombreux compromis et  compromissions politiques qui le  maintiennent au pouvoir jusqu’à l’élection de son successeur. Ce, sans pour autant parvenir à trancher sur sa non-participation  à la future présidentielle.

Comme quoi, la médiation à l’africaine  peut  bien être une excellente recette pour résoudre les conflits politiques sur le continent. Une leçon sociopolitique  que la CEDEAO, l’UEMOA, les autres organisations sous-régionales  africaines et  l’UA devront  toujours retenir. Elles devront  désormais  exploiter à fond toutes les options pacifiques pour régler les  nombreux contentieux politiques que connaît le continent. Comme ceux qui sont en cours au Congo, au Gabon, au Tchad, etc.

Gaoussou Madani Traoré

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

  1. Les médiateurs de la 23 ème heures, Kondé et Aziz croient t’ils réellement qu’ils ont été les seuls à avoir pris la peine de raisonner Jammeh ? Des Gambiens des Nigériens , Sierra léonnais , Senegalais s’y sont essayés avant eux des gens qui etaient pour Jammeh bien plus que des “amis politiques”. Si Jammeh a lâché c’est au fond parce qu’il a compris que le report de force n’était pas à sa faveur c’est tout. Merci à Kondé et Aziz mais …il faut relativiser.

Comments are closed.