A Benghazi, ce jeudi, 09 juin, le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, est allé faire un réquisitoire cinglant sur la crise libyenne en soutenant que le Conseil national de la Transition (CNT) est le seul représentant du peuple libyen et en sommant le guide libyen de quitter le pouvoir, le traitant de dictateur et le couvrant de toutes les insanités.
A quel titre ? Quel droit Me Wade peut-il se donner pour agir et intervenir de la sorte ? Serait-il mandaté par cette Communauté dite « internationale», en marge du sommet du G8 (les 8 pays les plus industrialisés au monde) où il était présent avec son fils, pour davantage légitimer leur « sale guerre » de destruction massive de la Libye depuis au moins trois mois ?
De toutes les façons, le président sénégalais est-il l’homme le mieux placé pour qualifier un quelconque chef d’Etat africain de dictateur, jusqu’à oser lui demander de s’en aller du pouvoir ? Non. Pourquoi ? Parce que cet homme, qui avait longtemps milité dans l’opposition, une fois le pouvoir acquis, s’est fait le fossoyeur de la démocratie dans son pays en faisant subir aux Sénégalais toutes les dérives démentielles, mettant en prison leaders de l’opposition et journalistes.
Par des tripatouillages politiques, il procède à des amendements constitutionnels dans le but d’asseoir son pouvoir. Il va jusqu’à manipuler ses proches (les cas de Idrissa Seck et de Macky Sall sont là pour illustrer mes propos) empêchant du coup toute velléité d’opposition. Pis, il est en train d’imposer aux Sénégalais son fils qu’il prépare à assurer sa succession en le nommant super ministre et qui l’accompagne dans tous ses déplacements. Lors sommet du G8, le président Sarkozy a même usé de tout son talent pour faire accorder une poignée de main du président américain Barack Hussein Obama à Karim Wade (fils du président et son dauphin présumé), avec à la clef quelques minutes de conversation. On voit donc que le changement radical de la position du président sénégalais n’est dicté que par un souci de « real politique » né d’un opportunisme calculé qui pourrait s’interpréter comme suit : « Moi, président africain, je me rends à Benghazi pour aller dire ce que vous voulez entendre pour légitimer votre ‘’sale guerre’’, mais en retour vous me laissez les mains libres pour bafouer la démocratie dans mon propre pays. Du ‘’donnant donnant’’. Oui, Kadhafi partira, certainement en martyr, mais les rebelles hériteront d’un pays ruiné à cause de ces milliers de raids perpétrés par ces puissances militaires qui auront tout détruit, un pays où il faudra tout recommencer, tout reconstruire, avec probablement des entreprises provenant de ces mêmes Etats qui l’auront ruiné. Et le CNT étant une composition hétéroclite faite d’alliances contre-nature, un problème de leadership pour assurer la transition va forcément se poser.
Mais la question que je pose est la suivante : à qui le tour, après la Libye, pour l’imposition de la démocratie à l’occidentale ? Est-ce par exemple la Gambie ou le Sénégal, en sachant bien que le président de ce dernier pays est parmi les rares chefs d’Etats à réclamer publiquement le départ du Guide du pouvoir alors que lui, il bafoue toutes les valeurs démocratiques dans son pays ? Quelle ironie ! Ces deux pays, n’ayant pas de poids énergétique et minier sur l’échiquier international, se verraient épargnés d’une telle intervention. Il faut souligner que cette croisade militaire des puissances occidentales a une arrière-pensée économique. Ce qui m’amène à dire que sous le prétexte mensonger de défendre les Droits de l’Homme sur lesquels elles se basent pour appliquer « le devoir d’ingérence humanitaire », il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une façon de sauvegarder leurs intérêts égoïstes dans les pays ciblés.
Par Gaoussou Madani Traoré