Le deuxième sommet Afrique-Europe qui vient de se tenir à Lisbonne au Portugal, a réuni 67 chefs d’Etat des deux continents. A cette rencontre tous les projecteurs sont restés braqués sur deux leaders africains, à savoir Robert Mugabé du Zimbabwe et Mouammar Kadhafi de la Libye. Accusé de graves atteintes aux droits de l’homme, le premier est officiellement interdit d’entrée en Europe mais on ne sait par quel miracle il s’est retrouvé à Lisbonne. Robert Mugabé, leader historique de la ZANU (Zimbabwe African National Union), est accusé par les Européens d’avoir exproprié les fermiers blancs de leurs terres au profit des anciens combattants de la guerre d’indépendance et de matraquer l’opposition politique dans son pays. Toutes ces raisons ont valu au Zimbabwe d’être exclu du Commonwealth par la Grande-Bretagne lors du dernier sommet de cette communauté tenu récemment à Kampala en Ouganda.
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Tout cela n’enlève rien au mérite de Robert Mugabé, héros de la lutte pour l’indépendance, qui a lutté de toutes ses forces de concert avec Joshua N’Komo, le chef de la ZAPU (Zimbabwe African People Union) contre le régime raciste de Ian Smith, alors Premier ministre. En 1965, celui-ci avait en effet unilatéralement proclamé l’indépendance de la Rodhésie du nord déclenchant l’ire de la perfide Albien. C’est à l’issue des négociations de Lancaster House à Londres que Big Joe, le chef du Matabeleland et Robert Mugabé réussirent à arracher l’indépendance de la colonie rebelle. Et la Rhodésie devint le Zimbabwe. Devenu vice-président après moult acharnements entre les deux hommes, Joshua N’Komo mourut suivi cette année par Ian Smith. A 87 ans, il est difficile de comprendre pourquoi Mugabé sort les muscles au lieu de construire une nation arc-en-ciel, toute chose qui a réussi à l’Afrique du Sud et qui fait sa prospérité.
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Le second, Mouammar Kadhafi, est le chef de la révolution du 1er septembre 1969 qui a renversé la monarchie du roi Idriss Senoussi 1er. A un certain moment, il se considérait comme le disciple de Nasser et affirmait que l’Egypte est le centre du monde arabe. Assis sur une manne financière importante, due au pétrole, Kadhafi se croyait tout permis lorsqu’il finançait les terroristes de l’IRA. Pire, des agents libyens ont abattu un DC 10 d’UTAH au-dessus du Ténéré au Niger et un avion de la PANAM au-dessus de Lockerbie en Ecosse. Colère de Ronald Reagan qui décide de bombarder en avril 1986 Tripoli et Bengazhi. Kadhafi échappe à l’agression mais son fils adoptif est tué. La Libye figure désormais sur la liste noire des Etats qui soutiennent le terrorisme. Le guide est interdit d’avion.
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Sans doute ramolli par l’impérialisme américain, Kadhafi revient à de meilleurs sentiments.
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Mais c’est pour tout de suite rebondir dans l’escalade verbale. A Lisbonne, il vient de faire une fois de plus la preuve qu’il sera toujours un hôte encombrant. Il a, en effet, demandé le dédommagement des peuples anciennement colonisés et la liberté pour tous les Etats de fabriquer la bombe atomique pour assurer leur propre sécurité. Si la première revendication est une vieille rengaine, s’agissant de la seconde, Kadhafi a pourtant renoncé à fabriquer la «bombe islamique». On comprend dès lors tout l’embarras de ses hôtes portugais au moment où l’Iran est pointé du doigt pour son programme d’enrichissement de l’uranium. Surtout celui de Nicolas Sarkozy celui-là même qui, le premier, doit l’accueillir lors de sa tournée européenne. Le président français a été obligé de monter au créneau pour dire à peu près que le loup est en train de devenir agneau.
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Mais Kadhafi peut-il réellement changer ? C’est la question que tout le monde se pose après qu’il eut créé l’émoi à Bruxelles. En tout cas, avait-il vraiment besoin de jeter de gros pavés dans la mare au moment même où l’Amérique efface la Libye de la liste des «Etats voyous» et que la communauté internationale est en train de lui décerner un brevet de respectabilité ?
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Mamadou Lamine Doumbia
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