Alors qu’il n’était pas le grand favori de cette élection face au vétéran de l’opposition Kényane Raila ODINGA pour tenir le gouvernail de la Commission de l’Union africaine, entre les mains du diplomate tchadien Mousss Faki Mahamat depuis 2017, l’ancien ministre Djiboutien des Affaires Étrangères Mahmoud Ali Youssouf a surpris tout le monde en arrivant en tête avec 33 voix (2/3 des sièges) devant Raila ODINGA et le malgache Richard Randriamandrato, relégué en troisième position. Que s’est- il passé? Pourquoi et comment la foudroyante artillerie diplomatique Raila ODINGA a raté le coché de décrocher la grosse timbale? Entre intrigues, agacements et arrangements souterrains politico- diplomatiques, Confidentiel Afrique revient en exclusivité sur les coulisses d’une des compétitions les plus convoitées sur fond de jeux d’influence dans la vie de l’organisation continentale. EXCLUSIF
Des mains de poker ont bien tenu le pavé de cette élection qui cristallisait autant d’ambitions. Les tractations par l’entremise des machines diplomatiques déployées ont été longues et commencent à révéler ses secrets. Mahmoud Ali Youssouf (57ans), une des figures emblématiques de la diplomatie djiboutienne et du régime Oumar GUELLEH deux décennies durant, à la tête de ce département stratégique, a surpris son monde. Peu le voyaient au perchoir, même les pronostics ne l’avaient pas coché dans les calepins. Mahmoud Ali Youssouf l’a fait. Il a raflé la mise ( 2/ 3 des sièges) d’une main au poker et devra désormais entamer un mandat de quatre ans, à compter du 15 mars prochain, succédant au Tchadien Moussa Faki Mahamat qui occupait ce poste depuis 2017. Son élection, goupillée au terme d’un septième tour est le fruit de beaucoup de manœuvres au pas feutré en coulisses sur fond de coups de fils téléphoniques et d’arrangements lucides « confidentiels » entre les palais d’Alger et Lusaka (capitale Zambienne) en passant par certaines capitales de l’Afrique occidentale.
Le deal William RUTO du Kenya et Cyril Ramaphosa électrocuté par Washington connection
La machine diplomatique kenyanne visible et dynamique pour porter la candidature du vétéran de l’opposition Raila ODINGA (80 ans) est tombée dans le piège de son extravagance et de son excès de confiance. Perçu comme un gros caillou dans les chaussures du Président Kényan William RUTO, lequel voulait lui chercher un point de chute, loin des pesanteurs de la vie politique kényane et du soufre des gaz lacrymogènes des émeutes populaires à Nairobi, Raila ODINGA a battu campagne avec la forte manière. Des vols privés le transportait d’un pays à l’autre avec un trésor de guerre mobilisé pour les besoins de sa campagne électorale, estimé à un peu moins de 6 millions de dollars selon des informations exclusives parvenues à Confidentiel Afrique. Sa logistique et sa team constituée mises à contribution comptaient faire la différence sur ses adversaires (Mahmoud Ali Youssouf et Richard Randriamandrato) engagés dans la course à la présidence de la Commission de l’Union africaine. Raila ODINGA était sûr de gagner cette compétition, au prix de recruter influenceurs, blogueurs retoudables kenyans, hommes de médias entre autres, pour polir son image. Selon des informations crédibles obtenues par Confidentiel Afrique, sa candidature devenue une question d’honneur était sponsorisée par William RUTO et une poignée d’hommes d’affaires du pays. Ces derniers ont mis à la disposition de ses » supporters » venus des différentes villes du pays des vols commerciaux payés rubis sur ongles à bord de la flotte aérienne Kenya Airways et ont pris leurs quartiers deux jours avant l’élection dans la quasi-totalité des palaces d’Addis. En vérité, le rapprochement manifeste de Raila ODINGA de l’administration américaine a agacé le président sud-africain Cyril Ramaphosa, entré en dissidence d’avec le nouvel etablishment TRUMP et précipité la rupture du « deal » entre Raila ODINGA et Ramaphosa. Ce dernier glisse une source autorisée à Confidentiel Afrique avait donné son accord de soutien au candidat kenyan, avant de prendre ses distances. La machine diplomatique kenyanne a pris de l’eau, suite au faux bond du président Félix Tshisekédi, qui n’a pas pris part aux travaux du 38e Sommet ordinaire de l’Union africaine d’Addis- Ababa. Cette absence n’a pas arrangé les choses, pour désamorcer l’escalade meurtrière politico- militaire qui oppose Kigali à Kinshasa. Félix Tshisekédi, commente une source crédible, avait donné son accord de participation avant la réunion de Munich (Allemagne) au président en exercice sortant Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani. L’homme fort de Nouakchott qui ne désespère pas comptait peser de tout son poids et faire asseoir à la même table les Présidents Paul KAGAMÉ et Félix Tshisekédi, en marge de ce raout des dirigeants africains.
Rabat vote Raila ODINGA qui perd l’Afrique du Nord et une grande partie de l’Afrique Centrale
L’ancien premier ministre Kenyan, excepté le Royaume Chérifien, son principal allié qui a affiché son soutien, n’a pas bénéficié du vote de l’Algérie, de la Libye, de la Tunisie et de l’Égypte qui ont jeté leur dévolu sur le ministre Djiboutien des Affaires Étrangères, Mahmoud Ali Youssouf. Selon nos informations, Alger a joué la carte djiboutienne pour freiner les ardeurs du tandem maroco- kenyan. L’axe Nairobi- Rabat avec l’élection de Raila ODINGA à la tête d’une fonction éminemment politique et stratégique, prendra du coup de l’épaisseur et isolera Alger dans les cercles d’influence de l’organisation. En fin janvier 2017, Rabat avait poussé ses pions et soutenu à grosses turbines la candidature de l’ancien ministre sénégalais Abdoulaye BATHILY, sans succès. Rebelote, Rabat a joué et perdu cette fois- ci avec Raila ODINGA. Alger s’est donc subitement allié au géant sud-africain pour broyer la candidature kenyane. Ce qui explique les manoeuvres souterraines sur l’axe Alger- Johannesburg ces derniers mois. L’Algérie, l’Égypte sont les locomotives dans la région nord du continent africain qui ont poussé la candidature du diplomate djiboutien. Bon nombre de pays de l’Afrique Orientale et Centrale ont voté pour Mahmoud Ali Youssouf comme les Comores, la Tanzanie et le Soudan. Le candidat Kenyan, Raila ODINGA traînait un lourd handicap, celui de son âge avancé et n’avait pas, surtout, la maîtrise des enjeux géopolitiques complexes du moment. Pourtant, il se susurait depuis l’annonce des candidatures qu’il n’était pas un homme des grands « dossiers ».
La discrète machine GHAZOUANI- TEBBOUNE
Selon des informations exclusives obtenues par Confidentiel Afrique à Addis-Abeba, le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani au four et au moulin a aussi tiré les ficelles dans l’ombre. Même si son homologue algérien Abdelmadjid TEBBOUNE n’a pas caché son soutien au candidat djiboutien, du fait de la position du Maroc, le président El-Ghazouani a privilégié la carte des « arrangements souterrains » pour faire élire une forte carapace digne de succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat. Selon nos informations, il a multiplié les bons procédés » diplomatiquement corrects » de sorte que tout se passe bien. Nouackchott a fait dit- on en coulisses, de la « real politik » et a décidé de faire son meilleur choix. Le vote mauritanien n’était pas acquis à Raila ODINGA, selon nos informations sur place à Addis-Abeba.
Selon des sources de Confidentiel Afrique, Madagascar a dû basculer du côté du Djibouti après seulement le 3e tour qui a fait sortir du jeu, son candidat, l’ancien ministre malgache des Affaires Étrangères Richard Randriamandrato. Ce dernier fait les frais d’une rentrée en campagne tardive, mais surtout des hésitations du président Andry Rajoelina sur le choix définitif du candidat de l’archipel. La victoire de Mahmoud Ali Youssouf est considérée comme un coup diplomatique de premier plan pour Djibouti, qui fait son entrée désormais dans la cour des grands pays qui comptent à la face du monde. Raila ODINGA lui, devra raccrocher les crampons et tourner la page de sa longue et haletante carrière politique arrivée à son crépuscule.
Par Ismael AÏDARA, Envoyé Spécial à Addis-Abeba (Confidentiel Afrique)