A Madagascar, la galère quotidienne de la corvée d’eau

0

Comme d’habitude, ils se sont levés avant l’aube. Un à un, ils ont posé leurs bidons au pied de la fontaine. Impeccablement alignés, comme au garde à vous. Pour les porteurs d’eau d’Antananarivo, une nouvelle longue journée d’attente commence.

“L’eau est coupée, je ne peux pas livrer les gens. Les patrons m’appellent pour avoir de l’eau, mais il n’y en a pas. Je n’ai pu livrer que deux bidons, pourtant je me suis levée à 5h ce matin”, rouspète Olivia Hanitriniaina Razafinirina.

Depuis déjà dix ans, la frêle jeune femme, 24 ans, distribue de l’eau dans les bas quartiers de la capitale malgache. Ici comme dans le reste du pays, l’eau potable au robinet est un luxe que seule une infime partie des habitants peut se payer.

Entre pénurie et coupures, Olivia réussit les meilleurs jours à livrer jusqu’à 40 bidons à la seule force de ses bras.

Quand vient son tour, elle remplit ses deux jerricanes de 20 litres à la fontaine, s’enfonce dans le dédale des ruelles pavées du quartier d’Andranomanalina Isotry et les déverse chez les particuliers ou commerçants qui lui ont passé commande.

Pas le temps de s’attarder en chemin, encore moins de discuter avec ses clients. A 500 francs malgaches (3 centimes d’euros) à peine le déplacement, chaque minute est comptée…

Ses meilleures journées, la jeune femme peut espérer gagner l’équivalent d’un peu plus d’un euro. Une misère.

“Ca ne me suffit pas pour vivre car il y a beaucoup d’enfants à nourrir dans mon foyer”, déplore Olivia,”mais il n’y a pas de travail, donc je suis obligée de supporter ça”.

Même payée au lance-pierres, sa corvée d’eau est indispensable.

“Seulement 10% des foyers ont un branchement d’eau chez eux”, constate le chef du quartier, Jean Marc Randriamanga.

“Tous les autres sont obligés de s’approvisionner aux fontaines publiques car il n’y a pas de puits”, ajoute-t-il, “notre problème, c’est qu’il n’y a pas assez de bornes fontaine et que nous sommes trop nombreux, alors il y a toujours la queue”.

– Pas les moyens –

Comme beaucoup d’autres usagers, Mme Ravaoharisoa n’a pas de temps à perdre et confie son ravitaillement à un porteur. Café, thé, jus de fruits et pâte à beignets, sa petit gargote peut “boire” jusqu’à 200 litres d’eau par jour.

“L’idéal pour nous, c’est que chaque foyer ait son branchement d’eau”, admet la tenancière, “mais on n’a pas les moyens”.

Ne reste donc que la fontaine publique. L’eau y est vendue 5 francs le litre. Quelques centièmes de centimes d’euros à peine mais qui pèsent lourdement sur les budgets.

“Le prix est cher compte tenu du pouvoir d’achat de la population ici”, observe M. Randriamanga.

Ces 5 francs servent à payer la société de distribution d’eau et d’électricité de la capitale malgache et les associations chargées d’entretenir et de gérer chacun des points d’eau.

Malgré les fontaines et le travail quotidien des porteurs d’eau, Madagascar est un des pays de la planète les moins bien lotis en matière de distribution d’eau. Selon l’ONG WaterAid, les deux tiers (65%) de sa population rurale n’y ont pas d’accès direct.

“C’est en grande partie parce qu’il y a peu de financement alloué au secteur eau potable”, déplore Lovy Rasolofomanana, de WaterAid. Environ 9 millions de dollars par an, alors qu’il en faudrait 200 millions “pour atteindre l’accès universel”.

Le réchauffement climatique, ses sécheresses récurrentes et la déforestation pèsent aussi de plus en plus sur les ressources en eau du pays, un des plus pauvres de la planète.

publié: le 22-03-2017 par voa

Commentaires via Facebook :