En avril 2010, le Comité d’Appui aux Reformes Institutionnelles (CARI) a remis son rapport au chef de l’Etat et garant de la Constitution. Après un an au fond des tiroirs, le dossier refait surface, avec force. Le président de la République veut que tout soit fini avant novembre 2011. Pourquoi ce soudain regain d’attention, ce forcing ? Un accouchement au forceps juste pour le plaisir de passer pour un réformateur. Que reproche-t-il au juste à son « bébé » de 1992 auquel il avait promis immunité et intégrité ?
L’ancien président de l’Assemblée nationale, le Pr Aly Nouhoum Diallo est la seule grosse pointure de la vie politique malienne qui répète sans arrêt que ce n’est pas en fin de mandat que l’on change les règles du jeu, surtout quand il s’agit de la loi fondamentale, la Constitution de la République du Mali adoptée le 25 février 1992. Il demande simplement au chef de l’Etat de laisser cette tâche à son successeur. De manière globale, les autres leaders politiques sont partagés entre la prudence et la retenue. Ils veulent d’abord voir le contenu du texte qui sera déposé devant le bureau de l’Assemblée nationale avant de se prononcer.
Alors, faut-il avoir peur de la volonté du président de la République de forcer le passage, le temps et les critiques pour avaliser ses reformes ? Il n’est pas ici question de douter de la bonne foi du locataire de Koulouba ou de lui faire un procès en sorcellerie. Cependant, certaines choses obligent les observateurs à s’interroger plus profondément sur ce soudain retour en force du dossier. Et accessoirement, les changements d’avis d’Amadou Toumani Touré déstabilisent ou laissent perplexes. Il avait avoué que l’actuel fichier électoral est mauvais et sujet à contestation puis, la semaine dernière, il a trouvé que la base de données qui a servi à élire présidents et députés ne pouvait être pourrie, il suffit de la toiletter). La nettoyer au Karcher peut-être.
Le chef du parti PIDS, Daba Diawara, a été le président du CARI qui aurait consulté toutes les couches socioprofessionnelles et leaders d’opinion du pays. Il est actuellement ministre de la Reforme de l’Etat. Il a pondu un document présenté au Conseil des ministres du 27 avril. Il s’agit d’une « communication verbale » donc non insérée dans le communiqué officiel. L’objet de cette note est ainsi libellé : « Proposition pour la mise en œuvre de reformes politiques pour la consolidation de la démocratie. »
Il expose, grosse modo, une stratégie en quatre axes pour convaincre les Maliennes et Maliens de l’urgence et du besoin de procéder à ces reformes institutionnelles. Ces étapes se déclinent comme suit : « L’organisation d’une bonne communication pour faire connaître et accepter le projet de reformes politiques, notamment le projet de loi portant révision de la Constitution ; la mise en œuvre d’une procédure d’adoption des textes favorisant la sauvegarde de la cohérence d’ensemble du projet ; un aménagement de la procédure d’adoption prenant le plus grand compte du facteur temps ; l’accompagnement de la mise en place des nouvelles institutions. »
S’ensuit un long exposé sur les techniques de communication mettant en exergue les médias d’Etat, la presse privée, les médiateurs traditionnels. Il est d’ailleurs question que le chef de l’Etat en personne monte au créneau pour persuader les sceptiques. Pour accélérer le pas, il est proposé la convocation d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale le 05 juillet 2011. Et dès que le texte sera adopté par les élus, il sera soumis au référendum. « Dès la promulgation de la loi de révision, les textes organiques ainsi que la loi fixant le mode d’élection des députés seront programmés pour le travail gouvernemental et déposés sur le bureau de l’Assemblée » dit le document.
Cependant, le ministre Diawara s’entoure de précautions. Il parle de « principale contrainte » qui pourrait tout bloquer. Il s’agit de l’article 02 du Protocole A/SPI/12/01 de la CEDEAO. Cet article dit : «1. Aucune reforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. 2. Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates et périodes fixées par la Constitution et les lois électorales… »
Le ministre propose que la révision de la Constitution soit promulguée en mi-octobre 2011 au plus tard et le premier tour de la présidentielle ait lieu après le 15 avril 2012 (sans précision de date) le Code électoral en vigueur avant la fin de novembre 2011. Mais le ministre pense que le consentement de tous sera obtenu, la preuve « la composition du Gouvernement » actuel et dans ce cas « il n’y aurait de date butoir ni pour la promulgation de la loi de révision constitutionnelle ni pour l’entrée en vigueur du Code électoral. Pour les autres reformes, un tel souci n’existe pas ».
Dans aucune partie du document l’urgence et le besoin de chamboulement ne sont expliqués. Alors, la question taraude les esprits : Pourquoi ce forcing ? Que cache ce désir farouche de réviser la Constitution pour un partant ?
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