A la surprise générale des observateurs du jeu politique sénégalais, les électeurs ont offert un second tour de l’élection présidentielle au président sortant Abdoulaye Wade et à son ancien premier ministre Macky Sall (longtemps considéré comme un de ses fils spirituels avant leur rupture en 2008). Mais la grande révélation de ce scrutin présidentiel a été le taux d’abstentions.
En 2007, c’étaient environ 70% des électeurs qui s’étaient déplacés aux urnes au premier tour contre 51, 58% en 2012. Parmi les explications à cette désaffection, le spécialiste sénégalais des questions électorales, professeur El Hadji Omar Diop, n’avançait-il pas que la campagne électorale violente et surtout marquée par la focalisation sur la candidature de Wade en était la première cause ? Selon le même observateur de la vie politique du pays, ce climat a dû démobiliser une frange importante de l’électorat qui redoutait des violences le jour du vote ou qui a préféré observer une forme de boycott pour protester contre Wade
. D’autre part, il pense que les dissensions au sein de l’opposition et notamment de l’alliance Benno Siggil Sénégal, incapable de pouvoir trouver un candidat unique de l’opposition au premier tour ont pu déboussoler des électeurs potentiels. Il ressort donc de cette analyse que les deux camps vont s’activer pour essayer de mobiliser les abstentionnistes à leur cause lors du second tour de ce scrutin prévu pour le 18 du mois. La participation sera évidemment l’un des enjeux majeurs de ce second tour. Aussi le report des voix alliées sera-t-il déterminant.
Il y a également les quelque 10% de ces électeurs potentiels qui n’ont pu retirer leurs cartes. A la lumière des résultats du premier tour, Wade est plus que jamais isolé et obligé de tendre généreusement sa main à certains candidats malheureux de son opposition tels que Idrissa Seck, Ousmane Tanor Dieng, Ahmat Dansogo et bien d’autres qui pourtant s’étaient démarqués de son choix. Il n’en est pas de même pour Macky Sall qui bénéficie déjà du soutien systématique ou avéré de l’ensemble de la classe politique et de la société civile sénégalaise opposées au président sortant et regroupées autour de la plate-forme du M23 et de Benno Siggil Sénégal dont il est membre fondateur et dont il a quelque peu boudé les mots d’ordre à quelques semaines du premier tour du scrutin. C’est certainement pourquoi Macky Sall a très vite enclenché la machine des ralliements dès l’annonce des premiers chiffres officiels. Après sa rencontre avec le président des Assises nationales, Ahmadou Mathar Mbow, il a d’ores et déjà rencontré des personnalités et non des moindres, comme Alioune Tine, le président de la Rhado, le chanteur Youssou N’dour, mais surtout Moustapha Niasse, le premier premier ministre de Wade après la victoire du Sopi (changement en ouolof) en 2000. Niasse, comme en 2000, s’est classé troisième du scrutin et se trouve être considéré une fois de plus comme le véritable faiseur de Roi dans ce second tour de la présidentielle 2012. Arithmétiquement parlant le candidat de l’opposition qu’est Sall remporterait à près de 60% des suffrages au second tour, mais le jeu reste ouvert tant ce dernier a l’obligation de convaincre certains électeurs et dirigeants de cette opposition radicale à son challenger Wade, qui ne comprennent toujours pas qu’il leur ait faussé compagnie à un moment donné de leur combat. Toutefois, Macky Sall reste désormais la seule alternative au départ, par les urnes, du président sortant. Les électeurs sénégalais, qui ont heureusement montré un bon exemple de maturité politique malgré les interrogations et les inquiétudes de l’opinion nationale et internationale et de l’ensemble des observateurs de la vie politique sénégalaise quant à la réussite du premier tour, demeurent le seul arbitre pour se choisir le futur locataire du palais présidentiel.
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Par Gaoussou M. Traoré