ABIDJAN (AFP) – 22:34 – 13/03/11 – A un bout de la rue, un barrage tenu par des “rebelles”. De l’autre côté, des militaires, et deux cadavres dans l’intervalle: la tension régnait dimanche dans le quartier d’Abobo, à Abidjan, après l’offensive des forces du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo.
“On ne sait pas comment cette histoire va finir”, lâche un jeune homme, le regard inquiet, s’abritant du soleil à l’ombre d’une baraque bordant la route du zoo.
En venant du centre-ville, la voie bitumée mène au Plateau-Dokui, secteur sud d’Abobo, cet immense quartier du nord de la capitale économique ivoirienne et fief d’Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale et rival de M. Gbagbo.
C’est l’une des zones où les Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales au président sortant s’étaient déployées samedi, à bord de blindés, pour réduire la menace des insurgés pro-Ouattara qui les défient depuis des semaines.
En contrebas de la rue, des militaires restent positionnés. Installés sous des arbres, ils ont le visage fermé.
En remontant, on passe entre quelques barricades faites de tables renversées et de pneus, avant d’arriver au carrefour Samankè. Des jeunes à la mine également sévère font le guet, et un peu plus loin des “rebelles” fouillent un véhicule.
“Ca tirait” de 12H00 (locales et GMT) jusqu’en début de soirée samedi, “tout le monde était resté chez soi, ça faisait peur”, indique le jeune homme d’un air las. “Ca va reprendre, c’est pour ça que les gens partent”.
A quelques mètres de là, toute une famille, des femmes et des jeunes gens, embarquent des sacs pleins à craquer à bord de trois taxis avant de s’y engouffrer: ils quittent les lieux sans un mot. Plus loin, un pick-up usé fait route vers la sortie d’Abobo, chargé d’un canapé, de matelas et de valises.
Le climat est lourd. Dans la rue aux immeubles bas et à l’alignement aléatoire, la plupart des échoppes et des “maquis”, ces gargotes typiques d’Abidjan, sont fermés. Les passants sont rares et jettent des regards soupçonneux.
Les badauds ne s’attardent pas lorsqu’ils dépassent un corps étendu dans la poussière. Il est caché par une couverture, à l’exception de ses jambes nues.
C’est un “fou” vivant dans le quartier, un “toc toc”, qui a pris une balle samedi, raconte Koudouss, un garçon d’une vingtaine d’années au milieu d’une bande d’amis. Du doigt il montre les impacts de balles sur des façades toutes proches.
Dans un recoin d’une ruelle adjacente, envahie par les broussailles et les matériaux de construction, un autre cadavre est étendu sur la terre battue.
Coulibaly travaillait dans la menuiserie voisine, “il était avec des gens qui fuyaient, quand les blindés des FDS ont tiré”, affirme un habitant.
“Coul”, comme des jeunes du quartier l’appellent, a été enveloppé avec soin dans des draps. Un paquet de cigarettes encore rempli a été déposé à côté de lui, comme une offrande.
AFP