Affaire Guillaume Soro : l’audience du 28 avril au cœur d’un bras de fer

0

La justice ivoirienne a décidé de maintenir cette audience malgré la décision prise par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).

C’est en principe ce mardi 28 avril que doit se tenir devant le tribunal correctionnel d’Abidjan le procès de Guillaume Soro pour « détournement et recel de fonds public ». Pourtant, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a ordonné à la Côte d’Ivoire de suspendre le mandat d’arrêt contre l’ancien Premier ministre, exilé en France. Pour ses avocats, « ce calendrier ne peut laisser place au doute : il s’agit d’une tentative d’exécution politique, en la forme d’une mascarade judiciaire », dénoncent-ils dans un communiqué publié à la veille de cette audience que doit présider le juge Cissoko Amouroulaye dans la capitale ivoirienne. En conséquence, aucun des avocats du Collectif ni le concerné ne feront le déplacement.

Faux, répond le camp adverse. « Le gouvernement n’a pas de commentaire à faire sur cette décision. Ce qu’il faut toutefois relever, c’est que les procédures engagées par la justice ivoirienne restent en cours », a déclaré dans un communiqué laconique le ministre ivoirien de la Communication et porte-parole du gouvernement, Sidi Touré, déclinant tout autre commentaire. Les avocats de l’État ivoirien affirment que la décision de l’institution basée à Arusha en Tanzanie n’est que provisoire et n’empêche pas la tenue de l’audience.

Divergence d’interprétations

Pour rappel, mercredi 22 avril, la Cour africaine des droits de l’homme a ordonné à la Côte d’Ivoire de suspendre son mandat d’arrêt contre l’ancien président de l’Assemblée nationale et de remettre en liberté 19 de ses proches emprisonnés depuis quatre mois. Dans son arrêt, la Cour panafricaine, institution de l’Union africaine qui avait été saisie début mars par Guillaume Soro et ses proches, « ordonne à l’État défendeur (la Côte d’Ivoire) de surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro et de surseoir à l’exécution des mandats de dépôt » contre 19 de ses proches et leur remise en « liberté provisoire ». Ces derniers sont accusés par la justice ivoirienne de complicité à divers degrés : il s’agit de cinq députés et de membres de son parti, dont d’anciens ministres, ainsi que deux de ses frères. La Cour a donné 30 jours à l’État ivoirien pour exécuter l’arrêt. Sa décision n’est pas susceptible d’appel. C’est-à-dire qu’il s’agit de mesures provisoires, dans l’attente que la Cour se prononce sur le fond.

Mais c’est justement sur cette première partie de la décision de la CADHP que s’appuie la défense du député de Ferkessédougou. Me Affoussy Bamba, membre du collectif d’avocats en charge de la défense de Guillaume Soro, affirme qu’en prenant part à ce procès, les magistrats en charge du dossier se rendent complices de violation par l’État de Côte d’Ivoire de ses engagements internationaux. Car la Côte d’Ivoire est bien signataire du protocole relatif à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Le pays a aussi procédé à la déclaration spéciale qui permet à ses citoyens et ONG de saisir directement la cour après avoir épuisé tous les recours nationaux.

La tenue de l’audience du 28 avril aurait pour effet de méconnaître la décision de la cour d’Arusha jugent encore les conseillers juridiques de l’ex-président de l’Assemblée nationale et candidat déclaré à la présidentielle d’octobre prochain. Ce qui constitue, pour elle, « non seulement une preuve de la collusion de l’exécutif et du judiciaire, mais également contrevient violemment aux prescriptions de l’ordonnance du 22 avril 2020 et des droits fondamentaux du président Guillaume Kigbafori Soro ».

Le bras de fer se poursuit

Et le collectif d’avocats ne compte pas s’arrêter en si bonne voie. Ils se réservent « le droit de saisir, et autant de fois que nécessaire, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, selon la procédure d’urgence, pour faire censurer toutes les décisions inconventionnelles qui résulteraient de cette audience » et « engager toutes autres procédures internationales, aux fins de voir infliger des sanctions ciblées contre le ou les individus, y compris les magistrats, qui auront diligenté, organisé, ou collaboré à la tenue de cette audience ».

Guillaume Soro, 47 ans, avait dès le début qualifié cette affaire d’« opération » pour l’écarter de la course à la présidentielle, pour laquelle il était vu comme un challenger sérieux par les analystes politiques.

Longtemps allié du président Alassane Ouattara, qu’il a aidé à porter au pouvoir pendant la crise post-électorale de 2010-2011, Guillaume Soro était devenu Premier ministre, puis président de l’Assemblée nationale, avant de se brouiller puis de rompre avec le chef de l’État début 2019, ce dernier voulant brider ses ambitions présidentielles, selon les observateurs.

Par Le Point Afrique – Publié le  | Le Point.fr

Commentaires via Facebook :