Regard sur le passé : Il était une fois le 26 mars …

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Editorial :Que mémoire ne se meure !

Un quart de siècle déjà. Le 26 mars 1991, un coup d’Etat militaire couronnait des journées chaudes, meurtrières, insurrectionnelles dans notre pays. A l’appel de certaines associations (ADEMA, CNID, AJDP, JLD, AMDH, etc.) des dizaines de milliers de citoyens manifestaient, dès le 22 mars, dans les rues de Bamako et ailleurs. Ces associations réclamaient outre le multipartisme, plus de libertés. Les élèves et étudiants n’étaient pas en reste. Le bureau de coordination de leur mouvement, AEEM, dirigé par Oumar Mariko avait de son côté lancé un appel à manifester. La réplique du régime ne se fit pas attendre. L’armée déployée sur le terrain finit par tirer sur les manifestants. Le 23 mars, la Centrale syndicale, UNTM, rentra dans la danse en décrétant une grève. Pendant trois jours, Bamako fut le théâtre d’affrontements sanglants, de pillages, de saccages, etc. Dans la nuit du 25 au 26 mars, un groupe d’Officiers dirigé par le Lieutenant-Colonel Amadou Toumani Touré (ATT), renversa le pouvoir militaro-civil du Général Moussa Traoré (GMT).

Le bilan officiel établi à l’époque était très lourd : cent morts, deux cent, trois cent morts, le décompte a finalement posé des problèmes. Les blessés se comptaient en tout cas par centaines. Et les dégâts matériels se chiffraient en termes de milliards. La junte militaire, Conseil National de réconciliation (CNR) composa avec les associations et l’UNTM pour former un Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP). Un gouvernement est vite formé par M. Soumana Sacko, un Haut fonctionnaire international de notre pays. Les objectifs étaient clairs : remettre au plus vite le pays au travail, organiser la Conférence Nationale jadis réclamée par certaines associations, organiser les premières élections pluralistes du pays.

Les Observateurs sont unanimes. En quatorze petits mois, le Gouvernement de transition honora ses missions.

Puis, la Transition passa le témoin au premier Président de la République démocratiquement élu : M. Alpha Oumar Konaré.

On l’a vu, les premières heures de ce pouvoir ne furent point de tout repos. Il y avait eu une recrudescence du banditisme armé, certains mouvements rebelles touaregs se sentaient marginalisés, des manifestations toujours scolaires et estudiantines, des grèves ça et là.

Le nouveau Chef de l’Etat dut se passer de deux Premiers Ministres avant de tomber sur un certain Ibrahim Boubacar Kéïta, aujourd’hui Chef de l’Etat, pour pouvoir travailler. Ainsi, des chantiers de développement poussèrent de partout. Ecoles, centres de santé, routes, aéroports, commissariats, le pouvoir toucha presque à tout. Et c’est sans conteste que M. Konaré bénéficia d’un second mandat populaire en 1997. Là aussi, les chantiers sont allés crescendo. Avant de quitter le pouvoir, il offrit à son peuple l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations. Cet évènement lui permit de poser encore ses empreintes dans toutes les grandes villes du pays.

En 2002, il passa le témoin à Amadou Toumani Touré, devenu entretemps Général d’Armée, ayant excellé dans l’humanitaire, les missions de paix en Afrique, etc.

Lui, à son tour, multiplia les chantiers. Du pont de Wabaria à Gao en passant par celui de Bamako, le 3ème Pont sur le fleuve Niger, l’hôpital du Mali, la route Bamako-Bougouni-Sikasso, la route Bamako-Kita-Kéniéba, la route Bamako-Ségou, de multiples salles de classes, l’Université de Ségou, Bamako, etc.

Lorsqu’il sollicita un second mandat en 2007, ce fut presque le plébiscite. Tout allait donc au mieux pour ATT jusqu’en fin 2011. Une rébellion armée touarègue finir par donner le tocsin à son pouvoir. Le coup fatal lui fit donné par une junte militaire le 22 mars 2012.

De l’avis de nombreux observateurs, ce fut le coup d’Etat le plus absurde, bête de l’histoire de notre pays. Sous le prétexte fallacieux de l’absence de moyens de combattre la rébellion, mais en réalité poussés par d’obscurs politiciens qui faisaient passer des rumeurs selon lesquelles il briguerait un troisième mandat ou passerait le témoin à son Premier ministre Modibo Sidibé, ces putschistes chassèrent ATT du pouvoir. Et au lieu de défendre leurs positions militaires sur le terrain au Nord, les soldats se replièrent sur Bamako par centaines. Dès lors, tout le pays s’effondra.

Les Maliens ont encore dans leurs têtes tous les malheurs vécus durant cette autre période de transition. Vols, viols, séquestrations, assassinats, entre autres, étaient les actes posés par certains militaires. N’eut été la sagacité du Pr. Dioncounda Traoré, Président intérimaire, le Mali aurait connu de pires choses. Au vu et au su des putschistes, sinon avec leur bénédiction, le Pr. Traoré fut agressé sauvagement au Palais de Koulouba,, siège du pouvoir. Son pardon accordé peu après cette barbarie mérite d’être signalée pour toujours.

Cela dit, cela fait plus de deux ans qu’il a transmis le pouvoir à M. Ibrahim Boubacar Kéïta. C’était exactement en septembre 2013. Depuis cette date, les Maliennes et les Maliens attendent des jours meilleurs. Les promesses tenues tardent à se concrétiser. Le chômage frappe. L’insécurité gagne du terrain. Pire, le pouvoir ne contrôle plus la région de Kidal. Malgré un énième Accord de paix, les armes crépitaient par endroits.

La question est aujourd’hui de savoir ce qu’il faudrait retenir du 26 mars 1991. Primo, l’évènement a consacré l’ouverture démocratique dans le pays. Le pluralisme politique et syndical est désormais une réalité. Les libertés sont consacrées par la loi fondamentale.

Secundo, l’Armée qui faisait office de police dans le maintien d’ordre sait également son rôle et sa place dans le pays. Ces points constituaient les principales revendications populaires. Vingt-cinq ans après, les attentes sont énormes. S’il est vrai qu’aux premières heures de la chute de Moussa Traoré, le Gouvernement Soumana Sacko avait pris des mesures d’amélioration des conditions de vie et de travail des Maliens (bourses, salaires et soldes majorés), avec le temps, le désespoir et le regret se lisent sur les visages. Pour bien de raisons !

B.Koné

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