La censure en vue ! Serons-nous tenter de dire. Quand un ministre de la République s’oppose à un exercice démocratique, il y a péril à la demeure. Dans une communication au contenu à la fois bidon, imprécis, le ministre chargé des relations avec les institutions, Mme Diarra Raky Talla a surpris les démocrates et tous ceux qui défendent la liberté d’expression chèrement acquise par les maliens. Et pour cause, dans sa communication publiée au cours de la semaine passée, elle évoque des déclarations faites par des personnalités politiques sans préciser la nature des déclarations, encore moins les noms des personnalités incriminées. C’est un manque de courage de la part de la bonne dame. Sa communication est ambiguë sur plusieurs registres. D’où de nombreuses interrogations.
Le président de la République, IBK, son Premier ministre, Modibo Keïta, ainsi que les autres membres du gouvernement, puisqu’on parle le plus souvent de solidarité gouvernementale, sont-ils au courant de l’initiative de pondre une communication ? La communication en question a-t-elle été bien mûrie ? A-t-elle été publiée pour rappeler l’existence d’un département qui sommeille ? De toutes les façons, la communication de Mme Diarra Raky Talla a mis le feu aux poudres. Elle a réveillé les vieux démons. On aurait pu assister à l’accalmie sur la scène politique après un week-end mouvementé par une marche et un meeting. Mais hélas !
La communication de Mme la ministre est muette. Elle devrait aller dans le fonds et nous expliquer « les déclarations dévêtues de tout respect à l’endroit des Institutions de la République, en l’occurrence le Président de la République et le Gouvernement ainsi que les personnalités politiques qui les ont tenues. Sans quoi, elle est dénuée de sens et est passée à côté des préoccupations réelles. Cette communication encore une fois n’a ni queue ni tête, ou alors, on doit se demander si nous ne sommes pas revenus sur les sentiers des deux premiers régimes du Mali indépendant à savoir la chasse à tous ceux qui contredisent le pouvoir?
On ne sait plus où va le Mali? Il faut que les personnes qui incarnent l’État comprennent que nous ne sommes plus dans la dictature qui rappelle les années sombres du régime de l’UDPM. Les tenants du pouvoir actuel ne supportent pas la critique. Et comme l’État tend vers une République bananière, n’importe quel proche du pouvoir passe par les appareils de l’État pour défendre ses intérêts. Il faut dire aussi qu’un remaniement étant en vue, certains ministres sachant bien qu’ils ne seront pas reconduits doivent se mettre au-devant de la scène pour être vus par le patron perché haut. Ce dernier préfère écouter leurs paroles mielleuses plutôt que celles de son peuple en agonie.
Précisément, la présente communication a été pondue en réaction à quels propos? Et d’ailleurs si le président de la République et son gouvernement sont incompétents. S’ils montrent des signes de faiblesse, des défaillances dans la gestion des affaires du pays, l’opposition est dans son rôle pour les rappeler à l’ordre. Les responsables de l’opposition doivent dénoncer et dire haut et fort les errances du régime. Et cela dans le respect des principes édictés par la Loi Fondamentale du pays. Les autorités actuelles apparemment n’aiment pas la critique, tous les observateurs avertis le savent. Or, il y a de quoi. Il y a matière à critiquer. Qui ne sait pas que le Mali d’aujourd’hui est conduit et géré par une famille, un clan, un réseau. En plus de la présidence de la République où tout passe par les proches d’IBK, sa femme, Mme Keïta Aminata Maïga, son fils Karim Keïta, la femme de ce dernier qui est en passe de finir avec les sous du FAFPA avec des projets de formation montées de toutes pièces mais pas exécutées, c’est les cas du président de l’Assemblée Nationale, Issiaka Sidibé et celui du président Conseil économique, social et culturel, Boulkassoum Haïdara, non moins président par intérim du RPM qui irritent. Ces deux personnalités proches du pouvoir gèrent leur institution respective comme leur propre famille. Les marchés, les commandes, les services de restauration, la gestion de leurs déplacements tout est géré par les membres de leur famille (filles, fils, cousins, parents proches etc.). Il y a de quoi disions-nous. Qui ne sait pas que les marchés d’équipements de l’armée ont fait l’objet de surfacturation, qui ne sait pas que l’avion présidentiel a été acquis dans les conditions opaques. Jusqu’ici personne ne connaît son coût réel. Et les marchés des 1.000 tracteurs destinés aux paysans, l’introduction sur le sol malien des engrais de très mauvaise qualité. La liste des scandales n’est pas exhaustive.
Une communication qui enfle la polémique sur la tentative de museler l’opposition
On appelle cette communication du ministre chargé des relations avec les Institutions un appel à la censure. Pendant que les responsables de l’opposition politique montent aux créneaux pour dénoncer la censure au niveau de l’Ortm, le média d’Etat, c’est au même moment que le ministre chargé des relations avec les institutions met les pieds dans les plats avec une initiative similaire dont la finalité consiste à intimider et à empêcher l’opposition de critiquer. Peine perdue. Ignore-t-elle l’article 10 du statut de l’opposition qui dit ceci : « Il est reconnu aux partis de l’opposition politique le droit de s’exprimer publiquement. Ils ont accès aux médias d’Etat au titre que les partis politiques de la majorité.
Ainsi, cette communication va indéniablement rajouter à la polémique. Elle ne permet pas d’apaiser la tension sur le plan politique. C’est une sortie hasardeuse et inappropriée. Quel gouvernement incompétent ? Le président de la République, le Premier ministre sont-ils au courant de cette communication. Ont-ils donné leur caution. Où est passé le porte-parole du gouvernement qui a l’habitude de faire de la poésie pour dénoncer les sorties de l’opposition. L’incompétence de Mme Diarra Raky Talla, ministre chargé des relations avec les institutions vient d’être exposée à la place.
Sa communication vient s’ajoute sur la longue liste des sorties hasardeuse des membres du gouvernement sur certaines questions d’intérêt national. Si elle a eu la caution des plus hautes autorités, cela suppose que les messages véhiculés par l’opposition ont du répondant. La marche a réussie, la mobilisation a été à la hauteur. Le gouvernement à travers cette communication a donné raison à l’opposition. Ça veut dire que les autorités ont bien entendu les messages des opposants. Sinon, il n’y a pas lieu de paniquer. Il n’y a pas lieu de s’emporter. En pareille circonstance, il fallait faire profil bas. C’est-à-dire le chien aboie la caravane pas. Mais hélas !
Des précédents fâcheux au sein du gouvernement
Décidément certains membres du gouvernement ont des problèmes avec leur langue. De sérieux problèmes de communication entravent l’atteinte des objectifs assignés à l’équipe de Modibo Keïta. Le mensonge est placé au cœur de la communication gouvernementale. Ce qui déconnecte IBK de la réalité et le coupe de ce que vivent réellement les maliens. Tétanisé par la marche de la semaine dernière, le pouvoir choisit la fuite en avant au lieu d’écouter et de décrypter les messages.
Les sorties irréfléchies et pas coordonnées sont très courantes. D’abord, c’était Mahamane Baby, ministre de l’Emploi, de la Formation Professionnelle, de la Jeunesse et de la Construction Citoyenne qui disait qu’IBK, son mentor ne connaissait Tomi ni d’Adam ni d’Eve. La suite, on la connaît. IBK a dit que Tomi est son frère et à titre de rappel, ces deux hommes se connaissent depuis des années. Ensuite, c’est Choguel K. Maïga, ministre, porte-parole du gouvernement lequel a disparu des écrans radars qui venait nous faire de la poésie. Avec son célèbre refrain : « Quand le soleil se lève…….. ». Enfin, c’était le tour de Mahamadou Camara, ancien chef de cabinet du président de la République et ancien ministre de traiter tous les maliens d’aigris. Le dernier événement en date, est celui de la communication bidon de l’incompétente ministre chargé des relations avec les institutions, Mme Diarra Raky Talla qui, faut-il le rappeler, doit son poste au parti l’UM-RDA, Faso-Jigi dont le président est Bocar Moussa Diarra qui a fait allégeance à IBK depuis les premières heures des élections de 2013. Aussi, en guise de rappel, c’est Bocar Moussa Diarra, alors ministre de l’Education Nationale, qui exposé à la face du monde le vrai visage de sa carence lors d’un débat télévision entre lui le secrétaire général de l’UNTM, Ben Barka. Que voulez-vous ?
L’opposition politique dans son rôle
Dans la loi N° 2015-007 du 04 mars 2015 portant statut de l’opposition politique, chapitre II concernant les droits et devoirs de l’opposition politique, section 1 relative aux droits, l’article 10 dit ceci : « Il est reconnu aux partis de l’opposition politique le droit de s’exprimer publiquement. Ils ont accès aux médias d’Etat au titre que les partis politiques de la majorité. »… La section 2 concernant les devoirs, l’article 11 stipule : « Sans préjudice des dispositions de la loi portant charte des partis politiques, les partis politiques de l’opposition agissent en tout lieu et en toute circonstance dans le respect de la constitution, des lois et règlements de la République. A cet effet, ils : respectent les autorités légalement établies ; œuvrent à l’instauration d’une culture démocratique par l’information, la formation et l’éducation des citoyens ; veuillent au respect des principes de la souveraineté, de l’intégrité du territoire, de la forme républicaine de l’Etat, de l’unité nationale et de la laïcité de l’Etat ; défendent les intérêts supérieurs de la Nation. »..
En ce qui concerne le suivi des actions du gouvernement, l’article 12 du statut de l’opposition politique est limpide. Il stipule ainsi : « L’opposition politique a le devoir de suivre l’action gouvernementale, de la critiquer de façon objective et constructive dans le sens du renforcement de l’idéal démocratique et du progrès »
En se référant à l’intitulée de ces différentes dispositions de la loi N° 2015-007 du 04 mars 2015 portant statut de l’opposition politique, à notre sens, aucune de ces dispositions n’ont été violées.
Moussa Mamadou Bagayoko