Son portrait est évidemment dans tous les médias tchadiens. « Le président Idriss Déby est mort », affiche sobrement Le Journal du Tchad. « Le Maréchal est mort au combat à l’âge de 69 ans », relate l’article. Il devrait être enterré vendredi « dans l’intimité familiale », chez lui au cimetière d’Amdjarass. C’est ce que prévoit le programme officiel des obsèques, d’ores et déjà établi par le protocole de la présidence et relayé dans le détail par Le journal du Tchad. Vendredi également, « des honneurs militaires seront rendus à la Place de la Nation », dans la capitale Ndjamena.
Les conditions de la transition déjà contestées
La presse tchadienne précise aussi les conditions de la transition qui s’amorce. C’est « un conseil militaire de transition (CMT) » qui est mis en place, dirigé par le fils du défunt président le général Mahamat Idriss Deby, explique Tacha. Et parmi les toutes premières mesures de ce CMT, présentées par Tchad Infos, il y la dissolution immédiate du gouvernement et de l’Assemblée nationale.
« Une transition militaire déjà contestée par les partis politiques », nous apprend Le Journal du Tchad. « Certains demandent que les textes de la république soient respectés. Pour eux, c’est le président de l’Assemblée nationale qui doit assurer la transition », affirme le journal. Levée de bouclier au sein de la société civile également. Sur Tchad Infos, on voit que « la coordination des actions citoyennes appelle la population à opposer un refus catégorique à la prise du pouvoir par la force ». Le Pays nous explique lui que L’ONG Action Humanitaire Africaine « condamne une tentative de succession monarchique ».
Ce décès fait la Une de Walf et de 24h au Sénégal par exemple ou, en Côte d’Ivoire, celle de L’Intelligent d’Abidjan. Au Burkina Faso, L’Observateur Palgaa nous présente « Super Déby » comme le président tchadien était surnommé « pour ses qualités militaires », « de loin le soldat le plus vaillant du G5 Sahel », estime L’Observateur. Mais le journal dépeint dans le même temps le portrait d’un président autoritaire, et celui de son fils, Mahamat Idriss Déby en passe de reproduire le modèle paternel. « Comme le père, abonde Wakat Sera, le fils arrive aux affaires, âgé de 38 ans ! » Le journal burkinabè se demande alors : « L’histoire est-elle en train de se répéter au Tchad ? »
Le regard de la presse internationale
On trouve des articles également dans la presse internationale et certains mots ne sont pas tendres. « La France privée de Déby », titre Libération. Eh oui, « avec la mort du président tchadien, la France perd un allié dans sa guerre au Sahel », estime également Le Figaro. Les deux journaux affichent la photo d’Idriss Déby en Une. Libération évoque « un indéboulonnable président », « un pur produit de l’administration militaire française ».
L’éditorial du Figaro parle même « d’Africanistan » et d’un homme qui a régné « d’une main de fer » pendant 30 ans. Parce qu’il « régnait par népotisme », il était aussi « un allié encombrant », rebondit Libération. Pourtant, les deux titres craignent, paroles de Tchadiens à l’appui, le chaos qui pourrait suivre sa disparition.
En Grande-Bretagne, le Guardian se rappelle aussi d’« un régime de plus en plus autoritaire ». Aux États-Unis, le New York Times se souvient d’Idriss Déby comme « l’un des autocrates les plus enracinés d’Afrique ». Un président « qui ne supportait aucune dissidence » mais le journal, s’inquiète lui aussi pour l’après… Et puis, comme au Burkina Faso, la transition qui s’amorce interpelle le quotidien américain, « parce qu’elle viole la constitution », souligne-t-il. Et pour que les choses soient claires, il relaie ici les paroles d’une spécialiste : « En soi, c’est un coup d’État », affirme-t-elle.
Les circonstances obscures de cette mort
Le New York Times s’interroge par ailleurs sur les circonstances de sa mort. Elles sont « très obscures », à en croire les mots du général Stephen Townsend. Il dirige le commandement américain pour l’Afrique et il a témoigné mardi devant le Congrès à Washington. « Le général Townsend a déclaré qu’une combinaison de forces tchadiennes et françaises a affronté une colonne rebelle, et alors qu’elle semblait se retirer, M. Déby a été tué », rapporte le New York Times. Pas plus de détails. Un diplomate français témoigne anonymement : « Nous ne saurons jamais s’il a été blessé par une balle rebelle ou en tombant simplement de sa voiture de commandement. »
En tout cas, ce décès est une perte pour la France, reconnaît le Times, mais c’est peut-être une erreur que la France s’est finalement « auto-infligée », analyse-t-il. Les experts rappellent en effet qu’« il n’y a pas si longtemps », les rebelles accusés d’avoir tué Idriss Déby combattaient en Libye voisine. Ils combattaient aux côtés du maréchal Haftar, soutenu par Paris. On lui a même apporté « un soutien militaire et diplomatique » souligne le New York Times. Et aujourd’hui, ce sont ces mêmes rebelles qui reviennent de Libye, mais formés et armés. Comme un retour de bâton.