Le Conseil économique, social et culturel (Cesc) est la huitième (et dernière) des institutions de la République du Mali. C’est aussi une survivance, une rescapée de la crise politico-institutionnelle déclenchée en mars 2012, à la faveur du coup d’Etat contre le président démocratiquement élu Amadou Toumani Touré. Si après une transition mouvementée de plus d’un an imposée à la junte et au pays par une communauté internationale qui a usurpé la souveraineté nationale, les choses semblent rentrer quelque peu dans l’ordre constitutionnel avec l’élection d’un président de la République et la mise en place d’une assemblée nationale dans laquelle, cependant, l’opposition compte très peu de voix (22 députés), la République présente au moins deux incongruités : Jeamille Bittar et Siaka Diakité.
Le premier a atterri au Cesc mandaté par la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) dont il était le président. Il a ensuite été élu à la tête de la huitième (et dernière) des institutions de la République du Mali grâce à certaines pressions exercées sur ses adversaires par l’ancien pouvoir et a toujours été contesté. Le second ne doit sa présence au Cesc comme premier vice-président qu’en sa qualité de secrétaire général de la centrale syndicale Union nationale des travailleurs du Mali.
Les deux figurent au Cesc conformément à la Constitution qui dispose, Titre XIII, Art. 110, que sont membres du conseil économique, social et culturel les représentants des syndicats, des associations, des groupements socioprofessionnels élus par leur association ou groupement d’origine ; les représentants des collectivités désignés par leurs pairs, les représentants des Maliens de l’extérieur. C’est donc en toute légalité que les deux hommes ont commencé à siéger au Cesc. Ils sont élus le 30 novembre 2009 pour un mandat de cinq ans.
Et même si le renouvellement des sièges du Cesc ne doit intervenir qu’en novembre prochain, les deux hommes ont, quant à eux, perdu toute légitimité parce qu’à l’heure actuelle, ils ne représentent que leurs seules personnes. En effet, depuis près de deux ans, Jeamille Bittar a été vidé de la présidence de la Ccim, l’institution consulaire qu’il est censé représenter au Cesc. Depuis son éviction, la Ccim est gérée par un comité transitoire dirigé par Mamadou Tiéni Konaté. En attendant l’organisation d’élections consulaires ayant pour but de doter l’institution d’une direction légale et légitime. Si la gestion du comité transitoire est jugée hasardeuse et catastrophique par certains, l’équipe de MT Konaté a néanmoins permis de mettre à nu de graves disfonctionnements au sein de cette Chambre. En effet, le passage de Bittar à la présidence de la Ccim lui a permis de diviser les opérateurs économiques en différents clans qui se regardaient en chiens de faïence. Pendant que Bittar était présenté comme ne roulant que pour ses seuls intérêts ou ceux du couple présidentiel, Amadou et Lobbo. Un couple auquel, selon les mauvaises langues, il servirait de prête-nom pour des affaires peu catholiques. Toujours est-il que, et les Maliens s’en rappellent certainement, Bittar était parvenu à embarquer les présidents des autres chambres consulaires dans une sombre et douteuse affaire de médaille en or massif à offrir à ATT. Alors président de la République, ATT a refusé cet encombrant et douteux présent, conseillant à ses généreux donateurs de l’offrir plutôt au musée national. Le président Touré pouvait difficilement accepter ce cadeau jugé d’autant plus empoisonné qu’il n’en comprenant pas les véritables raisons. Etait-ce pour qu’il ferme les yeux sur des affaires délictueuses, qu’il laisse s’internationaliser la mafia locale ? En outre, en plus de lui offrir une médaille, les donateurs lui auraient gentiment suggéré de briguer un troisième mandat en faussant les règles du jeu démocratique.
Quant à Siaka Diakité, son vice-président, il a également été débarqué de son poste de secrétaire général à la faveur du dernier congrès ordinaire de l’Untm, en avril dernier. Auparavant, il avait été évincé du syndicat national des travailleurs des administrations d’Etat (Syntade). La première et plus grande centrale syndicale est dirigée depuis avril par Yacouba Katilé, seul responsable syndical autorisé à représenter les travailleurs dans l’enceinte du Cesc. Lui aussi ne serait pas exempt de tout reproche dans sa gestion de la centrale syndicale. Dans le milieu des travailleurs, on jugeait que Siaka Diakité avait accepté trop de compromis (compromissions ?) avec les autorités. S’il ne se privait jamais de menacer d’aller en grève pour des revendications très souvent farfelues, il mettait rarement ses menaces à exécution, renonçant après quelques entretiens avec des membres du gouvernement. En échange de quoi ? Certains croient qu’il serait un vendu.
Ce sont donc ces deux hommes, qui n’ont plus aucune légitimité dans leur représentation, qui continuent de présider aux destinées de la huitième (et dernière) des institutions de la République du Mali. Sous d’autres cieux, l’honnêteté et le courage auraient déjà dû guider leurs pas vers la démission afin d’être remplacés par des hommes qui ont plus de légalité et de légitimité.
Cheick TANDINA