Affaire DSK : Nafissatou Diallo, vraie victime ou affabulatrice douée ?

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 La femme de chambre, qui s’est exprimée à la télévision sur les circonstances de son agression présumée par DSK, n’est pas totalement convaincante.

Vraie victime ou affabulatrice douée ? Ce ne sont pas les dix minutes d’interview de Nafissatou Diallo mardi soir sur la chaîne ABC qui vont trancher. Mais son récit de l’agression présumée est fort et très dérangeant. Le samedi 14 mai, elle entre dans la chambre 2806 parce qu’un employé du room service qui en sort lui assure qu’il n’y a plus personne. "J’ai dit trois fois femme de ménage, bonjour – car la chambre est très grande – et personne n’a rien dit", raconte cette grande Noire aux cheveux passés au henné qui parle bien anglais, avec un accent.

"J’ai vu un type nu venir vers moi." "Oh ! Mon Dieu, je suis désolée !" s’est-elle excusée en se couvrant les yeux. "Il m’a attrapé la poitrine, en disant non, vous n’avez pas à être désolée". "Arrêtez ça, je ne veux pas perdre mon boulot", lui dit-elle. Elle accompagne son récit de grands gestes. Il la pousse vers la chambre après avoir claqué la porte. Elle le supplie d’arrêter… Nafissatou fait une pause comme si la suite était trop difficile à raconter, avant de reprendre d’une petite voix : "Il a essayé de me mettre son pénis dans la bouche." Elle résiste, le repousse, se lève, mais il la pousse dans le couloir, remonte sa robe et lui agrippe l’entrejambe violemment, décrit-elle en larmes en mimant à moitié accroupie comment il l’a coincée contre le mur. "Il me tenait la tête. Il m’a dit suce ma b… Je me suis levée, j’ai craché, j’avais si peur. Je ne savais pas quoi faire." Selon la journaliste, elle n’a cessé de répéter pendant tout l’entretien qu’elle était terrorisée à l’idée de perdre son boulot.

Changements de version

"Je dis la vérité", assure-t-elle. Le reste de l’interview est moins convaincant. Dans le ton d’abord, un peu trop théâtral, qui manque de naturel. Il est vrai que Nafissatou a été coachée et recoachée par son avocat et a répété le récit des dizaines de fois. Mais ce sont surtout certaines de ses réponses qui sonnent faux. Quand la journaliste mentionne la fameuse conversation téléphonique avec le trafiquant de drogue qui est en prison, elle assure que c’était un "ami" et qu’elle ne savait pas qu’il se livrait à des activités illégales. Elle reconnaît lui avoir donné le numéro de son compte en banque sans savoir ce qu’il y avait dessus. Elle dément aussi lui avoir confié "ce type a plein de fric, je sais ce que je fais". "J’ai utilisé les mots Je sais ce que je fais quand il m’a parlé de l’avocat."

Ses changements de version sur ses faits et gestes après l’agression ? C’est un "malentendu". Nafissatou Diallo a raconté à maintes reprises y compris devant le grand jury que, lorsqu’elle s’était enfuie, elle était allée se cacher dans le couloir. Dans la lettre qu’a publiée le procureur, il soutient qu’elle s’est ensuite rétractée en disant qu’elle était allée faire le ménage de la 2820 après l’agression, puis le ménage de la 2806 après que DSK fut parti. Sur ABC, elle explique, dans une troisième version, qu’elle a laissé son chariot dans la chambre 2820 et qu’elle y est repassée après l’agression pour le récupérer.

"Je veux que justice soit faite"

Elle n’est pas et n’a jamais été "une prostituée", insiste-t-elle. "J’adore le job. Je savais que si je travaillais là-bas, ma fille et moi on pourrait bien vivre", poursuit-elle en souriant pour la première fois. "Je dois dire la vérité. Je veux que justice soit faite, je veux qu’il aille en prison. Je veux qu’il sache qu’il existe des endroits où vous ne pouvez pas vous servir de votre fric, de votre pouvoir quand vous faites un truc pareil." Ce qui est loin d’être joué.

Si Kenneth Thompson, son avocat, l’a encouragée à s’exprimer publiquement, c’est sans doute parce qu’il sentait que le procureur était sur le point de déclarer un non-lieu, estimant après ses mensonges multiples que le dossier était indéfendable. Cela va-t-il changer la donne ? Les experts sont partagés. Certains pensent qu’en se montrant, Nafissatou peut faire taire les rumeurs négatives sur sa vie privée et jouer sur la corde sensible de l’opinion. C’est une tactique très risquée, car la moindre variation dans ses déclarations sera exploitée contre elle lors du procès. En attendant, Thompson a au moins réussi à gagner du temps, puisque le procureur a annoncé mardi un report d’audience au 23 août.

Le Point.fr – Publié le 27/07/2011

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