La Cour constitutionnelle du Mali paraît plus « royale » que constitutionnelle. Elle n’a jamais autant mieux mérité l’écriteau démocratiquement peu flatteur de « Palais de la Cour constitutionnelle » au fronton de l’édifice de son siège à l’ACI Hamdallaye. Et pour cause : elle ne fournit plus que des réponses purement politiques, voire politiciennes, aux questions juridiques d’ordre constitutionnel qui lui sont posées. A l’image de l’interprétation qu’elle vient de donner du Protocole de la CEDEAO dans l’Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016, une interprétation si erronée et grotesque qu’elle ne peut que participer de cette logique de politisation. Telle est l’avis du constitutionnaliste, Dr Brahima Fomba qui développe ici les preuves.
Sans égard pour la logique juridique, la Cour constitutionnel du Mali ne fournit plus que des réponses purement politiques voire politiciennes aux questions juridiques d’ordre constitutionnel qui lui sont posées. Au fil de ses Arrêts pour la plupart simplement revêtus de costume juridique grossièrement taillé, elle ne cesse d’étaler au grand jour sa politisation rampante et son inféodation au pouvoir en place. L’interprétation qu’elle vient de donner du Protocole de la CEDEAO dans l’Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016 est si erronée et grotesque qu’elle ne peut que participer de cette logique de politisation. Nous avions pourtant secrètement nourri l’espoir de nous tromper en écrivant dans l’une de nos publications, datée d’avril 2016, que « l’épanouissement du contrôle de constitutionnalité des lois au Mali se heurte à des difficultés complexes qui mettent en évidence les défis énormes à développer une justice constitutionnelle soustraite aux contingences politiques et d’allégeance ». Peine perdue ! A l’examen des deux arrêts qui nous ont été servis jusque-là (Arrêt n°2016-05/CC du 05 mai 2016 et Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016), force est de reconnaitre que la Cour constitutionnelle du Mali paraît plus « royale » que constitutionnelle. Elle n’a jamais autant mieux mérité l’écriteau démocratiquement peu flatteur de « Palais de la Cour constitutionnelle » au fronton de l’édifice de son siège à l’ACI Hamdallaye. Comme ce fut le cas de son scandaleux Arrêt n°2016-05/CC du 05 mai 2016 sur le Code des collectivités territoriales qui a donné un blanc-seing au gouvernement au mépris de la Constitution du Mali, l’Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016 témoigne une fois de plus et de la manière la plus éloquente, de la même tendance de la Cour constitutionnelle à cautionner les tripatouillages juridiques du gouvernement, quitte à tordre le cou y compris au Protocole de la CEDEAO sur lequel nous focaliserons cette analyse, en attendant d’éventrer très prochainement d’autres incongruités juridiques de cet Arrêt n°2016-12/CC. Relativement au Protocole de la CEDEAO, les arguties développées dans l’Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016 pour valider la loi n°16-49/AN-RM du 23 septembre 2016 portant loi électorale ne sont tout simplement pas à la hauteur de ce qu’un Etat de Droit est en droit d’attendre d’une telle institution.
LES GRIEFS DE L’OPPOSITION
Le Protocole de la CEDEAO en cause est le Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité. Ce protocole ratifié par le Mali (loi n°02-062 du 17 octobre 2002) et entré en vigueur le 20 février 2008, stipule à l’alinéa 1er de son article 2 : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques… ». Au regard de cette obligation internationale du Mali, la convocation du collège électoral pour des élections communales prévues pour le 20 novembre 2016 en même temps qu’une procédure de relecture de la loi électorale met naturellement notre pays en mauvaise posture. Même en ne prenant en compte que le 15 juin 2016, date d’adoption du projet de loi électorale en Conseil des ministres, le gouvernement n’échappe pas à la prohibition communautaire dans la mesure où entre le 15 juin 2016 et le jour du scrutin communal fixé au 20 novembre 2016, nous sommes déjà à cinq (5) mois, donc en deçà du délai minimum de 6 mois fixé par le Protocole de la CEDEAO.
L’opposition s’est appuyée sur cette même ligne argumentaire en faisant prévaloir que même si le décret n°2016-0620/P-RM du 16 août 2016 convoquant le collège électoral des communales du 20 novembre prochain se fonde bien sur la loi électorale n°06-044 du 4septembre 2006 en vigueur, le gouvernement « entend, évidemment, faire appliquer la loi querellée lors de cette élection… ».Du coup, elle en déduit que l’adoption de la nouvelle loi électorale survenue le 09 septembre 2016, soit deux(02) mois seulement avant le scrutin communal du 20 novembre 2016, n’est pas conforme à l’article 2 du Protocole de la CEDEAO.
En relation avec cette violation, la requête de l’opposition rappelle l’article 116 de la Constitution selon lequel « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois…… ».
L’opposition soulève également la violation de l’article 2 du Protocole de la CEDEAO pour défaut de « consentement d’une large majorité des acteurs politiques » lors de l’adoption de la nouvelle loi électorale. Pour attester ce déficit de consentement, la requête de l’opposition se contente tout simplement de renvoyer à la notification au ministre chargé de l’Administration Territoriale par l’entremise de son Chef de file, de la déclaration du 12 avril 2016 annonçant son retrait du Cadre de concertation entre le ministère et les Présidents des partis politiques.
LES CONTRE-ARGUMENTS DU GOUVERNEMENT
Face aux prétentions de l’opposition relatives au Protocole de la CEDEAO, le gouvernement a fait feu de tout bois, donnant parfois une impression de tâtonnement. Il sollicite tous azimuts la Cour à la fois pour se déclarer incompétente et pour rejeter la requête de l’opposition comme mal fondée. Il se fonde pour ce faire d’une part sur une vieille jurisprudence du Conseil constitutionnel français et d’autre part sur le caractère largement consensuel à ses yeux, de l’adoption de la nouvelle loi électorale en conformité avec le Protocole de la CEDEAO.
S’agissant du moyen de défense tiré de l’incompétence de la Cour constitutionnelle, le gouvernement tente de démontrer que la requête de l’opposition vise non pas le contrôle de constitutionnalité de la loi querellée, mais plutôt son contrôle de conventionalité, dans la mesure où il est demandé à la Cour de vérifier la conformité de la loi électorale à un instrument international qui est le Protocole de la CEDEAO. Or, comme le soutient le gouvernement, la primauté des traités et accords internationaux sur les lois est liée à des conditionnalités dont l’opposition n’apporte pas la preuve, tenant notamment à la régularité de leur ratification ou approbation, leur publication et leur application réciproque par les parties. Pour les besoins de la cause, le gouvernement va jusqu’à exhumer la vieille jurisprudence de la Décision n° 74-54 DC/IVG du 15 janvier 1975 du Conseil constitutionnel français, déclinatoire de sa compétence au motif qu’« il ne lui appartient, lorsqu’il est saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ou d’un accord international ». A titre de rappel, cette décision faisait suite à la saisine du Conseil constitutionnel en vertu du contrôle de constitutionnalité de la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse considérée comme contraire à l’article 2 de la Convention européenne des Droits de l’homme.
Un autre moyen de défense est développé par le gouvernement : celui sollicitant la Cour pour déclarer la requête de l’opposition mal fondée au motif que « la nouvelle loi électorale a bel et bien fait l’objet du consentement d’une large majorité des acteurs politiques » conformément au Protocole de la CEDEAO. Soutenant que cette nouvelle loi électorale est le fruit d’un processus ouvert et participatif en vue d’obtenir l’adhésion d’une large majorité de la classe politique, il égrène les actions et activités témoignant de ses nombreux efforts en vue de parvenir à « une loi qui répond au mieux aux attentes variées et souvent contradictoires des acteurs politiques » : Réunion du Cadre de concertation ministre de l’administration territoriale/Présidents de partis politiques en vue d’avoir la même compréhension des modalités de mise en œuvre de l’Accor d’Alger ; création du Comité de relecture de la loi électorale dont les résultats des travaux ont été approuvés par le Cadre de concertation ; adoption des résultats des travaux du Comité de relecture ; audition de personnes ressources à l’Assemblée nationale par la Commission des lois constitutionnelle dont des experts membres de l’opposition ; adoption de la loi électorale à une large majorité favorable de 78 député, contre 28 députés opposés ne constituant que 19,04% des 147 députés composant l’Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, le gouvernement considère que le grief d’absence de large majorité ne saurait être retenu, d’autant, précise-t-il, qu’il ne dispose pas d’instruments juridiques pertinentes lui permettant de contraindre un parti politique ou un groupement de partis politiques à contribuer à un processus législatif.
LA COUR SE DECLARE COMPETENTE
De l’analyse de l’Arrêt, il apparaît que la démarche de la Cour semble avoir cinsisté dans une première étape à occulter au maximum les traits saillants de sa manipulation politique. Elle va pour ce faire, se positionner en institution neutre et sans parti pris qui n’hésite pas à balayer d’un revers de main, presque sans ménagement, la vieille jurisprudence de la Décision n° 74-54 DC/IVG du 15 janvier 1975 du Conseil constitutionnel français exhumée et exhibée par le gouvernement.
Au cours de cette première étape d’hypocrisie argumentaire, la Cour constitutionnelle se refuse de suivre le gouvernement en invoquant « l’extrême antériorité » de cette jurisprudence qui selon elle, « est intervenue dans un domaine où le droit connaît une constante profusion évolutive… ». L’apport majeur de la Décision n° 74-54 DC/IVG du 15 janvier 1975 a consisté à considérer que le contrôle du principe de suprématie du traité sur la loi devait trouver sa solution, non dans une appréciation du juge constitutionnel sur la validité de la loi soumise à son examen, mais au stade de son application ultérieure par les juridictions compétentes. De manière polie, la Cour constitutionnelle va signifier au gouvernement que cette jurisprudence est surannée et qu’elle ne peut aucunement prospérer dans le cas d’espèce.
Il est vrai que la jurisprudence de la Décision n° 74-54 DC/IVG du 15 janvier 1975 dont les arguments avaient d’ailleurs été pour l’essentiel démantelés par la doctrine, ne tient plus la route notamment dans un contexte de construction communautaire ouest-africaines dont les ambitions supranationales sont clairement affirmées. Et la Cour de conclure « Qu’en effet, à la différence des accords et engagements internationaux classiques, bien souvent dépourvus de caractère contraignant et comportant généralement une clause, textuelle ou présumée, de réciprocité, les actes procédant du droit communautaire sont, par principe, revêtus d’une obligation d’application sur le territoire de la communauté concernée dès leur approbation et publication faite conformément au droit interne des Etats membres ; Qu’ainsi, ces derniers ont-ils vocation à faire bloc de constitutionnalité avec les textes de l’ordonnancement juridique ». C’est sur cette base que la Cour va se déclarer compétente pour vérifier « l’effectivité de la prise en compte des actes procédant du droit communautaire dans l’élaboration au plan interne, de textes régissant la même matière qu’ils sont censés avoir normalisée ». A travers cette tournure quelque peu laborieuse voire confuse, la Cour se déclare compétente pour contrôler la « conventionalité » de la loi électorale au regard du Protocole de la CEDEAO qu’elle considère comme faisant partie intégrante du bloc de constitutionnalité dans notre pays.
Cependant si la Cour se déclare compétente, on se rend bien compte qu’elle a manqué de courage pour assumer son indépendance en se prononçant dans le sens de l’annulation de la loi électorale soumise à son appréciation. En particulier, elle s’est abstenue- sans doute à cause de son inféodation au pouvoir politique qui avait grand besoin de sa loi électorale-de tirer la conséquence logique de toute analyse objective de cette loi électorale au regard du Protocole de la CEDEAO. Logiquement, une telle analyse ne pouvait qu’aboutir au constat qu’une réforme substantielle de la loi électorale est effectivement intervenue à moins de deux mois des élections communales, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques maliens.
LA COUR PRIVE D’EFFET LE DELAI PROHIBITIF DE LA CEDEAO
Examinée sous l’angle du Protocole, la Cour ne retient en définitive de la loi électorale que la substantialité de la reforme qu’elle implique, les deux autres conditionnalités de l’article 2 faisant l’objet de réserves plus ou moins explicites de sa part, dans des conditions argumentaires douteuses. C’est ainsi qu’en référence à la conditionnalité du délai prohibitif des « six mois précédant les élections », la Cour déclare par une formule évasive que « s’agissant, au regard du titre, d’une nouvelle loi votée, de surcroît non promulguée, son application immédiate redoutée par les requérants ne se déduit d’aucun élément matériel ou juridique vérifiable versé au dossier ».Elle répondait ainsi à l’opposition selon laquelle « l’adoption de cette loi électorale, survenue le 9 septembre 2016, soit deux mois seulement avant le scrutin viole l’article 2 du Protocole de la CEDEAO…. ». Si la Cour a voulu suggérer par-là que le projet de loi ne tombe pas sous le coup de l‘article 2 du Protocole prohibant toute réforme substantielle dans les six mois précédant les élections, elle ne peut être prise au sérieux et suivie sur cette voie. Une telle position heurte le bon sens, car bien que le Décret n°2016-0620/P-RM du 16 août 2016 ait convoqué le collège électoral sur la base de l’ancienne loi n°044- du 4 septembre 2006, nul ne peut sérieusement contester la ferme intention du gouvernement de faire profiter les communales du 20 novembre 2016 de certaines innovations contenues dans la nouvelle loi électorale. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le projet de loi électorale précipitamment adoptée au Conseil des ministres du 15 juin 2016 et aussitôt soumise à une session extraordinaire improvisée de l’Assemblée nationale. L’engagement quasi simultané de la relecture de la loi électorale et du processus électoral des communales ne peut aucunement être considéré comme fortuit. La Cour a beau s’évertuer à déconnecter la relecture de la loi électorale du processus électoral du 20 novembre 2016, elle ne convainc personne dans cette tentative désespérée dont le but à peine voilé est de disculper le gouvernement quant au non-respect de la conditionnalité du délai prohibitif des « six mois précédant les élections ». L’argument développé par la Cour selon lequel « l’application immédiate redoutée par les requérants ne se déduit d’aucun élément matériel ou juridique vérifiable versé au dossier » est purement fantaisiste et ne repose sur aucun élément juridique sérieux. Comment la Cour constitutionnelle peut-elle asseoir une telle affirmation sur le fait qu’il s’agirait d’une « nouvelle loi votée et de surcroît non promulguée » ? Voudrait-elle suggérer la promulgation préalable de la loi avant de trancher sur la question de son applicabilité alors même qu’à cette étape il n’y a plus de contrôle de constitutionnalité possible au Mali ? Ces interrogations confortent le caractère farfelu de cette argumentation dont la conséquence inadmissible est de priver de tout effet, la conditionnalité du délai prohibitif des « six mois précédant les élections » prescrit par le Protocole de la CEDEAO, puisse qu’on ne pourrait en aucun cas, « s’agissant d’une nouvelle loi votée et de surcroît non promulguée » se prononcer sur le délai entre la réforme d’une loi électorale et l’organisation d’une élection. La Cour avait l’obligation de confirmer, comme cela était déductible de nombreux éléments matériels et juridiques du dossier, que le délai qui séparait la relecture de la tenue des élections communales tombait sous le coup de l’article 2 du Protocole de la CEDEAO.
LA COUR INVENTE DE TOUTE PIECE UN CONSENTEMENT MAJORITAIRE IMAGINAIRE DES ACTEURS POLITIQUES
Avec une légèreté qui ne peut objectivement s’expliquer que par l’engagement servile de la Cour constitutionnelle à octroyer au gouvernement sa loi électorale, l’Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016 déclare que « s’agissant du grief de défaut de consentement largement majoritaire des acteurs politiques à l’avènement de la loi, l’analyse des pièces du dossier atteste indéniablement le contraire ». Selon la Cour qui, en l’occurrence, a préféré troquer le peu de droit dont elle se prévaut, contre les arguments décousus du gouvernement, la conditionnalité du « consentement d’une large majorité des acteurs politiques » a été respectée lors de l’adoption de la loi électorale. Ainsi, à travers un pathétique exercice de démonstration, la Cour va se faire la porte-parole du gouvernement en reprenant littéralement l’ensemble de ses argumentations. Il est vrai qu’en se focalisant sur son retrait du Cadre de concertation pour convaincre la Cour de l’absence de « consentement largement majoritaire des acteurs politiques », celle-ci va au contraire se servir de cet argument pour combattre l’opposition en déclarant qu’elle « ne donne aucune indication proportionnelle du nombre des partis politiques qui se sont alors retirés du processus participatif d’élaboration de la loi sur celui total de partis politiques qui comptait le pays au même moment ». Au contraire, la Cour va magnifier la volonté de participation chez le gouvernement à travers son dossier jugé comme « recelant suffisamment de détails sur le processus participatif et la diversité des acteurs y impliqués ». Ces « détails » qui, en réalité, n’ont rien à voir avec l’obligation de consentement du Protocole de la CEDEAO et que la Cour ne se gêne même pas de reprendre à son compte, renvoient aux moyens de défense suivants développés par le gouvernement : création du Comité de relecture de la loi électorale, lettres d’invitations aux partis politiques pour la désignation de leurs représentants au sein du Comité, approbation préliminaire de l’avant-projet de loi électorale par le Cadre de concertation, adoption de la loi à une majorité de 78 voix favorables contre 28 opposées et zéro abstention, etc. La Cour pousse le ridicule jusqu’à s’accrocher à de simples propos verbaux d’un ministre ainsi qu’au chiffre des 63 personnes ressources ayant défilé devant la Commission des Lois constitutionnelles de l’Assemblée nationale. En réalité, toute cette argumentation gouvernementale reproduite ici par la Cour constitutionnelle sans aucun apport juridique propre de sa part, ne respecte ni la lettre, ni l’esprit du Protocole de la CEDEAO. L’exigence de « consentement d’une large majorité des acteurs politiques » telle qu’elle résulte du Protocole exige du gouvernement non pas une obligation de moyens tels qu’égrenés par la Cour, mais plutôt une obligation de résultat, à savoir le consentement final d’une large majorité des acteurs politiques qu’il doit nécessairement obtenir. En d’autres termes, le processus participatif en lui-même importe moins que l’objectif visé par la CEDEAO qui est d’obtenir effectivement le consentement d’une « large majorité des acteurs politiques ». Pour être encore plus précis, aux Etats membres qui entendent procéder à une modification substantielle de leur loi électorale dans les six (6) mois précédant les élections, la CEDEAO impose de s’assurer d’obtenir le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ou de renoncer à cette relecture. A cet égard, plutôt que de ramasser de droite à gauche les arguties gouvernementales qu’elle considère comme « recelant suffisamment de détails sur le processus participatif », la Cour constitutionnelle aurait dû s’attacher directement à examiner de manière approfondie et objective, les conditions réelles d’adoption de la loi électorale en considération du Protocole de la CEDEAO. Au regard de la conditionnalité de consentement d’une large majorité des acteurs politiques, le rejet par la Cour du grief de défaut de consentement largement majoritaire des acteurs politiques qu’elle déclare ne pouvoir accueillir s’avère une véritable imposture juridique.
L’on se demande à quel « large consentement majoritaire » la Cour constitutionnelle se réfère -t-elle : celle de la seule majorité présidentielle pléthorique, mécaniquement et docilement acquise d’office à tout projet de loi gouvernemental où celle impliquant à la fois la majorité présidentielle docile et mécanique et une frange significative de l’opposition? Il est évident qu’au sens du Protocole de la CEDEAO, la condition du consentement d’une large majorité des acteurs politique ne peut s’apprécier en se bornant uniquement à comptabiliser les soi-disant 78% de votes favorables de la majorité présidentielle hétéroclite qui soutient mécaniquement le gouvernement. Dans l’esprit du Protocole, le consentement de la large majorité des acteurs politique n’est acquis qu’à la condition que l’opposition ou du moins sa frange importante, soit favorable au vote du projet de loi électorale. Les 28 voix contre le projet de loi électorale adopté le 9 septembre 2016 où toute l’opposition se retrouve, sont le signe le plus évident de l’absence de consentement largement majoritaire des acteurs politiques, de nature à amener la Cour constitutionnelle à annuler la loi n°16-49/AN-RM portant loi électorale pour violation du Protocole de la CEDEAO. La jurisprudence boiteuse de l’Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016 ne doit pas faire école.
Dr Brahima FOMBA
Chargé de Cours à Université des Sciences Juridiques
et Politiques de Bamako(USJP)